Cible d'une offensive jihadiste, l'Irak s'enfonce dans la crise politique à trois jours d'une réunion de son Parlement. Alors que le Premier ministre Nouri al-Maliki s'accroche à son poste, le chef de l'Etat islamique Al-Baghdadi est apparu au grand jour, appelant tous les musulmans à lui obéir.
Le calife autoproclamé Abou Bakr Al-Baghdadi est apparu samedi pour la première fois dans une vidéo mise en ligne sur internet.
Il s'agit d'un changement significatif de tactique pour cet homme, classé «terroriste» par les Etats-Unis. Jusqu'ici, ce chef jihadiste agissait dans l'ombre. Il a lancé son appel lors d'un prêche vendredi à Mossoul. Cette deuxième ville d'Irak (nord) a été conquise lors de l'offensive des combattants jihadistes lancée le 9 juin dans ce pays dont ils occupent de larges pans de territoires.
«Désigné pour vous diriger»
«Je suis le Wali (leader) désigné pour vous diriger, mais je ne suis pas meilleur que vous. Si vous pensez que j'ai raison, aidez-moi et si vous pensez que j'ai tort conseillez-moi et mettez-moi sur le droit chemin», a dit Abou Bakr al-Baghdadi.
«Obéissez-moi tant que vous obéissez à Dieu en vous», a-t-il ajouté. Il n'était pas possible d'authentifier cette vidéo dans l'immédiat.
«Emir des croyants»
Dimanche dernier, les jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont proclamé l'établissement d'un califat sur les territoires qu'ils ont conquis en Irak et en Syrie voisine. Ils ont ensuite annoncé qu'ils changeaient le nom de leur groupe en «Etat islamique», sans référence géographique.
Ils ont aussi proclamé Abou Bakr al-Baghdadi comme «calife» et donc «chef des musulmans partout» dans le monde. Depuis la mort du prophète Mahomet, le calife désigne son successeur comme «émir des croyants» dans le monde musulman. Le califat est un régime politique islamique disparu il y a près d'un siècle.
Eminence grise
Samedi, l'influent prédicateur qatari Youssef Al-Qaradaoui s'est exprimé. Considéré comme l'éminence grise des Frères musulmans, il a affirmé que l'établissement d'un califat par «un groupe connu par ses atrocités et ses vues radicales ne sert pas le projet islamique».
Selon lui, le titre du calife doit être «accordé par la nation musulmane entière». Il ne peut être usurpé par un groupe, a-t-il souligné.
Impasse politique
Sur le terrain, les forces irakiennes peinent à reprendre du terrain. Elles piétinent en particulier dans leur contre-offensive sur Tikrit, ancien fief de Saddam Hussein (nord).
Sur le plan politique, la situation semble dans l'impasse. Les Irakiens sont dans l'attente d'un nouveau président et d'un nouveau gouvernement. A trois jours d'une nouvelle séance du Parlement, le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, très contesté, insiste pour conserver son poste.
Minorités marginalisées
Au pouvoir depuis 2006, il a assuré vendredi qu'il ne renoncerait «jamais» à présenter sa candidature pour être reconduit dans son poste. Si son bloc est arrivé en tête des législatives du 30 avril, son autoritarisme et son choix de marginaliser les minorités sunnites et kurdes limitent ses capacités de rassemblement.
Il garde néanmoins le soutien de nombreux Irakiens, essentiellement chiites. D'autant mieux qu'aucune figure susceptible de rassembler ne se détache dans la classe politique.
Réunion du Parlement mardi
Après une séance inaugurale catastrophique marquée par des insultes le 1er juillet, le nouveau Parlement doit se réunir mardi pour se choisir un président, puis élire un président de la République. Celui-ci sera chargé de désigner le prochain Premier ministre.
Le pays semble menacé d'implosion. Outre la proclamation de l'Etat islamique, le président du Kurdistan irakien Massoud Barzani a demandé d'organiser un référendum en vue de l'indépendance.