Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 2 mars 2015

La guerre contre la Russie ne fait que commencer


John Sawers


John Sawers, patron du MI6 jusqu’en Novembre 2014, annonce clairement les choses, sans langue de bois ni faux semblants, avec le cynisme et la morgue qui caractérisent les dirigeants et hauts fonctionnaires britanniques. Pour lui, la Russie représente une menace pour la Grande-Bretagne. « Le danger de la Russie est imminent », dit-il, selon la chaine de télévision al-Arabiya.

Le fait que Moscou soutienne les indépendantistes de Novorussie est, selon Sawers, une preuve claire de « l’ambition de la Russie d’accroître son influence dans les Balkans au détriment des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne ». Notez bien qu’il dit « au détriment des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne ». Ni l’Allemagne, ni la France, ni même l’UE ne sont concernées dans cette histoire. Il s’agit bien de sauvegarder des intérêts extra européens, disons anglo-saxons pour faire court.

« Le gouvernement britannique est prêt à défendre ses intérêts. Il doit se préparer à une guerre par procuration tout comme ce qui se passe actuellement en Ukraine. Londres doit renforcer sa défense électronique, car la Russie essaie de développer son influence par de nouvelles méthodes sans entrer en confrontation frontale avec l’Occident », rajoute-t-il.

Il est à noter plusieurs choses dans ces déclarations faites par quelqu’un qui a dirigé le MI6 pendant 5 ans et qui n’est donc pas n’importe qui, bien plus près de la réelle gouvernance que bien des dirigeants mondiaux.

La première remarque est que Sawers ne parle jamais d’intérêts économiques. Il parle d’influence, donc d’hégémonie, là où tout le monde raisonne en termes économiques. C’est une politique constante des gouvernements britanniques au service de la Couronne, pour laquelle la très grande longévité de la reine actuelle est une bénédiction. Combien de présidents, de premiers ministres ou de chanceliers la Reine Elisabeth a-t-elle vu se succéder dans tous les pays du monde ? Elle les a vu défiler les uns après les autres en un carrousel de ce que les peuples appellent « changements » ou même « révolutions » mais qui n’est que la perpétuation de ce dont elle est la gardienne : le libéralisme triomphant. Chef de l’exécutif de plusieurs pays à travers le monde, elle détient les clés de la planète, au service des banques, ou l’inverse, à moins qu’il ne s’agisse d’un pacte gagnant-gagnant.

La deuxième remarque nous mène au cœur des guerres que subit le monde depuis des décennies. Sawers avoue, sans ambages, que la guerre que la Grande Bretagne doit mener contre la Russie se fera par procuration. C’est bien ce qui s’est passé depuis toujours, et continue de se passer sous nos yeux. Dans toutes les guerres actuelles, qu’elles soient pays contre pays ou par mercenaires interposés, on retrouve l’empreinte de ceux qu’on appelle généralement les anglo-saxons, qui ne sont en fait que les britanniques utilisant au maximum, en les mettant en avant au besoin, leurs premiers proxies qui forment le bloc dit « anglo-saxon ». Rompue à ce jeu depuis des siècles, la Grange Bretagne en est maintenant à créer des proxies de proxies, comme on le voit au Moyen-Orient. Israël lui-même est un de ses proxies.

La dernière remarque est le constat amer de John Sawers selon lequel la Russie refuse de se laisser entrainer dans une confrontation avec l’Occident, et qu’elle semble vouloir jouer le même jeu que la Grande Bretagne, ce qui est inacceptable. Puisque Moscou ne veut pas d’une guerre frontale, il faudra lui imposer une guerre asymétrique par procuration. Autant dire que ce n’est pas demain que l’Ukraine retrouvera la paix. Le tour des pays baltes, de la Pologne et des autres pays voisins ne tardera pas à venir, à moins que la Russie et ses alliés ne trouvent des solutions pour enrayer la machine.

Les États-Unis ont-ils assassiné Boris Nemtsov ? 

Les manchettes, partout dans le monde, ont présenté des variations sur l'histoire de l'assassinat de Boris Nemtsov. Chacune d'entre elles reprend le récit des faits pertinents: quoi, qui, où, comment... Mais la vraie question est pourquoi. La réponse à cette question, ou plutôt ce que l'Occident prétend avec insistance être la réponse, nous dira beaucoup sur les plans des États-Unis pour intensifier les tensions en Russie, en Ukraine, et au-delà. 

Il serait insensé de mettre de côté toute hypothèse liant ce crime à des gens proches de lui, dans le domaine des affaires, de la politique ou de la romance. En ce qui concerne les affaires, nous pouvons rappeler que bon nombre de personnes voulaient sa mort à cause de ses crimes et de sa corruption en tant que directeur de la Banque Neftyanoi - aujourd'hui liquidée - et président de sa société mère Neftyanoi Concern. 

De nombreuses polémiques ont fleuri autour de cette affaire en 2006. Bien sûr, dans le domaine des problèmes de cœur, nous avons tous ceux qui entourent la femme avec qui il a été vu la dernière fois. Cette femme, Anna Duritskaya, était également présente lors de la fusillade. Des rumeurs flottent ici et là que cela pourrait être lié à son récent avortement et autres aspects mélodramatiques associés. La jeune Ukrainienne de 23 ans, qui marchait au côté de Boris Nemtsov au moment du drame, n’a pas été épargnée non plus par les commentaires peu gracieux. Placée sous surveillance policière, elle ne peut pas quitter le territoire, ont fait savoir les enquêteurs, qui n’ont pas fini de l’interroger.

Anna Duritskaya

Un lien évident avec cette affaire est la crise en cours en Ukraine et, dans cette variante, le meurtre pourrait avoir été motivé par un conflit interne entre factions pro-américaines là-bas. Nemtsov a été actif pendant la Révolution orange de 2004, soutenue par les États-Unis. Victor Iouchtchenko a ensuite été nommé conseiller économique, mais il a quitté son poste dans des circonstances suspectes, laissant derrière lui plus d'ennemis que d'amis. Parmi ces ennemis, l'un deux pourrait très bien être à l'origine de l'assassinat, ou ceux qui sont derrière lui, mais le moment de cette fusillade et d'autres faits pertinents devraient plutôt nous amener à considérer que c'est politiquement motivé. 

Ces complots peuvent effectivement être un peu complexes, c'est souvent le cas lorsque deux oiseaux sont tués avec une seule pierre. Un rival personnel peut recevoir un feu vert pour régler un compte, et ainsi accomplir un acte de plus grande portée géostratégique, comme dans ce cas. En fait, nous cherchons ici à savoir si cela a été effectué sur les ordres de l'un des principaux acteurs impliqués dans la crise mondiale actuelle. Concrètement, la question est de savoir si cela a été réalisé par les Russes et leurs amis, ou par les États-Unis et leurs amis. 

 Que la fusillade ait été faite sur contrat ou non n'est également pas très important, sauf si on regarde l'aspect médico-légal et judiciaire du crime ainsi que les circonstances immédiates elles-mêmes. Celles-ci pourraient nous dire certaines choses, sauf que dans des cas comme celui-là, nous devons toujours être conscients que le maquillage en travail non professionnel - comme dans ce cas - serait quelque chose qu'un professionnel pourrait faire pour lancer sur une fausse piste.




Par exemple, il est probable que nous entendrons de la part des amis de la Russie que ce meurtre n'a pas les signes caractéristique d'une frappe professionnelle organisée par un gouvernement. Ils feront évidemment remarquer que si Boris Nemtsov avait été la cible du Kremlin, il serait mort dans un accident de voiture ou d'une crise cardiaque. Ce serait beaucoup trop bâclé pour quiconque au Kremlin de penser à lui tirer dessus en public, avec des témoins.

Ce n'est pas trop convaincant, parce qu'effectivement ces méthodes sembleraient impliquer l'État russe, alors que la façon plutôt bâclée avec laquelle Nemtsov a été tué nous pousse à éliminer cette possibilité. Dans la même logique, si un coup de ce genre devait être réalisé, alors, pour l'État, utiliser une méthode d'amateur prendrait tout son sens. Dans le cas des États-Unis, il faut présenter une autre explication. Si les États-Unis sont derrière tout cela, il doit paraître évident qu'il s'agit d'un assassinat bâclé, affreux, sans laisser aucun doute.

 En fait, si les Russes voulaient sa mort, la valeur de l'assassinat serait dans son invisibilité. Mais si les Américains voulaient le tuer, la valeur serait dans le spectacle de l'assassinat lui-même. Cet assassinat est chargé de spectacle.

Si l'on peut soutenir que la Russie aurait employé des méthodes bâclées afin de lancer sur une fausse piste, il est cependant plus probable, compte tenu de la méthode, que les États-Unis sont derrière. Cela aurait pu être organisé à l'aide de moyens ukrainiens, que la CIA et l'Otan possèdent désormais en abondance, et n'impliquerait pas les agents américains sur le terrain à Moscou. Ainsi, que cet acte ait été accompli au grand jour signifie bien qu'il devait être reconnu comme un meurtre. Cela ne correspond ni à un motif ni à un mode opératoire russe.

Qui en profite? 

Les questions plus profondes concernant un cas de ce genre confirment les remarques précédentes.

La première question à se poser est à qui cela profite-t-il. Dans ce cas, nous savons que la Russie, en particulier Poutine, n'a rien à gagner. Le meurtre de Nemtsov, sous aucune circonstance, n'a de sens du point de vue russe. Politiquement, il ne posait pas de menace réelle tant qu'il était vivant. Avec moins de 5%, sa candidature et le Parti républicain n'ont pas recueilli suffisamment de soutien pour obtenir un seul siège au parlement russe, la Douma. Avec des taux d'approbation supérieurs à 85%, Poutine n'a pas besoin de recourir à ce genre de pratiques que, dans tous les cas, en dépit de ses légions de détracteurs, payés ou amateurs, il serait de toute façon peu disposé à employer . Poutine n'est pas un dictateur aventurier, mais la tête d'une nation puissante et complexe.

 La Russie est également à un moment politique différent, où de telles méthodes ne sont pas nécessaires, même si la victime avait été une figure gênante de l'opposition. Quand on dispose de tant d'autres moyens d'assassinat virtuel, par exemple par les médias, les assassinats réels sont inutiles. Il existe également d'autres méthodes pour délégitimer ces personnages, qui tournent invariablement autour de leurs relations d'affaires, des filles mineures, et ainsi de suite.

Ces autres méthodes sont beaucoup plus propres, alors que les assassinats font apparaître un gouvernement aux abois, faisant d'un personnage marginal un martyr inutile et donnant du crédit à l'opposition ici et à l'étranger.

Alors qu'il avait occupé une place importante dans les années 1990 sous Eltsine, comme vice-Premier ministre pendant environ un an jusqu'en 1998, sa carrière politique depuis le début des années 2000 a été de peu d'importance et n'a pas inspiré un soutien de masse.

Ce sont les États-Unis qui ont le plus à gagner dans toute cette affaire. La presse occidentale l'a dépeint pendant des années comme la personne susceptible de remplacer Poutine dans le cas d'une grave instabilité politique en Russie. Cela fait suite à une narration de mythes et légendes dans laquelle l'Ouest s'admire, où les valeurs libérales occidentales sont imposées comme des valeurs naturelles et universelles à travers le monde.

 Alors que Nemtsov était l'un des favoris des États-Unis, il n'est pas un favori du peuple russe. Le parti ayant vraiment le vent en poupe en Russie et qui devrait dépasser le parti au pouvoir de Poutine en cas de changement sérieux, est le Parti communiste de Ziouganov. Mais ce scénario va contre les intérêts occidentaux; en outre, il est en contradiction avec les récits de l'Ouest sur la guerre froide et ses conséquences.

Que la presse occidentale et les dirigeants des États-Unis et d'Ukraine exploitent l'événement est un autre indice qu'ils y ont mis la main.

Nous pouvons déjà constater que les déclarations faites par Obama, Porochenko, le ministre canadien des Affaires étrangères, ainsi que par le secrétaire général adjoint de l'OTAN, sont arrivées très rapidement, de manière uniforme, et qu'elles semblent être issues d'une procédure.

Ces déclarations de l'OTAN et des gouvernements étrangers sont scandaleuses, mais pas étonnantes, car elles impliquent que le gouvernement russe est derrière le crime. Pourquoi l'assassinat doit-il être condamné? Sans compter que tous les meurtres sont condamnés, en général, par les sociétés dans lesquelles ils se produisent (d'où l'existence des lois), pourquoi cet assassinat particulier doit-il êtrecondamné politiquement sans savoir s'il a un motif politique?

 Comme nous le savons, le dimanche 1er mars, demain, il y aura une autre tentative des forces pro-américaines et leurs alliés libéraux pour lancer unPrintemps russe, également appelé Marche anti-crise. Avec cet assassinat tout frais, juste trente-six heures avant la Marche, nous pouvons nous attendre à voir le martyre de Nemtsov mis en valeur.

© Inconnu
Arrestation de Navalny


Il y a à peine dix jours, Alexeï Navalny, une autre figure soutenue par l'Ouest, était arrêté pour avoir tenté d'organiser la marche, qui, selon les organisateurs, attirera plus de 100 000 manifestants contre Poutine. Lorsque Poutine a été élu la dernière fois, le même groupe a organisé une marche semblable. L'opposition loyale communiste s'est jointe à cette marche, et a noyé les bannières libérales sous les drapeaux communistes. Ce fut un excellent test et le message a été envoyé aux contrôleurs américains que la Russie est prête, avec sa propre opposition loyale, à frustrer et à réorienter les objectifs de tous les efforts de la 5e colonne des États-Unis.

De même, sur le front de la propagande, la scène patriotique a coopté le terme printemps russe pour signifier le contraire de ce que le États-Unis ont voulu dire dans des pays comme l'Égypte, la Libye et la Syrie. Maintenant cela signifie un mouvement pour repousser les schémas hégémoniques des Etats-Unis, y compris l'utilisation de la tactique Couleur/Printemps.

La plus grande préoccupation pour la marche de ce dimanche n'est pas le taux de participation, mais comment elle va être racontée à l'Ouest. Le problème du côté de la propagande de cette action est qu'elle est pour l'instant tout à fait inutile et incomplète. La stabilité politique actuelle de la Russie et la popularité de Poutine ne sont pas dans les mains des médias occidentaux. Cela représente un changement monumental par rapport aux derniers jours des anciens médias lors de l'effondrement de l'URSS, lorsque la BBC et CNN offraient le spectacle d'une information objective et neutre.

Pour le public russe, et pour les médias russes, cette enquête prendra la forme d'une enquête standard sur un meurtre. Compte tenu du statut de la victime et des implications politiques, elle bénéficiera d'une couverture importante. Finalement, les enquêteurs procéderont à une arrestation, et une certaine histoire sera racontée. L'histoire pourra être vraie ou fausse, mais dans l'ensemble, elle sera acceptée.

Les Russes ne vont pas perdre le sommeil à cause de cet assassinat, et le résultat de l'enquête n'est lié en aucune façon à leur soutien général au gouvernement actuel et à ses politiques. Les Russes ont d'autres choses à faire, des endroits à visiter, du travail à accomplir et des vies à vivre. La plupart des gens n'aimaient pas l'homme assassiné, et voient cet événement comme une tragédie, peut-être même comme un complot américain. Ceux qui l'aimaient blâmeront l'État, car ils tiennent l'État et Poutine pour responsables de quasiment tout. Tout cela est également vrai des conséquences de la marche prévue pour dimanche.

Pour le public occidental, la Russie est d'ores et déjà un régime totalitaire où l'opposition est réduite au silence et où les dirigeants sont emprisonnés et tués de sang-froid. C'est déjà un récit qui ne nécessite aucune réitération. Poutine est Hitler. L'apaisement ne fonctionnera pas. C'est déjà la ligne.

Tout cela signifie que nous n'avons pas encore entendu la fin de l'histoire. Il est difficile d'accroître des sanctions à partir de cet assassinat, mais s'il y en a, ce ne devrait pas être une surprise. Les sanctions passées ont été basées sur moins que ça. Pourtant, l'Europe commence à se méfier des sanctions et les sanctions supplémentaires seront probablement symboliques, comme elles l'ont été la dernière fois. La plus grande inquiétude est maintenant de savoir si d'autres tueries sont prévues pour dimanche. Les États-Unis semblent aller de l'avant avec tous leurs plans, même s'ils ont toujours échoué. Nous l'avons vu en Syrie et en Ukraine.

Dans un tel cas, la manière dont les Etats-Unis vont tourner cela est évidente, et l'appel à Poutine à démissionner va ouvertement commencer. Bien que ce dernier aspect soit de toute façon une éventualité, les événements de demain nous diront si nous devons nous attendre à une escalade sérieuse dans ce processus.

La cote de popularité de Nemtsov était que de 1% 

La mort de Nemtsov est tragique. Mais il n'était pas« le cœur » de l'opposition de la Russie et il est extrêmement irresponsable de la part des médias de l'affirmer.

Les rapports des médias sur la place de Boris Nemtsov dans la sphère politique russe sont aussi déroutants que les circonstances bizarres et tragiques de son assassinat. L'article d'Anna Nemtsova (aucun lien de parenté avec le défunt) dans The Daily Beast est peut-être le pire de tous. Son titre, « Boris Nemtsov, cœur de l'opposition russe, abattu à Moscou, » donne l'impression que Nemtsov était, eh bien, le cœur de l'opposition en Russie. Il ne l'était pas et prétendre qu'il l'était est tout simplement idiot.

Un sondage réalisé l'année dernière montre que seulement 45% des Russes connaissaient le nom de Nemtsov; sur ces 45%, seulement 1% lui « faisaient confiance », alors que 17% ne lui faisaient pas confiance.

Mais cela n'a pas empêché Nemtsova d'écrire qu'il était « la force motrice du mouvement d'opposition de la Russie ». Il ne l'était absolument pas, absolument pas. (Mais la raison pour laquelle on le prétend est facile à deviner.) Après tout, pourquoi le Tsar Poutine voudrait-il « supprimer » un politicien dont moins de 50% des Russes avaient entendu parler ? Cela ne ferait pas vendre les journaux !

Vladimir Poutine promet de superviser lui-même l’enquête

Inhabituelle, la rapidité de la réaction de Vladimir Poutine a donné le ton. Dans l’heure qui a suivi l’assassinat de l’opposant Boris Nemtsov, tué par balles au pied du Kremlin peu avant minuit, vendredi 27 février, le chef de l’Etat, par l’entremise de son porte-parole Dmitri Peskov a dénoncé un « meurtre prémédité » et une « provocation ». Ce dernier argument, qualifié de « méprisant » par l’opposition, a été abondamment repris par les médias proches du pouvoir, tout comme les théories échafaudées par le comité d’enquête de la Fédération de Russie, un organisme chargé de toutes les affaires sensibles dans le pays.

Evoquant une « victime sacrificielle », un autre porte-parole, Vladimir Markine, a, dès vendredi soir, esquissé plusieurs scénarios, parmi lesquels « une provocation » destinée « à déstabiliser la Russie », une action de « ceux qui utilisent tous les moyens pour atteindre leur but politique », jusqu’à la piste « islamo-terroriste » en raison des positions favorables à Charlie Hebdo de la victime.

Tout en présentant ses condoléances à la mère de la victime, âgée de 87 ans, qui a défilé dimanche, anonyme, parmi les manifestants, le chef de l’Etat a par la suite annoncé qu’il superviserait lui-même, à titre personnel, l’enquête confiée à un groupe formé par des enquêteurs du FSB (services de sécurité), du ministère de l’intérieur et du comité d’enquête.

« Aucune menace »

Ce dernier a promis une récompense de 3 millions de roubles (45 000 euros) à toute personne susceptible de fournir des informations. Aucune revendication ni aucun élément, à ce stade, ne permet de privilégier une piste ou de désigner les auteurs de cet assassinat. Mais fallait-il ajouter, comme le fit dans la foulée M. Peskov : « Avec tout le respect dû à la mémoire de Boris Nemtsov, il ne représentait aucune menace pour Vladimir Poutine. Si nous comparons avec les niveaux de popularité de Poutine et du gouvernement, celui de Boris Nemtsov dépassait à peine celui d’un citoyen moyen » ?

« Probablement, c’était le but [des assassins], tuer à côté du Kremlin de sorte que certains puissent en tirer des conclusions », affirmait, dès samedi, l’agence Ria-Novosti, ajoutant : « Les partisans de Nemtsov et certains Occidentaux ont réagi immédiatement comme s’ils connaissaient ce fait d’avance. » Plusieurs médias ont repris la thèse défendue par les partisans du Kremlin selon laquelle cet assassinat « sert les intérêts des ennemis de la Russie ».

TF121