Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 10 décembre 2014

Serge Lazarevic relâché par Aqmi: les coulisses de sa libération


Dans quelles conditions le dernier otage retenu au Sahel a-t-il été relâché, et à quel prix? BFMTV.com revient sur les coulisses de sa libération.

Dès dimanche soir, l'information commençait à se propager discrètement, révélée par un site d'informations malien, Sahelien.com: Serge Lazarevic allait être relâché. Deux jours plus tard, mardi 9 décembre, le dernier otage français retenu au Sahel était libre. Vers 7h50 ce mercredi matin, l'homme est arrivé sur le sol français, accueilli par  ses proches et par le président François Hollande. Comment s'est déroulée cette libération, en laquelle beaucoup ne croyaient plus?

Qui le retenait et où?

Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) est à l'origine du rapt et de la séquestration depuis le 24 novembre 2011 de Serge Lazarevic et de Philippe Verdon, abattu, lui, d'une balle dans la tête en 2013. Enlevés dans un hôtel du centre du Mali, les otages et leurs ravisseurs se seraient déplacés à de nombreuses reprises ces dernières années dans le désert du Sahel, acculés par l'intervention française au Mali. Serge Lazarevic a été libéré dans la région de Kidal, dans le nord du Mali.

Pourquoi a-t-il été relâché?

L'affaiblissement d'Aqmi et de ses ressources pourrait expliquer pourquoi les terroristes ont décidé de relâcher Serge Lazarevic maintenant, en échange de contreparties.

Première raison de cet affaiblissement: l'intervention française au Mali, il y a deux ans. "Aqmi est en veille aujourd'hui, durement frappée par l'armée française, qui joue l'arbitre dans un contexte régional très complexe: il y a régulièrement des accrochages entre des groupes jihadistes, des groupes touarègues et le pouvoir central à Bamako", explique Mathieu Guidère, spécialiste du monde arabo-musulman.

Aqmi a par ailleurs perdu beaucoup de son influence avec le développement de Daesh en Syrie. Une partie de ses chefs et de ses combattants a fait allégeance à l'Etat islamique, au point que "le label Al-Qaïda ne vaut plus grand chose aujourd'hui. Ils vont relâcher plus facilement qu'auparavant des otages pour récupérer du cash, des armes, et des détenus", observe Gilles Kepel, lui aussi expert du monde arabe.

Qui a négocié cette libération?

Selon plusieurs sources concordantes, outre les services secrets français, une équipe de négociateurs travaillant pour le président nigérien Mahamadou Issoufou, aurait été à la manoeuvre. Parmi cette équipe, Mohamed Akotey, un conseiller spécial fin connaisseur de ces régions touarègues, dont il est originaire. Selon RFI, il s'est rendu à plusieurs reprises vers Kidal, au Mali, pour rencontrer des membres de la communauté touarègue de l'Adrar des Ifoghas, qui eux communiquent avec les combattants d'Aqmi. Puis il y est revenu il y a quelques jours pour procéder à d'ultimes négociations, mais jamais directement avec les ravisseurs.

Ce conseiller spécial, qui possède de nombreux contacts, avait déjà contribué par le passé à faire libérer plusieurs otages, dont les quatre Français d'Arlit au Niger.

Quelle a été la monnaie d'échange?

Les ravisseurs auraient initialement demandé une rançon de 20 millions d'euros, mais qui aurait été refusée par les autorités françaises, du moins dans ces proportions-là. Un fait semble se confirmer cependant: samedi dernier, deux détenus membres d'Aqmi ont été transférés de Bamako vers le Niger, où ils ont ensuite été rendus au groupe terroriste en échange de Serge Lazarevic. L'identité de ces deux prisonniers a fuité: il s'agirait de deux demi-frères, à l'origine du rapt des deux Français en 2011, et arrêtés peu après par les services de sécurité maliens.
 
Alexandra GONZALEZ