Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 10 juin 2015

Comment sont pris en charge les frais de voyage des ministres français ?


Le déplacement de Manuel Valls en Allemagne pour aller assister à la finale de la Ligue des champions n'en finit pas de faire jaser. Des règles, parfois justement édictées sous le coup d'une polémique, existent cependant, qui permettent d'y voir (un peu) plus clair.

En 2012, juste après l'élection de François Hollande à la présidence de la République, une charte de déontologie a été édictée et signée par l'ensemble des ministres, qui précise les règles de prise en charge des déplacements des membres du gouvernement. Cette charte reprend elle-même en grande partie les circulaires édictées lorsque François Fillon était premier ministre. «Seules les dépenses directement liées à l'exercice des fonctions sont prises en charge par l'État», précise la charte de déontologie. Cette règle ne vaut cependant pas complètement pour le président de la République et le premier ministre. Ces derniers peuvent en effet faire usage d'un avion officiel pour un déplacement privé, et ceci pour des raisons de sécurité et de réactivité.

Le premier ministre doit s'acquitter du prix de son billet

Dans un rapport datant de 2009, la Cour des comptes précisait ainsi ces règles: «Lorsque vous effectuez un déplacement privé, vous êtes amené à utiliser les lignes commerciales régulières et donc à régler de vos deniers personnels le prix de vos billets et ceux de votre famille. Lors de ces déplacements, un certain nombre de fonctionnaires effectuent le voyage dans le même avion que vous [du personnel de sécurité, un médecin, un aide de camp... NDLR]. Simultanément, un avion vous accompagne à vide et stationne à proximité discrète de votre résidence» au cas où une crise nécessiterait un départ brusque.

Dans la mesure où l'avion chargé d'accompagner le président vole de toute façon à vide, la Cour des Comptes suggère que tout le personnel monte plutôt dedans, de façon à réaliser des économies. Le président est ainsi autorisé à utiliser un avion officiel pour un usage privé. Mais dans ce cas, le chef de l'État devra rembourser ses frais de déplacement «sur la base des tarifs commerciaux». Il n'a en revanche pas à s'acquitter du transport de son personnel.

Les mêmes règles valent pour le premier ministre. En 2011, en pleine polémique sur ses vacances en Égypte, François Fillon avait ainsi expliqué s'y être rendu à titre personnel avec sa famille, à bord d'un Falcon de l'Armée de l'Air et avoir réglé le montant des billets correspondant. «Le Premier ministre effectue tous ses déplacements en avion à bord d'appareils de la flotte gouvernementale, pour des raisons de sécurité et de disponibilité. S'agissant d'un déplacement privé, son billet et celui des membres de sa famille lui sont facturés sur ses deniers personnels», précisait le communiqué qu'il avait à l'époque publié.

4742 euros l'heure de vol

Toute la question, s'agissant de Manuel Valls, est donc de savoir si son déplacement a été réalisé à titre privé ou dans le cadre de ses fonctions. S'il s'agissait d'un voyage privé, le premier ministre aurait à rembourser l'équivalent du même trajet sur une ligne commerciale, pour lui et ses deux enfants. Soit, entre 700 et 900 euros par personne en classe business, selon les tarifs d'Air France. Un coût peu comparable avec les quelque 4742 euros pour une seule heure de vol du Falcon 7X utilisé pour son aller-retour à Berlin.

Valls, le Barça et le Qatar

Manuel Valls (d'origine ibérique) dit avoir été invité par le président de l'UEFA et avoir eu une réunion avec les dirigeants de l'organisation du football européen sur l'Euro 2016 de football, qui aura lieu en France. Crédits photo : ODD ANDERSEN/AFP


Michel Platini a devancé les questions des journalistes. Mercredi, en marge de la conférence de presse d'ouverture de la billetterie de l'Euro-2016, le président de l'UEFA est revenu sur la polémique autour du déplacement de Manuel Valls samedi à Berlin pour la finale de la Ligue des Champions. La présence du premier ministre, fervent supporter du «Barça» (dont le sponsor est le Qatar), à cette finale de Ligue des champions fait polémique car le premier ministre a fait son déplacement à bord d'un Falcon de la République, en plein congrès du Parti socialiste à Poitiers, accompagné de deux de ses fils. Manuel Valls assure avoir été invité par le président de l'UEFA et avoir eu une réunion avec les dirigeants de l'organisation de l'Euro.

Michel Platini a ainsi confirmé la version des faits livrée par le premier ministre. En octobre dernier, au comité de pilotage de l'Euro 2016, le président de l'UEFA a promis à Manuel Valls de l'inviter si le club se qualifiait pour la finale, explique-t-il. «Une fois la qualification acquise, j'ai tenu parole», poursuit l'ancien joueur de l'équipe de France. «La semaine précédant la finale, le cabinet du premier ministre a contacté mon bureau pour dire que Manuel Valls souhaitait me rencontrer en tête-à-tête avant le match.» Le premier ministre aurait souhaiter s'entretenir avec lui sur deux sujets: «un certain nombre de points en discussion entre le gouvernement français et l'UEFA sur l'organisation de l'Euro et la situation du football international après la crise de la Fifa», détaille Michel Platini. «Pour le reste, la polémique est une affaire franco-française qui ne concerne pas l'UEFA», a clos le président de l'organisation.

Selon Matignon, le voyage était bien «institutionnel et officiel», même s'il ne figurait pas à l'agenda officiel du premier ministre. François Hollande a également confirmé cette version des faits. Mais celle-ci a été mise en cause mercredi par le Canard enchaîné. Un responsable de l'UEFA aurait démenti par courrier électronique la tenue d'une quelconque réunion. Quant à la présence de deux de ses fils, l'entourage du premier ministre la justifie car elle n'aurait engendré aucun coût supplémentaire. Mais cette ligne de défense n'a pas été la seule employée depuis samedi soir par Manuel Valls et ses ministres. Lui-même a entretenu la confusion en évoquant sa «passion» pour le foot et en revendiquant le droit à des «moments de détente» eu égard à sa lourde charge de travail. Et ces explications parfois brouillonnes ont nourri le feu des critiques.