Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 29 août 2014

James Foley pouvait être échangé contre Aafia Siddiqui


Les bourreaux du journaliste assassiné avaient proposé de troquer sa vie contre la liberté d'une mystérieuse terroriste détenue aux États-Unis. 

Aafia Siddiqui alias "Lady al-Qaida" 



Mais qui est donc Aafia Siddiqui, dite "Lady al-Qaida" ? Que représente-t-elle de si unique pour les différentes mouvances terroristes ? Pourquoi à deux reprises, en 2012, puis il y a quelques jours, deux organisations djihadistes ont-elles proposé aux Américains de rendre la liberté à deux de leurs otages, le sergent Bergdahl et le journaliste James Foley en échange de cette femme capturée en Afghanistan en 2008 ? D'autant que si les deux organisations qui avaient proposé ce marché, al-Qaida et l'État islamique, appartiennent à la nébuleuse du terrorisme islamiste, elles ne coopèrent pas vraiment. Il leur arrive même de se faire la guerre, comme c'est le cas en ce moment en Syrie.

Ce qui est sûr, c'est que le refus des autorités américaines d'accepter ce deal n'a pas eu les mêmes conséquences. Dans le cas du sergent Bergdahl, il a été libéré le 31 mai, après toutefois que Barack Obama a accepté un échange avec des prisonniers de Guantánamo. Ce qui a provoqué une énorme polémique dans ce pays où la règle veut que l'on ne négocie pas la libération des otages. Dans le cas du journaliste James Foley, en revanche, le refus des autorités américaines pourrait avoir eu des conséquences tragiques puisque ses geôliers l'ont tué de manière atroce et avec une mise en scène médiatisée qui rend leur acte encore plus barbare.

Alors pourquoi cette Lady al-Qaida est-elle une monnaie d'échange si précieuse pour ces fanatiques ? La raison vient sans doute de son parcours : d'abord dans cet univers machiste du terrorisme islamique elle est l'une des rares femmes à s'être imposée par ses origines et ses faits d'armes. Pakistanaise, elle a fait ses études en neurosciences aux États-Unis, au MIT de Boston et à l'université de Brandeis. Elle se fait remarquer par ses professeurs à la fois pour son intelligence et par sa piété peu discrète : non seulement elle porte le voile, mais invoque le nom d'Allah en toutes occasions. Chaque réussite de ses travaux scientifiques est saluée d'un "Allah Akbar" sonore qui détonne plutôt dans ces lieux feutrés consacrés à la recherche.

Ebola

À la création de l'état taliban, elle incite le père de ses deux enfants, qui est médecin, à aller soigner les moudjahidines en Afghanistan. Elle le suit à Kaboul et entre dans le cercle très fermé des dirigeants d'al-Qaida en devenant une proche de Khalid Sheikh Mohamed, le second de Ben Laden, qui, après le 11-Septembre, deviendra un des hommes les plus recherchés par les Américains (finalement arrêté au Pakistan en mai 2003). Elle-même, après les attentats du World Trade Center, prend une part active aux actions terroristes contre les troupes alliées. Elle est arrêtée à Ghazni en 2008. Non seulement elle est en possession des éléments constitutifs d'une bombe à assembler, mais surtout de documents scientifiques qui affolent les services secrets : il s'agit tout simplement de la description de la fabrication d'une bombe sale pouvant répandre le virus Ebola !

Non seulement Siddiqui est un redoutable cerveau au service d'une entreprise terroriste, mais elle a du sang froid. Pendant son interrogatoire elle se saisit d'une carabine et tire par deux fois, heureusement sans faire de victimes avant d'être maîtrisée par des agents du FBI qui ont bien failli regretter un manque de vigilance qu'ils n'auraient sans doute pas eue s'ils avaient questionné un homme. Transférée aux États-Unis, elle est jugée et condamnée à 86 ans de détention. Elle purge sa peine dans un pénitencier du Texas.

Reste à savoir si c'est "Lady al-Qaida" l'héroïne qui a su tenir tête jusqu'au bout aux Américains que les djihadistes veulent faire libérer. Ou plutôt la scientifique très performante, capable de fabriquer des bombes sales susceptibles de contenir des virus redoutables qui pourraient bien devenir, si nous ne trouvons pas rapidement la parade, la nouvelle arme des terroristes.

Michel Colomès