Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 14 janvier 2016

Hervé Cornara non plus n’a pas eu le droit à la Légion d’honneur




Dans la famille Cornara, l’incompréhension est totale : Hervé, leur mari et père, décapité par Yassin Sahli, le 26 juin 2015, à Saint Quentin-Fallavier, ne figure pas sur la liste des récipiendaires de la Légion d’honneur ! Après l’oubli (réparé in extremis) d’Aurélie Châtelain pour cette même liste, une seconde bourde de la part du gouvernement ?

Kevin, son fils, ne cache pas sa colère. Et pour cause ! Hervé Cornara ne serait donc pas « une victime comme les autres » ? N’est-il pas le « premier homme à se faire décapiter sur le sol français » ? « Notre vie a été détruite comme celle des autres victimes, ce n’est pas normal que nous, on soit oubliés », s’indigne-t-il au micro de RTL. Non, ce n’est pas normal, et cet « oubli » est aussi inacceptable et indigne que celui d’Aurélie. Surtout quand on connaît l’homme et son parcours.

Très attaché à sa cité populaire des Marronniers de Fontaines-sur-Saône, Hervé Cornara laisse à tous le souvenir de quelqu’un empli d’humanité. Devenu quinze ans plus tôt le président de l’association des locataires, il s’était révélé « un appui extrêmement important pour la municipalité. Il faisait tout pour que ce quartier […] se maintienne en bon état […] », confiera, très ému, Thierry Pouzol, le maire de la ville. Hervé ? Vif, fourmillant d’idées, « tout ce qu’il voulait, c’était de faire de ce quartier un endroit où il fait bon vivre ».

Et cet homme, « un mec formidable », qui « créait du lien social », cet homme, qui se décarcassait pour que son quartier « ne dépérisse pas », qui organisait festivités et barbecues géants entre voisins, a été oublié par l’État ? Il ne pratiquait pas assez le vivre ensemble, Hervé Cornara, pour que sa famille subisse un telle humiliation ?

Alors, pourquoi lui aussi ? Parce qu’il dirigeait une petite entreprise de transport ? Un bon patron, le directeur avec lequel il sous-traitait ne tarit pas d’éloges à son endroit. Et l’État – en ces temps de faillites des entreprises et de chômage de masse – oublierait de récompenser un employeur « sérieux, travailleur, rigoureux, un homme en qui on pouvait faire une confiance aveugle »  ? Des qualités, disons-le tout net, guère valorisées dans notre société…

Aurélie Châtelain, la danseuse originaire du nord de la France, Hervé Cornara, un petit patron, un enfant du pays, dans l’Isère. La première a sans aucun doute évité un carnage dans une église ; le second, par humanisme, a eu le tort de ne pas se résoudre à licencier son futur bourreau – malgré les problèmes qu’il lui causait – au motif que ce dernier avait trois enfants. Tous deux assassinés par des musulmans radicalisés, mais cependant moins méritants que les autres victimes pour être ainsi privés de la reconnaissance du gouvernement ? Honteux, indécent, impardonnable.

Va-t-il réparer cette seconde bévue ? Ce serait la moindre des choses, parce que pour la famille d’Hervé Cornara, « cette Légion d’honneur […], ça [leur] aurait vraiment fait du bien ». Comme aux autres familles. On la comprend.

Caroline Artus