Le français David Daoud Drugeon (photo), membre important du groupe djihadiste Khorassan, aurait finalement survécu aux tirs de missiles américains qui l'ont visé le 5 novembre dernier.
Des sources de renseignement assurent en effet que le Français a été sérieusement blessé lors d'un tir de missile par un drone visant le véhicule dans lequel il avait pris place, près de la ville de Sarmada, dans le nord de la Syrie mais qu'il aurait immédiatement été évacué pour être soigné hors de portée des tirs.
Ces informations sont issues d'une enquête de plusieurs semaines menée conjointement par "L'Express" et par la chaîne d'information télévisée américaine CNN.
Selon le site américain "McClatchy", cité par "L'Express", David Drugeon aurait été transporté en ambulance à l'hôpital Shifa, au poste frontière turco-syrien de Bab Al-Hawa. Après avoir reçu des soins en urgence, il aurait ensuite été emmené, dès le lendemain, vers un lieu inconnu.
"C'est l'ennemi public numéro un pour les Américains"
Le père du djihadiste assure de son côté qu'il n'a lui-même eu aucune information des autorités, mais qu'il "sait très bien l'issue qu'il va y avoir".
J'ai la satisfaction de savoir que mon fils n'est (peut-être) pas mort, même s'il est blessé gravement, mais je sais très bien l'issue qu'il va y avoir : les Américains sont piqués au vif comme ils n'ont pas eu leur cible...", a expliqué Patrice Drugeon.
"Même si je n'ai pas de confirmation de quoi que ce soit, si les Américains en parlent comme ça, tôt ou tard ils vont avoir quelque chose, ils ne vont pas rester sur un échec."
"Dans les médias américains, ça passe en boucle maintenant, ça fait drôle parce que je vois les images de mon fils, ça fait bizarre sur les chaînes américaines : c'est l'ennemi public numéro un pour les Américains actuellement, après le chef de l'EI", ajoute Patrick Drugeon.
Le père de David Drugeon a souligné que ni lui ni son ex-femme n'avait eu aucun contact ou information du quai d'Orsay ou du ministère de l'Intérieur. "On a fait un courrier en ce sens pour avoir des nouvelles et nous donner des explications sur la véracité des propos américains et la confirmation ou non de sa mort." L'homme n'a pas eu de nouvelles de son fils depuis 2010.
Selon lui, son ex-femme qui vit avec leur fils aîné, a eu quelques contacts skype un peu plus récents [mais pas depuis le 6 novembre]. Interrogée jeudi, son ex-femme, la mère de David, n'a pas souhaité s'exprimer sur le fond :
Je ne parle pas, je suis incapable de parler de toutes les façons, on nous envoie d'un côté, on nous envoie de l'autre. On ne nous dit rien, ce n'est que des 'on dit'...", a-t-elle déclaré d'une voix émue.
Un fabricant de bombes originaire de Vannes
"Nous sommes en train d'évaluer le résultat des attaques mais, selon nos premières indications, les frappes ont atteint leur objectif initial en détruisant ou endommageant gravement plusieurs véhicules, terroristes, bâtiments utilisés pour des réunions et des préparatifs, des sites de fabrication d'engins explosifs artisanaux et d'entraînement du groupe Khorassan", avait indiqué un porte-parole du Pentagone après les tirs de drone, le 5 novembre.
"Le chauffeur du véhicule aurait perdu une jambe et devrait mourir, selon des sources ayant connaissance de l'opération. Une seconde personne, qui serait Drugeon, a été tuée", affirmait alors la chaîne de télévision Fox News, qui a été la première à sortir l'information.
Drugeon, qui a 24 ans, est considéré comme un fabricant de bombes de très bon niveau par les spécialistes. Il est originaire de Vannes en Bretagne et s'est converti à l'islam vers l'âge de 14 ans, tout comme son frère aîné, rapporte "Le Parisien", qui lui a consacré un portrait en avril dernier.
Après avoir parfait sa connaissance de l'Islam en Egypte, le jeune homme part en avril 2010 au Waziristan, la zone tribale située à la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan. Pendant trois ans, il va appartenir à un groupe de jeunes combattants et participer à des projets d'attentats au Kazakhstan et en Afghanistan. Depuis qu'il combattait en Syrie, il était très étroitement surveillé par les services de renseignement français et américains.
Selon les services de renseignement occidentaux, relayés par "L'Express", il était chargé d'entraîner des volontaires européens pour qu'ils soient capables de mener des attentats lors de leur retour dans leur pays d'origine, notamment contre des avions.
Son nom avait été évoqué lorsque le groupe de presse américain McClatchy avait affirmé il y a un mois qu'un ancien officier du renseignement français avait rejoint les rangs du djihad en Syrie et avait été la cible fin septembre d'une frappe américaine.
Le 22 septembre, le Pentagone avait annoncé avoir "éliminé" en Syrie des membres du groupe Khorassan, formé d'ex-combattants d'Al-Qaïda, qui menaçaient leurs intérêts. Les frappes avaient été menées dans la région d'Alep (nord) en Syrie. D'après Fox News, des sources militaires ont confirmé que Drugeon était déjà la cible de ces frappes.
Les Frères Kouachi et Mohammed Mehra étaient liés à David Drugeon
Le quotidien McClatchy annonce que les Frères Kouachi et Mohammed Mehra ont été recrutés par l’artificier du sous-groupe Khorasan d’Al-Qaïda.
L’année dernière, le même journal avait révélé l’existence du David Drugeon et son rôle au sein d’al-Qaïda en Syrie. Il avait prétendu que le jeune homme était un membre des services secrets français. Puis, le Pentagone avait confirmé de le considérer comme une cible prioritaire. Le ministère français de la Défense avait alors vivement infirmé que Drugeon ait jamais travaillé pour lui.
Le 6 novembre 2014, Fox News annonçait que David Drugeon avait été tué par un drone états-unien à Sarmada (Syrie). La chaîne réitérait l’accusation selon laquelle il travaillait pour les services secrets français.
Dans un article de son correspondant en Irak, Mitchell Prothero, McClatchy analyse les images et vidéos de la tuerie de Charlie Hebdo. Il conclue que les Frères Kouachi ont probablement eu une expérience de guerre ou ont au moins reçu une formation militaire. L’article renouvelle l’accusation de l’appartenance de David Drugeon aux services secrets français. Il laisse entendre une possible responsabilité des services secrets français dans les affaires Mehra et Kouachi.
Cet article figurait dans la revue de presse interne du Pentagone, datée du 8 janvier 2015.