Du 18 au 21 juin, 200000 personnes sont attendues à Waterloo, au sud de Bruxelles. Au programme des commémorations, une reconstitution avec 5000 figurants, 300 chevaux et 100 canons. © Gregory Bellemont/DR
Le bicentenaire de la bataille emblématique sera célébré du 18 au 21 juin. Témoignages d’époque.
«Soldats! Nous avons des marches forcées à faire, des batailles à livrer, des périls à courir; mais avec de la constance, la victoire sera à nous; les droits, l’honneur et le bonheur de la patrie seront reconquis! Pour tout Français qui a du cœur, le moment est venu de vaincre ou de périr!» En ce 16 juin 1815, le général Lefol harangue ses soldats disposés en carré, leur lisant la proclamation de l’empereur. On est devant Ligny, où les Prussiens tentent de bloquer Napoléon en route pour Bruxelles.
«La bataille prit un caractère sanglant», raconte le lieutenant Lefol, neveu du général. «On luttait corps à corps, on se fusillait à brûle-pourpoint, on se tuait à coups de baïonnettes, et nos soldats tombaient en criant: vive l’empereur!» Les Français remportent la bataille, repoussant les Prussiens, qui se replient vers Wavre. De part et d’autre, les pertes sont sévères. Arrivé à Ligny, le lieutenant Lefol trouve des «monceaux de cadavres»: «J’ai encore dans les oreilles le genre de bruit que produisait le passage des roues écrasant les crânes des soldats. Peut-être même, parmi ces hommes étendus sur le sol, et que nous foulions aux pieds, y en avait-il dont le cœur battait encore.»
Le bilan est également lourd aux Quatre-Bras, où les Français, menés par le maréchal Ney, se sont battus pendant sept heures face à l’armée anglo-alliée du duc de Wellington pour contrôler ce carrefour névralgique. Le caporal au 28e de ligne Louis Canler garde en mémoire le souvenir ému de ce jeune soldat aux deux jambes emportées par un boulet, qui lui cria, du bord de la route: «J’ai perdu mes deux jambes, mais je m’en fous! La victoire est à nous! Vive l’empereur!»
«Un combat de géants!»
Le 17 juin, le maréchal Grouchy se lance à la poursuite des Prussiens. Wellington, qui s’est replié tactiquement des Quatre-Bras vers le nord, déploie son armée sur le plateau de Mont-Saint-Jean. La pluie s’abat sur la région, plongeant les troupes dans la boue. Napoléon bivouaque face aux Anglais, à la ferme de Caillou. Il doit se faire «tirer les bottes, qu’on eut de la peine à lui arracher, tant elles étaient mouillées», confie son mamelouk Ali.
Le 18 juin, le temps se lève, la bataille de Waterloo peut commencer! Chef d’état-major auprès du général Bachelu, Toussaint-Jean Trefcon assiste à l’assaut de la ferme d’Hougoumont, à l’ouest du champ de bataille: «La division du prince Jérôme Bonaparte allait s’en emparer quand les Anglais, envoyant des renforts, la forcèrent à se replier. Après avoir éprouvé des pertes assez considérables, la division se reforma, augmentée d’une brigade, et s’élança de nouveau à l’assaut d’Hougoumont. Le combat fut violent et dura jusqu’au soir, les adversaires s’emparant et reperdant tour à tour leurs positions. C’était un combat de géants!»
A l’est du front, pendant ce temps, les 80 canons français de la grande batterie ouvrent le feu, sur 1400 mètres de large. Le 1er corps du général d’Erlon démarre sa progression avec quatre divisions d’infanterie. «A 3 heures, le champ de bataille ressemblait à une véritable fournaise. Le bruit du canon, celui de la fusillade, les cris des combattants, tout cela joint au soleil ardent, le faisait ressembler à l’enfer des damnés!», décrit le chef d’état-major Trefcon, admirant en particulier les chasseurs et hussards de la cavalerie: «Plus de dix fois, ils s’élancèrent sur les Anglais et, malgré leur fusillade, parvenaient jusque sur leurs baïonnettes.»
Pour vaincre l’armée anglo-hollandaise de Wellington, Napoléon compte sur le secours de Grouchy, qu’il avait envoyé poursuivre les Prussiens la veille. Mais le maréchal, qui en découd avec l’arrière-garde prussienne à Wavre, ne reçoit pas l’appel de l’empereur. Et trois corps prussiens, forts de 33 000 hommes, foncent déjà sur Waterloo. «Une masse énorme d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie se précipite sur le champ de bataille. Qu’est-ce qui nous apporte enfin l’arrêt de la destinée? Hélas! Ce n’est pas Grouchy! C’est Blücher et son armée», se lamente le lieutenant genevois Martin, du 45e régiment d’infanterie de ligne.
Terreur sur les visages
Napoléon fait alors donner la garde. Mais les jeux sont faits. «La garde fut étonnée de tant de résistance. Elle hésita, commença à flotter de droite et de gauche, tourbillonna en désordre et entraîna dans sa fuite, qui s’accéléra de plus en plus, tout ce qui tenait encore derrière elle», déplore le colonel de Salle, chef d’état-major de l’artillerie du 1er corps. «La terreur était peinte sur tous les visages. Une panique incessante donnait à ces malheureux soldats des jambes pour fuir, mais la tête était perdue.»
La chute de l’Aigle
De retour d’exil sur l’île d’Elbe, Napoléon débarque à Paris le 20 mars 1815. Le roi Louis XVIII fuit à Gand.
Une coalition contre Napoléon - Royaume-Uni, Prusse, Autriche et Russie - se forme au Traité de Vienne.
L’empereur, qui veut surprendre les Anglais et les Prussiens avant leur jonction avec les autres alliés, envahit la Belgique le 15 juin.
Le 16 juin, bataille des Quatre-Bras. Les Anglais opèrent un recul stratégique. Et bataille de Ligny, où les Français repoussent les Prussiens.
Le 18 juin, à Waterloo, la coalition de Wellington (68'000 hommes) fait face à 73'000 Français. Victoire des alliés, grâce au renfort de 33'000 Prussiens. Des combats se poursuivent jusqu’au lendemain à Wavre.
Napoléon abdique le 22 juin. Le 7 août, il embarque pour Sainte-Hélène.
Pascal Fleury

