Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 5 mai 2014

La sécurité de la Suisse: rapport annuel 2014 du Service de renseignement de la Confédération (SRC)


A quel point la Suisse est-elle sûre ? Qu’est-ce qui devrait inquiéter ses habitants, quels sont les dangers et les menaces auxquels notre pays doit faire face ? Le radar de situation du SRC en offre un aperçu du point de vue de la politique de sécurité ; il montre, sous l’angle du SRC, ce qui préoccupe essentiellement la Suisse par rapport à sa sécurité et quelles sont les menaces qui ne sont que latentes à l’heure actuelle.

A la différence de beaucoup d'autres pays, la situation de la Suisse au plan de la politique de sécurité est depuis longtemps très calme et stable.

La Suisse continue à être la cible d'activités relevant du service de renseignement prohibé. Le fait que des informations soient de plus en plus souvent subtilisées par le biais de moyens informatiques n'est pas nouveau. Les révélations d‘Edward Snowden ont mis en lumière la question cruciale de la sécurité des informations. L'étroite collaboration notamment des Etats-Unis avec des entreprises actives dans le domaine des technologies de pointe et les possibilités de captage illégal d'informations par des services de renseignement ont atteint une nouvelle dimension.

L'environnement stratégique de la Suisse est marqué d'une part par les changements intervenant dans le système international, résultat du déplacement progressif du poids des pouvoirs politiques de l'Occident vers l'Est asiatique et les pays du sud. D'autre part, plusieurs années de gestion de crise seront encore nécessaires pour maîtriser la crise de la dette européenne et les conséquences du printemps arabe. La Russie est en voie de consolider sa position politique, économique et militaire et de renforcer son influence dans des Etats tels que l'Ukraine ainsi qu'en Europe.

Dans le domaine du terrorisme et de l'extrémisme, les menaces ne se sont guère modifiées. La Suisse n'est toujours pas une cible prioritaire d'attentats pour motifs djihadistes, mais les citoyens suisses restent exposés à un risque élevé d'enlèvement, principalement dans les zones de conflit de l'espace islamique, et ils peuvent être victimes d'actes de violence djihadistes ou terroristes. Une augmentation des voyages même s'ils restent de faible niveau de djihadistes à partir de l'Europe est constatée, en particulier vers la Syrie. Lorsque ces personnes reviennent au pays endoctrinées et aguerries au combat, la probabilité qu'elles commettent des attentats ou qu'elles servent de modèles pour le recrutement d'autres djihadistes s'accroît. Bien que le potentiel de violence persiste dans tous les milieux de l'extrémisme violent, la situation dans ce domaine est actuellement calme dans notre pays.

Deux fois plus de jihadistes issus de Suisse

Une quarantaine de musulmans sont partis de Suisse, ou ont l'intention de le faire, pour aller porter le jihad, selon les données récoltées jusqu'en mai 2014.

C'est deux fois plus que l'an passé, constate lundi le directeur du Service de renseignement de la Confédération (SRC). Parmi ces cas, treize sont confirmés. En mai 2013, le SRC avait enregistré 20 cas dans le monde entier. Sept avaient pu être attestés.

Le conflit en Syrie n'est pas étranger à cette augmentation. Une quinzaine de ces combattants y appuient les insurgés au président Bachar al-Assad.

Sur ces militants-ci, cinq cas ont été confirmés, a détaillé devant les médias à Berne Markus Seiler. Cela signifie que «leur présence sur place a été rapportée par au moins deux sources distinctes», a-t-il expliqué, présentant le rapport annuel du SRC. «L'un d'entre eux est revenu, les autres se trouvent encore sur place ou sont morts».

Plusieurs voies utilisées

Ces miliciens rejoignent leurs destinations par divers chemins. Ceux qui mettent le cap sur la Syrie passent notamment par les Balkans, par l'Afrique du Nord, ou par la Turquie. «Il n'y a par exemple pas besoin d'avoir un visa pour aller en Turquie. Et, depuis ce pays, il suffit de franchir la frontière pour entrer en Syrie.»

Mais tous les résidents suisses qui vont en Syrie ne sont pas forcément des islamistes, nuance Markus Seiler. Les motifs de voyage sont très divers, comprenant notamment les buts humanitaires.

Plutôt d'origine étrangère

Les voyageurs du jihad venant de Suisse sont en majorité d'origine étrangère. «Mais des Suisses convertis à l'islam nourrissent aussi leurs rangs», a ajouté M. Seiler.

Le SRC agit en amont afin de détecter, en Suisse, les individus présentant un risque potentiel. «Via notre monitoring du jihad» conduit en collaboration avec l'Office fédéral de la police (fedpol), «nous abordons ces personnes pour les empêcher de partir». «Plusieurs dizaines de cas nous ont occupés» ces derniers mois, a souligné le directeur du SRC.

Le Service de renseignement mène avec ses homologues cantonaux des auditions préventives avec ces individus pour prévenir les départs de Suisse. Ou il transmet les cas à la Police judiciaire fédérale pour enquête préliminaire. «Nous ne pouvons, en Suisse, pas interdire provisoirement à quelqu'un de sortir du pays, à la différence de certains voisins européens.»

Beaucoup moins en Suisse

Mais la Confédération est moins touchée par le phénomène des voyageurs du jihad que de nombreux autres pays, européens notamment, a tempéré Markus Seiler. Certains de ces Etats rapportent près de 700 cas.

Les raisons sont à chercher du côté d'une certaine «aisance sociale». L'absence de ghettoïsation y contribue aussi. «Nous avons en Suisse peu d'étrangers qui sont en recherche identitaire», a résumé le haut fonctionnaire. «Il n'y a pas non plus de chefs recruteurs» actifs sur le territoire de la Confédération.

Unité «Cyber»

Autre sujet évoqué lors de cette conférence de presse, celui de la criminalité sur Internet, et l'aspect «cyber». L'unité «Cyber SRC» a débuté ses activités et le recrutement de spécialistes en début d'année. «Nous ne disposions pas du budget nécessaire avant», a précisé Markus Seiler.

Cette unité doit recueillir des informations sur les acteurs et les menaces issues du monde virtuel. Elle doit prévenir les attaques et les contrer si elles se produisent. Là aussi, le SRC coopère avec d'autres services, que ce soit MELANI (Centrale d'enregistrement et d'analyse pour la sûreté de l'information), fedpol et l'armée en Suisse, ou ses partenaires internationaux.

Surveiller la toile nécessite des ressources conséquentes. Le directeur du SRC a regretté que les postes de travail consacrés à ce domaine demeurent «modestes, ce qui est typiquement suisse». Rien que pour la période 2014-2017, moins de 30 postes seront créés au niveau fédéral. Le SRC n'héritera que d'une partie d'entre eux.

Les révélations d'Edward Snowden ont à ce sujet mis en évidence la question cruciale de la sécurité des informations. Le captage d'informations a atteint une nouvelle dimension, a reconnu le chef du SRC.

Attaques très discrètes

Aujourd'hui, les cyber-attaques peuvent être lancées depuis n'importe où. Au moyen de programmes, on peut falsifier des informations ou carrément saboter des infrastructures. Il peut être très difficile de découvrir d'où viennent ces attaques, indique le SRC.

En Suisse aussi, des services de renseignements interdits sont actifs, de plus en plus au moyen de l'espionnage informatique. L'attention se porte naturellement sur les Etats à la pointe dans ce domaine, et notamment les Etats-Unis, relève le SRC, dont «l'étroite collaboration supposée avec des entreprises actives dans le domaine des technologies de pointe donne une toute nouvelle dimension à cette problématique».

Le Service de renseignements de la Confédération n'a pas que les Etats-Unis dans son viseur. Se pose cependant la question de savoir comment ces pays jouent de leur hégémonie dans le domaine. Le SRC avance deux possibilités: l'abus de pouvoir ou la coopération internationale. «Il revient à la communauté internationale de poser cette question et d'y répondre, par exemple au moyen d'accords internationaux.»

La Suisse est justement active à ce sujet. Mais Ueli Maurer n'accorde que peu de chances à cette option. «Aucun pays ne se laissera priver du moyen de préserver ses intérêts et d'intervenir dans les intérêts d'autres pays.»

Terrorisme «fait maison»

Mais le danger ne vient pas uniquement du monde virtuel, prévient le SRC. Le terrorisme menace les Suisses à l'étranger, la Suisse elle-même ou ses infrastructures. Le Service de renseignement met en garde contre les enlèvements, les attentats et les jihadistes.

Le risque d'un terrorisme «fait maison» existe. Le SRC veut ici parler d'actes de violence commis par un groupe ou une personne qui est née, a grandi et habite en Suisse. Bien qu'aucun cas n'ait été constaté jusqu'ici, «le danger d'une radicalisation au sein d'un groupe situé en marge de la population musulmane est possible».

Il en faut toutefois beaucoup pour qu'un individu en arrive là. La critique de l'islam pourrait constituer «un motif de violence potentiel». «Les déclarations ou décisions politiques qui portent atteinte, objectivement ou subjectivement, à l'islam en Suisse, peuvent être interprétées par les jihadistes comme signe d'hostilité à l'encontre des musulmans.»