Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 22 mai 2014

Où est passée la soeur de Mohamed Merah ?


Souad Merah est introuvable. Au centre d'une nébuleuse radicale, la soeur de Mohamed était surveillée par la DCRI et n'a jamais cessé de soutenir son frère.

Souad Merah


Les autorités cherchent à savoir où sont passés la soeur de Mohamed Merah et le compagnon de celle-ci dont on a perdu la trace dans la région toulousaine, a-t-on appris mercredi de source proche des recherches confirmant partiellement une information de RTL. Cette source n'a pas confirmé en revanche les informations de la radio selon lesquelles Souad Merah est soupçonnée d'être partie rejoindre les rebelles en Syrie.

Souad Merah pourrait avoir rejoint son compagnon qui a quitté la région toulousaine avec ses enfants et sa première épouse pour se rendre en Syrie, selon RTL. Souad est l'une des soeurs de Mohamed Merah, petit délinquant des quartiers rallié à l'islam radical qui a assassiné trois parachutistes puis trois enfants et un enseignant juifs au nom du djihad entre le 11 et le 19 mars 2012 à Toulouse et Montauban.

Elle-même adepte d'un islam rigoureux, entièrement voilée de noir en public, elle avait beaucoup fait parler d'elle en 2012 quand elle s'était dite "fière" de son frère Mohamed lors d'un entretien avec un de ses autres frères alors qu'elle était filmée à son insu par une chaîne de télévision. Elle y disait "penser du bien de Ben Laden" et détester les juifs. Elle y défendait les salafistes.

Membre de la mouvance salafiste

Ses propos avaient fait l'objet d'une enquête pour apologie du terrorisme. Elle avait ensuite condamné les meurtres. L'affaire avait finalement été classée sans suite en janvier 2013, car ses propos ne pouvaient être considérés comme publics puisqu'elle ignorait être filmée.

Souad Merah, comme son frère Abdelkader toujours écroué dans l'enquête sur les meurtres de Mohamed Merah, était fichée avant les crimes de mars 2012 comme membre de la mouvance salafiste par la DCRI, direction centrale du renseignement intérieur.

L'ancien chef de la DCRI Bernard Squarcini avait indiqué que Souad et Abdelkader Merah étaient perçus comme plus dangereux que Mohamed par les services de renseignements. Elle avait été placée en garde à vue en avril 2014 dans l'enquête sur les complicités dont aurait pu bénéficier Mohamed Merah. Elle avait été relâchée sans qu'aucune charge soit retenue contre elle.

Son quatrième enfant s'appelle Mohamed comme son frère, le tueur au scooter de Toulouse. Souad Merah, 35 ans, a quitté son logement social de Matabiau, le quartier de la gare, en octobre 2013. Les services sociaux le lui ont retiré. Elle y résidait depuis mars 2011. Convoquée par la police judiciaire de Toulouse il y a un mois, elle s'y était rendue - sans avocat - pour une audition dans le cadre des assassinats perpétrés par son frère cadet. Afin de ne pas éveiller les soupçons d'un départ en Syrie ? Car, selon RTL, la jeune femme serait partie rejoindre son nouveau compagnon pour mener le djihad.

Aujourd'hui, Souad Merah est décrite sous l'emprise de son "mari", Abdelwahed, un salafiste tenu pour extrémiste par les services spécialisés. En couple, ils se sont radicalisés en fréquentant les écoles d'obédience salafiste au Caire en mars 2010. Selon des notes déclassifiées des services de renseignements français, son compagnon "appartient à la mouvance radicale gravitant autour d'une école coranique" de la ville considérée comme radicale.

Un indéfectible soutien pour Mohamed

Interrogé par le juge Christophe Teissier, qui instruit le volet terroriste de l'affaire Merah, Bernard Squarcini, patron de la DCRI à l'époque des assassinats perpétrés par le "tueur au scooter", rappelait l'implication de Souad Merah dans le radicalisme religieux. "Au vu du dossier Artigat (localité près de Toulouse où étaient recrutés des apprentis djihadistes pour l'Irak en 2006, NDLR), Abdelkader et Souad Merah étaient beaucoup plus idéologiquement intéressants pour le service que Mohamed."

Depuis la naissance de son frère Mohamed, c'est Souad qui prend soin de lui. Avec sa soeur Aïcha, elles sont ses seuls point fixes : ses deux grands frères Abdelghani et Abdelkader sont, à cette époque, des délinquants violents, alcooliques et toxicomanes qui n'hésitent pas à frapper leurs soeurs. Quand les parents se séparent, leur oncle prend le relais : couteau à la main, il n'hésite pas à menacer les deux filles de la famille "si elles reçoivent des amis à la maison".

Souad se tient toujours auprès de son frère : qu'on le renvoie de l'école, elle lui en trouve une autre. Il est incarcéré, elle lui envoie des mandats. La jeune femme a pourtant d'autres soucis dans sa vie personnelle : elle est battue par son compagnon alcoolique. Ce qui ne l'empêche pas d'intervenir en 1999 pour faire pression sur un témoin qui met en cause Mohamed dans une affaire de violences. Elle est toute dévouée à sa cause. Avec son nouveau compagnon, auto-entrepreneur dans le bâtiment, elle a eu deux enfants. Elle en a deux autres d'une précédente union.

"Je suis fière de mon frère"

Dans son P-V d'audition, Abdelghani Merah, qui a mis en cause sa soeur au moment de la promotion de son livre (1), nuançait son propos : "Souad est très religieuse. Même si elle est très religieuse, elle ne m'a pas jugé concernant mon parcours de vie et nous avons toujours de bons rapports. J'entraîne son fils au foot."

Devant une caméra cachée de M6, Souad Merah déclarait : "Je suis fière de mon frère, il a combattu jusqu'au bout (...) Mohamed, il pensait comme nous tous, mais il est passé à l'acte." Puis, elle avait tenu à se défendre, assurant avoir été piégée "suite à une série de provocations d'Abdelghani, ce qui apparaît clairement si on reprend toute la conversation depuis le début". Une enquête avait été ouverte par le parquet, classée sans suite.

Aziz Zemouri 
     
1. Mon frère, ce terroriste : un homme dénonce l'islamisme, Calmann-Levy