Un reportage de Florian Bauer, Daniel Hechler, Robert Kempe, Jochen Leufgens
Il a fini par jeter l’éponge ! Le Valaisan Sepp Blatter, réélu il y a quelques jours à la tête de la FIFA, qui règne sur l’empire du football international et brasse plus de 5 milliards de francs, a finalement donné sa démission. La pression des justices suisse et américaine est devenue insupportable, les révélations accablantes et les arrestations de responsables ont fait le reste. Mais comment la FIFA de Blatter en est-elle arrivée là ? Corruption, violation des droits du travail, népotisme. La FIFA de Blatter, depuis 17 ans qu’il est au pouvoir, c’est un système opaque, au caractère quasi mafieux, organisé pour que les parrains du football restent au pouvoir envers et contre tout. Enquête.
Le 29 mai dernier, Sepp Blatter était réélu à Zurich dans le chaos. Cette fois, pour cette 5e élection, un front uni d’Européens, d’Américains du Nord et d’Australiens ont tapé sur la table, estimant que la FIFA était arrivée à un point de non-retour et qu’un changement à sa tête était impératif pour mettre enfin en route un train de réformes qui permette de redonner à l’instance dirigeante du football mondial un peu de crédit. L’arrestation de 7 responsables de la FIFA, soupçonnés de corruption, par le Ministère public de la Confédération et le FBI américain, puis de nouvelles révélations sur les achats de voix de délégués, ont mené à cet incroyable coup de théâtre: élu le 29 mai, puis démissionaire quatre jours plus tard.
Sepp Blatter va donc quitter son trône de roi du football mondial. Pendant 17 ans, il a régné sur un système sophistiqué, entièrement contrôlé par lui et qui lui a permis de rester si longtemps au sommet. Grâce à la corruption, d’abord, établie, reconnue même par la FIFA qui a mollement procédé à quelques réprimandes. On apprend ainsi, dans le reportage diffusé par "Temps Présent", qu’après une courte mise en quarantaine, les délégués corrompus retrouvent leur siège et bien sûr, votent pour Blatter. Car c’est dans ses fameux "fonds d’investissement" pour le développement du football, en fait de généreuses enveloppes, que ces potentats locaux viennent se servir. Sepp Blatter se garde bien de mettre son nez dans leurs petites affaires, surtout pas avant sa réélection. Vous avez dit "responsable" ?
Et puis, il y a l’envers du décor: la FIFA qui jure le cœur sur la main promouvoir la paix et les droits de l’homme. Mais qui n’hésite pas à attribuer la Coupe du Monde à la Russie, en conflit avec l’Ukraine. A laisser des centaines d’ouvriers immigrés mourir sur les chantiers des stades au Qatar (les syndicats craignent plus de 4000 morts d’ici la Coupe du Monde, en 2022 ). Ou encore à imposer à la Russie de durcir ses lois sur le travail pour réduire au même état d’esclavage les ouvriers des chantiers russes. Oui, le dossier noir de Sepp Blatter a précipité sa chute.