Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 11 octobre 2015

Leçon de guerre de la Russie en Syrie septentrionale


Les hélicoptères d’attaque russes ont radicalement changé le cours des batailles en Syrie septrentionale. Une tempête de de feu et de métal se déverse sur les différentes forces rebelles tentant de résister à l’avancée terrestres des unités de l’Armée Arabe Syrienne (AAS) sur le front de Hama.

Des combattants de Daech et du Front Ennosra ont tenté d’abattre les chars volants russes au moyen de missiles antichar Raytheon Tow. En vain. Les Mil Mi-24 (Code Otan Hind) avancés essuyaient des tirs de mitrailleuses légères sans le moindre problème. Dans une vidéo de propagande de la rébellion, un Mil Mi-24 russe s’est même permis le luxe de survoler un ZSU-23-4 Shilka rebelle à moins de 40 mètres d’altitude sans que les opérateurs de l’engin aient pu l’atteindre avec leur rafales d’obus de 23 mm.

Les Mil Mi-24 russes couvrant l’avancée des troupes syriennes et des milices de la défense populaire ont causé des ravages dans les rangs de la rébellion.

Les rebelles tentent de stopper l’avancée des blindés syriens avec un usage massif de missiles antichar TOW mais l’ouragan de métal déversé par les hélicoptères de combat russes a grandement réduit l’efficacité des groupes rebelles tueurs de chars.

Au Nord de la province de Lattaquié, les dernières poches rebelles viennent d’être anéanties par un déluge de roquettes de 300 mm lancés par des BM-30 SMERCH à partir de positions éloignés de plus de 65 kilomètres.

Avec des moyens moindres que celles employées par les forces de la coalition menée par les Etats-Unis, la Russie a pu briser le statu quo et instaurer une nouvelle réalité en Syrie.

Pour Washington et ses alliés de l’Otan soutenant son projet de Grand-Moyen Orient (Grande-Bretagne, Australie, Arabie Saoudite, Bahrein, France, Qatar, Israël, Jordanie et Maroc) la partie est loin d’être terminée et un remix d’un Afghanistan Arabe est une option un peu trop tentante. Après tout, les Américains n’ont pas investi des milliers de milliard de dollars au Moyen-Orient pour laisser un nouveau venu introduit presque par effraction comme la Russie rafler toute la mise. Mais qui aura le courage d’abattre, même par proxy et via des sous-traitants locaux, le premier Sukhoi Su-34 russe sans que cela ne déclenche quelque chose que tout le monde aura à regretter?

La stratégie russe de 2015 est qualitativement et quantitativement supérieure à celle de l’Union Soviétique des années 80. La focalisation de la stratégie US sur la région Asie-Pacifique pourrait être perçue comme l’ébauche d’un vacuum au Moyen-Orient. Un vacuum que la Russie comble. Ce obligera Washington à ralentir sa stratégie face à la Chine et revenir dans la région centrale du monde. Comment? L’avenir proche nous le dira. Pour l’instant, la Russie fait un sans faute sur tous les plans.


 


Enfin une guerre totale contre Daesh

Jusqu’alors, les forces aériennes de la coalition pratiquaient leurs opérations avec une parfaite coordination et pondération. Presque du train-train.

Soudain, la terre syrienne s’embrase ! Les forces russes sont entrées en action et l’on revit les bombardements sur Dresde, avec un déluge de feu venant du ciel et de la mer. Mais l’armée islamique n’est pas menacée, tous les Occidentaux le disent de concert avec les Américains, qui sont affûtés en matière de renseignement tactique, comme on vient de le constater en Afghanistan…
Jusqu’alors, les forces aériennes de la coalition pratiquaient leurs opérations avec intelligence, parfaite coordination et pondération. Presque du train-train. Plus de 4.000 attaques effectuées jusqu’alors n’avaient pas semblé réduire dramatiquement le champ d’action de l’ennemi. Daech n’était pas assiégé et Palmyre pas davantage un camp retranché. Ce ne sont pas les bombes à guidage laser qui ont détruit l’Arc de Triomphe, mais les explosifs au drapeau noir.

Parmi les alliés, la France avec ses deux escadrilles avait jusqu’alors contribué avec environ 200 frappes, côté irakien exclusivement. Sans que l’on sache quels dommages irrémédiables ces opérations infligèrent à l’ennemi. L’aéronavale, dépêchée en renfort au printemps, avait doublé le dispositif durant six petites semaines mais n’avait pas davantage publié de communiqués de victoire.

Soudain, animé par un réflexe d’autodéfense et en prenant toutes les précautions oratoires, le président Hollande décidait d’étendre le champ des opérations françaises en Syrie, loin des territoires, ce qui pouvait laisser à penser – horreur – que nos avions se portaient au secours de Bachar-le-maudit. Après deux semaines de furetage pugnace pour localiser des objectifs bien à nous, une attaque fut menée contre un regroupement de djihadistes parfaitement identifiés « anti-France ».

L’arrivée en force des unités aériennes et navales russes a changé la donne. Et si le propos officiel est toujours de clamer que Poutine se porte au secours du président et du régime syriens, force est bien de constater qu’une guerre contre un ennemi diffus, mouvant, mais bien ancré dans un immense territoire ne peut se gagner avec des frappes chirurgicales et propres. Le dégagement « à la cosaque » des zones où gravitent des milices et fractions pro et anti-Bachar, qui se retournent au gré des circonstances et des vents de sable, devrait permettre de délimiter une ligne de front face à l’État islamique.

Une coopération internationale intelligente pourrait laisser le côté syrien aux Russes et se concentrer puissamment sur le flan irakien. Quand on apprend qu’une nouvelle frappe française a eu lieu sur Raqqa, dans le nord-est de la Syrie où les Russes sont également intervenus, on mesure le risque d’incident grave qui peut se produire dans un désordre aérien. Mais peut-être cette éventualité est-elle attendue, voire sournoisement espérée, pour fustiger l’entreprise russe ? L’OTAN, qui n’est pas engagée au Moyen-Orient, s’inquiète d’une « escalade militaire ». Ne serait-ce pas une réaction de dépit ?

Il est une donnée importante qui octroie du crédit à l’engagement déterminé de Poutine. Nul pays occidental ne veut déployer de troupes au sol, seul moyen ultime de nettoyer le territoire de la gangrène islamiste. Sur ce territoire déchiré, il revient donc aux troupes syriennes – et alliés locaux – d’avancer enfin pour reconquérir le terrain.

La paix mondiale mérite quelques risques ou aléas, et quoi qu’en pensent ou disent certains, Poutine n’est pas Staline et la Russie d’aujourd’hui encore moins un État soviétique.

Il est encore temps de ne pas se tromper d’ennemi !

Henri Gizardin