Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 28 juin 2015

Yassin Salhi intéresse aussi le SRC


Yassin Salhi, soupçonné d’avoir décapité son patron avant de commettre un attentat en Isère, a commencé à parler aux enquêteurs samedi soir après avoir gardé le silence depuis son arrestation.



L'auteur présumé de l'attentat de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), Yassin Salhi, 35 ans, s'est radicalisé à Pontarlier (Doubs) au début des années 2000 au contact d'un homme soupçonné d'avoir préparé avec des militants d'Al-Qaïda des attentats en Indonésie.

Aucun élément ne permet pour l'heure de relier cet homme, Frédéric Jean Salvi, à l'action terroriste de vendredi, qui a coûté la vie à un chef d'entreprise du Rhône, dont le corps a été retrouvé décapité, ont toutefois relevé des sources proches du dossier. Le suspect de l'attentat en Isère a envoyé un selfie macabre avec la tête de sa victime décapitée, a-t-on appris samedi.

Arrêté en 2000 et condamné pour un trafic de stupéfiants à la faculté des sports de Besançon (Staps) où il étudiait, Salvi est libéré en 2001 et revient en 2003-2004 à Pontarlier, sa ville natale, selon une source proche de l'enquête. Durant sa détention, il s'est converti à l'islam et semble s'être radicalisé.

Salvi, alias Ali ou "le Grand Ali"

Yassin Salhi, dont le casier judiciaire est vierge, est repéré par les services spécialisés au sein d'un groupe de sept ou huit jeunes adeptes de l'islam radical sous l'influence de Salvi, alias Ali ou "le Grand Ali", qui fréquente la mosquée de Pontarlier. C'est ce qui avait attiré l'attention des services de renseignements sur Salhi, qui sera l'objet d'une "fiche S" entre 2006 et 2008. Salhi est réapparu plus récemment, mais de manière moins précise, par le biais de signalements effectués par son voisinage sur des agissements jugés suspects.

Salvi, 36 ans, et aujourd'hui père de deux filles, aurait quitté la France en 2008. Son nom réapparaît en août 2010. Il est désigné par les autorités indonésiennes comme un suspect dans un projet d'attentat avec des militants d'Al-Qaïda à Djakarta. Salvi échappe à ce coup de filet, mais la police indonésienne arrête cinq personnes sur l'île de Java et saisit des substances explosives dans un atelier clandestin, ainsi qu'un véhicule appartenant à ce Français, qui devait, semble-t-il, servir à commettre un attentat à la voiture piégée. La police avait alors sollicité l'aide d'Interpol pour le retrouver.

Mouvance radicale

Frédéric Jean Salvi est désormais installé dans une ville britannique. "Les derniers contacts identifiés entre Salvi et Salhi remontent à assez longtemps". Des vérifications sont en cours pour voir s'il y a eu des contacts entre les deux hommes plus récemment.

"Ces deux jeunes se fréquentaient", a assuré à l'AFP un fidèle de la mosquée de Pontarlier. "Nous, on ne faisait pas attention. Ils se rencontraient chez eux, pas à l'intérieur de la mosquée. On savait qu'ils se voyaient entre eux. On ne savait pas ce qu'ils faisaient. Après, je ne sais pas qui était sous l'influence de l'autre". "Au départ, je pense qu'ils ont discuté ensemble sur l'islam. Peut-être qu'ils avaient la même vision de l'islam", a-t-il ajouté. "Yassin était fragile : il avait perdu son père, sa mère était partie au Maroc. Le problème c'est qu'il était jeune, je ne pense pas qu'il a attendu d'avoir une famille et des enfants (pour se radicaliser) et passer à l'action", a-t-il commenté.

"Le Grand Ali s'est radicalisé en prison. Tout le monde le connaissait parce qu'il était grand, calme. Il avait tenté d'installer une mouvance radicale à la mosquée, mais ça n'a pas marché", "une fois, il a essayé de prendre la parole à la place de l'imam" avant d'être rappelé à l'ordre. Après cet incident, "le Grand Ali a commencé à se réunir avec des jeunes de Besançon".

Selfie macabre

Des perquisitions ont été menées au domicile du suspect et dans la société de transports qui l'employait. L'examen de son portable a révélé qu'il s'était photographié avec la tête de sa victime, et avait envoyé ce selfie avec la messagerie instantanée WhatsApp à un numéro de téléphone de type nord-américain (Canada), qui pourrait n'être qu'un numéro relais. Mais depuis qu'ils ont repéré cette photo samedi, les enquêteurs ont pu établir que le destinataire final était en fait dans les zones de djihad irako-syriennes.

Le destinataire n'a pas été identifié car il est enregistré dans le téléphone portable sous un prénom ou surnom très courant. Les policiers ont effectué des recherches dans l'entourage connu, présent ou passé, du suspect et ont repéré une personne susceptible d'être partie en Syrie, mais sans pouvoir tirer des conclusions pour l'instant.


On ignore à ce stade à qui était adressée la photo. C'est une des nombreuses questions que se posent les enquêteurs. Il se demandent notamment si le suspect n'a pas décapité son patron après l'avoir tué. L'autopsie n'a pas encore permis de l'établir mais des traces de strangulation ont été observées.

Auune arme, ni explosif, ni matériel de propagande islamiste radicale n'ont été découvert au domicile du trentenaire. Ses liens avec la mouvance salafiste sont cependant connus.

Changement de comportement

Cet attentat n'a pas été revendiqué. La présence de drapeaux avec la profession de foi islamique entourant la tête de la victime accrochée au grillage d'enceinte de l'usine rappelle cependant les mises en scènes macabres du groupe EI.

Une source qui a averti la gendarmerie de Besançon a raconté que cet homme jusque-là affable avait changé de comportement après une absence de plusieurs mois en 2012 et recevait régulièrement, en 2013, des hommes «au crâne rasé et porteurs d'une petite barbe».

Yassin Salhi disait voyager en Suisse pour s’absenter, ce qui intéresse le SRC.

Témoignage glaçant de son entraîneur

Le professeur d'arts martiaux, qui a souhaité garder l'anonymat, a rencontré le père de famille il y a quatre ans. Yassin Salhi voulait "faire du free-fight", une forme de combat ultraviolent où tous les coups sont permis. Obligé de se rabattre sur un art martial classique, Salhi a "intrigué" son coach dès les premières leçons, au cours desquelles s'est dévoilée une "double personnalité", avec des accès de colère pour le moins effrayants.

"Il ne se battait pas : il faisait la guerre"

"Lors des combats, il se laissait taper sans réagir, sans même protéger son visage. Et puis au bout de quelques minutes, il explosait de colère et frappait dans tous les sens avec une rage inouïe. Il était dangereux, pour lui-même et pour les autres. Il ne se battait pas : il faisait la guerre. (...) Lorsqu'il explosait de rage, son regard se transformait physiquement et dégageait une colère intense que je n'avais jamais vue", relate l'entraîneur.

Un comportement d'autant plus alarmant que Yassin Salhi était, le reste du temps, "d'un abord très doux, dans ses gestes comme dans sa façon de parler". Même si "on le sentait toujours prêt à exploser à tout moment".

"Lobotomisé"

Du côté de la religion, même schizophrénie ; douceur et ultraviolence. "Sa conversation était centrée sur l'islam", rapporte encore le professeur. "C'était à l'évidence sa grande passion. Mais ses paroles ne débordaient jamais : il ne parlait que d'amour, de paix, de foi."

Indiquant avoir la conviction que Yassin avait des "failles" psychologiques dans lesquelles des prédicateurs se sont engouffrés, il précise que trois hommes - que Yassin Salhi appelait "ses frères" - étaient régulièrement présents lors des cours. Salhi avait passé six mois "dans une école coranique" en Syrie en 2010, avait-il confié à son enseignant. "C'était une bombe à retardement, et je savais au fond de moi qu'un jour elle exploserait. Mais ce n'était pas un meneur : je suis persuadé qu'on l'a utilisé, lobotomisé", résume-t-il.


Marine Le Pen demande la «fermeture des mosquées salafistes» 

La présidente du Front national Marine Le Pen a demandé samedi à Perpignan la «fermeture des mosquées salafistes» en France au lendemain de l'attentat en Isère.

«Je demande depuis des mois des mesures fortes: retrouver nos frontières nationales en sortant de la passoire Schengen ; expulser du territoire national les étrangers suspectés de fondamentalisme islamiste ; expulser les binationaux coupables ou complices de ces actes abjects après les avoir déchus de la nationalité française ; des moyens humains pour la police, le renseignement, l'armée, à qui on doit donner des ordres politiques ; geler la construction de mosquées nouvelles et surveiller les prêches», a demandé une nouvelle fois Marine Le Pen au début d'un discours consacré au bilan des eurodéputés FN à Bruxelles et Strasbourg.

La présidente du FN a aussi demandé, fait nouveau, de «fermer les mosquées salafistes en France, comme l'ont fait l'Egypte ou la Tunisie». Le gouvernement tunisien a en effet annoncé la fermeture de 80 mosquées salafistes après l'attaque sanglante de Sousse. A la suite d'une réunion de la cellule de coordination sécuritaire à la Kasbah, le premier ministre tunisien Habib Essid a annoncé que 80 lieux de culte n'étant pas sous le contrôle de l'Etat seront fermés d'ici une semaine. 

89 mosquées sont aux mains des fondamentalistes en France 

«Notre pays vient de connaître une nouvelle attaque de nos ennemis terroristes islamistes. Islamistes! Je le dis parce qu'une fois encore, dans les déclarations publiques de François Hollande et de Nicolas Sarkozy, pas une seule fois ce mot n'a été prononcé», a critiqué Mme Le Pen.

Le principal suspect de l'attaque, Yassin Salhi serait proche de la mouvance salafiste. Selon un dernier état des lieux, le nombre des mosquées et salles de prière passés aux mains des fondamentalistes a plus que doublé en quatre ans, passant de 44 à 89 entre 2010 et l'année dernière. Le Figaro révélait en février dernier que pas moins de 41 autres lieux de culte étaient aujourd'hui déstabilisés par ce que les experts appellent les «attaques salafistes». 

TF121