Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 30 mars 2015

Le djihadiste biennois Majd N., apparaît dans des vidéos effrayantes et morbides


Majd N. avait été interdit d'entrée en Suisse.
Image: Archives/AFP


Image extraite d’une séquence vidéo (DR)
Majd N., qui serait aujourd’hui mort, apparaît dans de petites séquences de films avec des cadavres, en Syrie. Embrigadé par Jabhat al-Nosra, il tient des propos violents


Dans les vidéos, il est facilement reconnaissable. A sa voix fluette d’abord, si atypique. Et ensuite, parce que sa barbe est sans poils sur le côté droit de son menton, précisément là où il avait une cicatrice de guerre, souvenir de ses combats en Somalie. Comme révélé par Le Temps samedi, Majd N., le gymnasien disparu de Bienne en février 2011, qui a combattu aux côtés de la milice islamiste des Shebab en Somalie, a été emprisonné au Kenya, puis expulsé en Jordanie, son pays d’origine, a ensuite pris les armes en Syrie. Aux côtés du Front Al-Nosra, affilié à Al-Qaida. Il aurait été tué il y a plusieurs mois. Ses parents ont quitté la Suisse il y a quelques semaines.

Les vidéos de propagande que Le Temps a retrouvées sur Internet ne laissent planer aucun doute. Elles sont morbides et Majd y joue un rôle de premier plan. Dans une séquence de 1:10 minutes – plusieurs petits films ont été faits au même endroit –, on y voit d’abord des cadavres, disloqués, d’hommes en treillis et d’autres apparemment en civil, sur une colline. Puis un gros plan sur Majd. Keffieh rouge et blanc sur la tête, gilet pare-balles beige et fusil d’assaut sur le dos. Dans sa main, un talkie-walkie. L’homme aux lunettes se fait appeler Cheikh Abu al-Walid al-Shami. Il semble diriger les hommes avec lesquels il se trouve. C’est lui qui parle. Re-gros plan sur les cadavres pêle-mêle, certains avec des blessures bien visibles. En tout cas huit. En haut à droite des images, le logo d’une brigade liée au Front Al-Nosra.

«Nous disons aux ennemis d’Allah tout-puissant, peu importe où ils se trouvent, que nous arrivons avec une armée qui aime la mort autant qu’ils aiment la vie», dit-il, en arabe, avec son défaut de diction caractéristique. Quand la caméra montre les corps, il laisse entendre que ce sort sera réservé à ceux qui «envahissent le pays, à ceux qui combattent l’islam, aux infidèles». Un discours ponctué de «Allahu Akbar!» («Dieu est grand», ndlr). Rebelote dans un autre extrait, de 3 minutes. Dans les vidéos, certains hommes ont le visage masqué, d’autres pas.

D’autres séquences semblent avoir été directement filmées par Majd lui-même. Avec sa voix en off, en guise de commentaire. Encore des cadavres. Majd filme des hommes morts, dans des sortes de tranchées en béton, ainsi qu’une cache, probablement de soldats de Bachar el-Assad, avec des matelas dans tous les sens. Une vidéo où un chant de guerre, à la mélodie entêtante, supplante la voix fluette de Majd, que l’on arrive toujours à entendre, en bruit de fond.

Ces séquences auraient été tournées en avril 2014., dans la province de Quneitra, à Till Ahmar. Elles ont été mises en ligne sur YouTube et ont été diffusées sur Twitter. Majd se réjouit que les «frères de Jabhat al-Nosra» aient libéré la colline et repris une position stratégique de l’armée de Bachar el-Assad.

Un autre document, audio, circule. De 21 minutes. Majd y dit la prière du vendredi. Un prêche dans lequel il déclare notamment, tout à la fin: «Et tuez, jusqu’à ce que la religion d’Allah soit la seule, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de discorde.»

Après l’épisode somalien, Majd N. était sous le coup d’une interdiction d’entrée sur territoire suisse, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) l’ayant jugé à l’époque dangereux pour la sécurité du pays parce qu’il entretenait «d’étroites relations avec le groupement terroriste somalien Al-Shebab». Cette décision avait été critiquée: des voix s’étaient élevées pour dénoncer l’«activisme exagéré» du service. Des politiciens laissaient entendre que Majd, qui a longtemps tenté de faire croire qu’il avait été «kidnappé» par les Shebab, était une brebis égarée. Ces nouvelles révélations sont une aubaine pour le SRC dont la loi est en plein examen parlementaire. Mais à en juger par les résultats au National, la loi devrait de toute façon passer, les récents cas de djihad ayant convaincu certains sceptiques que les moyens d’action du SRC devaient être renforcés.

Reste une hypothèse: et si Majd avait en fait, après son retour de Somalie et du Kenya, été «retourné» par les services secrets jordaniens, pour infiltrer le Front Al-Nosra, comme espion? Cette possibilité ne peut pas être écartée, même si Majd a apparemment été jugé digne de confiance par ses supérieurs hiérarchiques djihadistes. Car il apparaît comme un petit chef dans les vidéos. 

Valérie de Graffenried