Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 22 mars 2015

Menaces jihadistes en mer Méditerranée





« Cette mer dans laquelle vous avez jeté le corps de cheikh Oussama ben Laden, nous jurons de la remplir avec votre sang », avait menacé le chef des bourreaux de 21 coptes égyptiens en parlant de la Méditerranée, dans une vidéo diffusée en février par la branche libyenne de l’État islamique (EI). Et le même d’ajouter : « Nous allons conquérir Rome par la volonté d’Allah ».

Les intentions de l’EI sont donc claires. Et l’Italie est en première ligne. D’ailleurs, à la même époque, le quotidien Il Messagero avait évoqué des conversations interceptées par les service de sécurité italien dans lesquelles les jihadistes envisageaient de se servir de 500.000 migrants comme une « arme psychologique » contre l’Europe en cas d’intervention militaire en Libye.

« Les jihadistes émettent l’hypothèse d’envoyer à la dérive en direction de l’Italie des centaines de barques remplies de migrants, dès le moment où notre pays évoquerait une intervention armée en Libye », écrit le journal. L’intention de l’EI serait ainsi de créer un désastre humanitaire qui aurait un effet dévastateur sur l’opinion publique.

L’an passé, 170.000 migrants ont posé le pied en Italie via la Méditerranée. La technique des passeurs est simple : ils utilisent des bateaux fantômes, généralement des vieux cargos remplis de candidats à l’émigration et envoyés à la dérive. Et cela oblige donc les garde-côtes à intervenir, ce qui n’est pas sans danger puisqu’il est arrivé que ces derniers soient pris pour cibles. D’où leur demande d’être armés…

Un autre danger est que des jihadistes soient présents dans le flux des migrants. Cette hypothèse est envisagée à Rome. Et elle vient de l’être par Gilles de Kerchove, le coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, lors d’un entretien accordé à l’agence autrichienne APA.

« Nous devons être vigilants. Il est relativement facile de pénétrer dans l’Union européenne quand on se mêle au flux de migrants », a-t-il affirmé, en marge d’une réunion à Vienne, avant d’en appeler à une « sensibilisation accrue des forces FRONTEX », c’est à dire de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, dont la mission est de coordonner les activités des garde-frontières dans le maintien de la sécurité des frontières de l’Union avec les États non membres.

Pour le moment, cette dernière est chargée de l’opération Triton, qui a pris la suite de celle appelée « Mare Nostrum », jusqu’alors financée par l’Italie. Prolongée, en février,  jusqu’à la fin de cette année et dotée d’un budget de 18 millions d’euros, cette mission manque de moyens par rapport à l’ampleur de sa tâche, avec seulement 2 avions, 1 hélicoptère et 9 navires, dont 2 patrouilleurs de haute mer.

Mais, ce craignent certains responsables militaires est de voir la Méditerranée devenir le théâtre d’actions terroristes contre le trafic maritime, voire même contre des îles, comme l’a expliqué l’amiral américain James Stavridis, l’ancien Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR).

En novembre, la marine égyptienne a ainsi indiqué que l’un de ses navires avait été la cible d’une attaque qualifiée de « terroriste » et au cours de laquelle 8 marins perdirent la vie. Des actions de ce type peuvent devenir plus fréquentes si l’EI contrôle les villes portuaires libyennes, comme c’est le cas à Syrte.

Un rapport du ministère italien de la Défense, évoqué par le journal britannique The Sunday Express, a mis en garde contre un scénario identique à celui que l’on a pu suivre au large de la Somalie. Mais avec des effets encore plus dévastateurs. « Des embarcations rapides pourraient attaquer des bateaux de pêche, des navires de croisières et des petits bâtiments de commerce ainsi que les garde-côtes afin de prendre des otages », y est-il écrit. Et c’est sans parler de la navigation de plaisance.

« Si j’avais un yacht et l’intention de naviguer cet été en Méditerranée, je serais inquiet pour ma sécurité », a ainsi affirmé le contre-amiral britannique Chris Parry. Et cela d’autant plus que les jihadistes sont nettement mieux armés que les pirates somaliens.

En attendant, l’Italie a décidé de renforcer ses moyens militaires en Méditerranée. « Suite à une aggravation de la menace terroriste, démontrée de façon spectaculaire par les événements d’hier en Tunisie, une augmentation de nos moyens aériens et navals en Méditerranée centrale est devenu nécessaire », a affirmé Mme Roberta Pinotti, le ministre italien de la Défense, le 19 mars.

Ce renforcement des moyens militaires, qui passe par le déploiement d’unités navales supplémentaires, d’avions, d’hélicoptères et de drones, est « nécessaire pour défendre les intérêts multiples de l’Italie dans la région à la lumière du risque croissant posé par la présence de groupes extrémistes et assurer des niveaux constants de la sécurité maritime », a continué Mme Pinotti. Il s’agit ainsi de protéger « les lignes de communication, la marine marchande et les plate-formes offshore » et d’exercer une surveillance « accrue de l’activité jihadiste ».