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jeudi 11 septembre 2014

Obama, 20 sur 20 en rhétorique, zéro en stratégie

Dans les discours prononcés par Barack Obama en Estonie et au dernier sommet de l’OTAN, il est apparu clairement que la rhétorique du président américain était une stratégie claire et définie. Obama a développé ses connaissances en sémantique, voire même en étymologie.

Obama évite ainsi systématiquement de prononcer des termes comme « terrorisme islamiste » ou encore « extrémisme islamique ». La présence de milliers de soldats russes dans l’est de l’Ukraine n’est pas une « invasion » mais plutôt une « incursion ». Les combats entre les soldats ukrainiens et les séparatistes prorusses ne sont pas une guerre comme l’entend le président ukrainien, mais serait plutôt une « escalade ». Par ailleurs, la prise de contrôle terrifiante des islamistes à Tripoli et à Benghazi, est qualifiée de « développements préoccupants ».

La sémantique utilisée par Obama a choqué la sénatrice démocrate californienne Dianne Feinstein qui a qualifié la réaction du président américain à la décapitation du journaliste américain James Foley de « trop modeste et trop retenue ».

De même, la réaction du président concernant l'exécution barbare du journaliste Steven Sotloff n’a pas été expressément ferme, et a été davantage perçue comme une mise en garde sur d’éventuelles représailles américaines.

Cependant, il faut reconnaître que le discours du président Obama en Estonie était un chef-d’œuvre de rhétorique. Les dirigeants et les citoyens du petit pays balte ne pouvaient pas s’attendre à un discours plus encourageant et plus enthousiaste.

L’impressionnante habileté rhétorique d’Obama l’a poussé à prononcer des mots qui peuvent être perçus comme un engagement, qui ne sera sans doute pas totalement respecté. Pour Obama, « l’annexion de la Crimée est illégale, et elle ne sera pas reconnue ». Concrétiser une telle affirmation requiert une stratégie qu’Obama a avoué ne pas encore détenir.

Selon les médias américains, lors des discussions qui se sont déroulées lors du sommet de l’OTAN, sur la politique agressive du président russe Vladimir Poutine à l’égard de l’Ukraine, les membres de l’OTAN se sont entendus sur la nécessité d’une réaction sévère et sur le renforcement des sanctions contre le Kremlin, notamment dans les domaines de la finance et du commerce international.

Cependant, la mise en œuvre du consensus des membres de l’OTAN dépend fortement de la capacité d’Obama à s’assurer de la coopération d’importants pays comme l’Allemagne et la France.

La détérioration du prestige d’Obama en Europe n’a pas vraiment nuit à sa capacité à s’assurer de l’adhésion des puissances occidentales pour intensifier les sanctions contre Poutine.

Le président Obama a salué la décision prise à Bruxelles de la création d’une force armée spéciale et mobile qui sera formée pour réagir rapidement dans les zones de la région sous tension menacées par la paix. Comme au moment du renversement de Kadhafi où les forces aériennes de l’OTAN ont bombardé des positions islamistes en Libye, Obama se réjouira de voir les forces spéciales de l’OTAN faire le travail à sa place, dans les zones de conflit à risque.

La menace croissante des combattants de l’Etat islamique en Irak et en Syrie était un sujet central du dernier sommet de l’OTAN. Mais les membres n’ont pas qualifié la situation au Moyen-Orient de critique comme en Ukraine. Cela ne veut pas dire que les pays de l’OTAN n’ont pas conscience du danger que représente l’expansion de l’EI. Mais éviter que ces forces ne prennent Bagdad et qu’elles se propagent en Syrie exige un déploiement militaire. Or, la plupart des membres de l’OTAN ne sont pas prêts à cela. Et le président Obama de son côté attend, ou bien espère qu’une stratégie ne se développe.

Le sommet de l’OTAN a permis le renforcement du lien entre Barack Obama et le Premier ministre britannique David Cameron. Ce lien rappelle d’ailleurs la complicité qu’entretenaient Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Mais Reagan et Thatcher n’ont pas joué sur la rhétorique, et ne se sont pas attardés sur la sémantique. La coopération entre Reagan et Thatcher a alarmé les dirigeants de l’URSS et accéléré l’effondrement de l’hégémonie soviétique. Le lien entre George W. Bush et l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair a donné lieu à une forte coopération qui s’est notamment concrétisée par l’invasion des armées américaine et britannique en Irak. Le lien entre Obama et Cameron n’a pour l’instant donné lieu qu’à un article écrit conjointement et publié dans le Times of London.

Après son discours sur Foley, Obama a joué au golf

Le 20 août, au lendemain de la diffusion par les jihadistes de l'EI d'une vidéo montrant la décapitation du journaliste américain James Foley, M. Obama avait dénoncé, au cours d'une déclaration depuis l'île de Martha's Vineyard (Massachusetts), où il passait des vacances en famille, une exécution qui «choque la conscience du monde entier».

«Nous serons vigilants et implacables. Quand des Américains sont visés quelque part, nous faisons ce qui est nécessaire pour que justice soit faite», avait lancé M. Obama, le visage grave, appelant à «un rejet clair de ce type d'idéologies nihilistes».

Quelques minutes plus tard...

Quelques minutes plus tard, il était parti faire une longue partie de golf, ce qui lui avait valu une avalanche de critiques, de nombreuses voix s'élevant pour dénoncer, au mieux, un manque d'intelligence politique, au pire, une absence de tact ou de sensibilité.

«Il est clair que, après avoir parlé aux familles - une conversation au cours de laquelle j'ai eu du mal à retenir des larmes en entendant leur douleur - et après le déclaration que j'ai faite, j'aurais dû anticiper l'effet que cela aurait», a déclaré M. Obama dans un entretien à NBC News diffusé dimanche et réalisé samedi à la Maison Blanche.

«Ce métier est une affaire de mise en scène»

«Tous ceux qui me connaissent, y compris je pense les médias, comprennent que cela m'atteint, me touche profondément», a-t-il poursuivi, pour souligner que la sincérité de ses déclarations après l'exécution de James Foley ne pouvait être mise en cause.

«Mais ce métier est aussi une affaire de mise en scène. C'est important. Je le sais», a ajouté M. Obama, soulignant que le plus important restait pour lui de se poser les bonnes questions: «Est-ce que je mets la bonne politique en place ? Est-ce que je protège les citoyens américains ? Est-ce que je fais tout ce qui est nécessaire ?».

Même si Obama décidera finalement d’envoyer des troupes en Irak et de bombarder des cibles de l’EI en Syrie, son prestige aux yeux du monde ne se relèvera pas. Un récent sondage de Gallup révèle que seulement 38% des Américains sont satisfaits d’Obama, mais celui-ci peut se consoler : Jimmy Carter a lui atteint les 28% de satisfaction auprès des Américains à la fin de son mandat.

Dans tous les cas, il est clair aujourd’hui qu’Obama n’est pas le président que le monde libre attendait.

Shlomo Shamir