Le 9 septembre 2015, a été signée une fatwa contre Daech par 1.000 dignitaires musulmans indiens. Dans ce texte, les signataires affirment que les actions du groupe terroriste Daech sont contraires aux principes de l’islam.
Rappelons que l’Inde est le troisième plus grand pays au monde en nombre de musulmans, après le Pakistan et l’Indonésie, et qu’elle est encore peu touchée par le djihadisme. Les religieux cherchent à s’en prémunir, craignant les réseaux sociaux qui pourraient embraser leur jeunesse.
Pour le président du conseil consultatif de la Grande Mosquée de New Delhi, Abdul Rehman Anjaria, « il n’y a aucun doute sur le fait que l’État islamique abîme l’image de l’islam. L’islam n’autorise pas le meurtre des gens au nom de la religion. Ce qu’ils font aux femmes… L’islam nous apprend à respecter les femmes. »
Trois autres fatwas avaient été émises en octobre 2014, mars 2015 et juillet 2015, émanant du Pakistan, du Canada ou d’imams britanniques.
On se souvient aussi de la lettre ouverte adressée par 120 érudits et intellectuels musulmans sunnites d’Europe, de Jordanie, du Maroc, de Tunisie, du Liban, du Pakistan, d’Indonésie, d’Irak, du Soudan et même d’Arabie saoudite, en septembre 2014, dénonçant les crimes des djihadistes de l’État islamique et réfutant leurs arguments religieux. Parmi les signataires figuraient l’actuel et l’ancien grand mufti d’Égypte, Chaouki Allam, le sultan nigérian de Sokoto, le chef de la grande organisation indonésienne Muhammadiyah, ou huit éminences de l’université Al-Azhar du Caire, la plus haute autorité de l’enseignement sunnite.
L’Organisation Al-Qaïda n’est pas en reste puisqu’elle conteste la légitimité du califat. Ayman al-Zawahiri, successeur de Ben Laden, accuse Abou Bakr al-Baghdadi : « Le califat de Baghdadi est un califat d’explosions, de dommages et de destruction. » Et d’ajouter : « Exproprier le pouvoir par la force et par l’épée est un crime contre la doctrine islamique. » Al-Qaïda, un enfant de chœur qui dénonce les crimes de Daech ? Il faut se pincer pour y croire.
Tout ceci viendrait donc corroborer le « Padamalgam » qui nous est assené par la doxa politico-médiatique : l’islamisme n’a rien à voir avec l’islam.
Le problème, c’est que si on s’y intéresse de plus près, que disent précisément ces dignitaires musulmans indiens ? Dans un geste de sollicitude interreligieux extrême, cachant mal leur panique à l’idée de voir leur pays gangrené par le djihadisme, ils autorisent les musulmans à s’allier à la « coalition des mécréants » pour combattre Daech. Alors, avec ou sans Daech, les non-musulmans seront donc toujours des mécréants, lesquels ont un sort peu enviable dans le Coran, comme chacun sait ! On est tout de même un peu dépités.
On est en droit de s’interroger : les prises de position des musulmans qu’on dit « modérés » contre Daech sont-elles suffisantes, tant en nombre qu’en fermeté ? Une musulmane, et pas des moindres, la reine de Jordanie, a estimé que « les musulmans modérés à travers le monde ne font pas assez pour gagner la lutte idéologique qui est au cœur de cette bataille ».
On est en droit d’être inquiets sur la porosité du lien entre islam et islamisme, illustrée par la déclaration de Zemmour : « L’Arabie saoudite n’est rien d’autre qu’un Daech qui a réussi. »
On est en droit de ne pas se satisfaire de la campagne #NotInMyName, car il ne nous a pas été démontré au nom de quoi étaient accomplis les crimes de Daech, si ce n’est au nom de l’islam ?
Emmanuelle Frankl