Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 12 janvier 2016

L'arrestation d'El Chapo ne signifie pas la fin du cartel de Sinaloa





La capture du trafiquant de drogue Joaquin «El Chapo» Guzman a constitué une victoire pour le gouvernement mexicain. Mais le cartel de Sinaloa ne devrait pas pâtir de l'arrestation de son chef, estiment les analystes.

Ce puissant groupe criminel possède des ramifications dans le monde entier, produisant en Amérique du Sud des stupéfiants qu'il écoule sur l'ensemble des continents.

«Sa capture n'aura pas d'impact majeur. Il s'agit avant tout d'une victoire morale», analyse Mike Vigil, ancien chef des opérations internationales à l'agence américaine antidrogue (DEA). Le cartel «va continuer à fonctionner. Il n'y aura pas de changement», souligne-t-il.

Le gouvernement devrait s'attaquer aux biens du cartel et à ses comptes en banque, en visant la corruption qui a permis au cartel de s'implanter, s'il veut faire de réelles avancées, selon lui.

Cette organisation «s'est développée au cours des décennies, et ce n'est pas parce qu'ils (les dirigeants mexicains) se sont débarrassés du PDG que l'entreprise va s'écrouler», poursuit Mike Vigil.

Si la menace d'une possible extradition vers les Etats-Unis pèse désormais sur Joaquin «El Chapo» Guzman, le cartel dispose d'un successeur pour diriger ce groupe criminel en la personne d'Ismael «El Mayo» Zambada, âgé d'une soixantaine d'années.

Ses fils également actifs

Les fils du «Chapo» sont également actifs dans le cartel, mais Zambada - qui n'a jamais passé une seule nuit en prison - apparaît comme le successeur naturel de Guzman, et peut compter sur le respect de ses pairs.

«El Chapo» a lui-même souligné dans l'interview réalisée par l'acteur américain Sean Penn pour le magazine Rolling Stone que ses affaires continueraient sans lui.

«Si je n'existe plus, cela ne réduira pas le commerce de la drogue», a expliqué Guzman dans une vidéo, répondant à une question que Sean Penn lui avait envoyée avant sa capture.

Raul Benitez Manaut, expert en sécurité nationale à l'université nationale autonome de Mexico (UNAM), rappelle que le cartel n'a pas cessé de fonctionner normalement pendant les 17 mois où Guzman était incarcéré avant son évasion le 11 juillet. «Il n'est pas détruit. Il est affaibli, mais il peut se reconstruire, car il a 'Mayo' Zambada», estime Raul Benitez.

Guzman a raconté à l'acteur américain que l'activité de son organisation n'avait pas souffert de son incarcération. «Rien n'a diminué», a affirmé le puissant trafiquant.

Cartel du golfe

Des rivaux pourraient toutefois tenter de profiter de l'arrestation d'«El Chapo» pour gagner du terrain. «Ceux qui doivent être contents sont ceux du cartel du golfe, car ce sont ses principaux concurrents», commente Raul Benitez.

Le cartel de Sinaloa domine le trafic de drogue dans la région Pacifique du Mexique, tandis que ses rivaux opèrent le long du golfe du Mexique.

Ces deux groupes criminels se sont livré des combats meurtriers pour contrôler l'envoi de la drogue vers les Etats-Unis au cours des dernières années, même si le cartel du golfe a été affaibli par la capture ou la mort de plusieurs de ses chefs.

Gustavo Fondevila, expert en sécurité du centre de recherche et d'enseignement économique (CIDE), pense que le cartel de Sinaloa va éviter la fragmentation ou les luttes intestines qu'ont pu connaître d'autres cartels après la perte de leur chef. «Ce n'est pas un cartel qui a des problèmes internes», rappelle M. Fondevila.

L'arrestation d'«El Chapo» «ne réduira pas le travail des agences de sécurité», prévient l'analyste. Il souligne qu'il était toutefois important de capturer le fugitif, «car vous ne pouvez pas laisser dans la nature un tel personnage».

Il s'agit d'un «succès sans précédent» pour les forces de l'ordre, dit de son côté à l'AFP, sous le couvert de l'anonymat, une source gouvernementale, avant d'admettre qu«il reste beaucoup à faire contre le crime organisé».

ATS