En l’espace d’une semaine, la situation en Ukraine a considérablement évolué, notamment après la répression des manifestants de la place de l’Indépendance, lesquels fédéraient les mécontentements suscités par la politique menée par le président pro-russe Viktor Ianoukovitch, et à l’accord de Kiev, conclu le 21 février entre le pouvoir en place et l’opposition, en présence des médiateurs européens.
Ainsi, le président Ianoukovitch a été destitué de ses fonctions et il est actuellement introuvable, alors même que le Parlement ukrainien, qui n’a donc pas respecté l’accord conclu quelques jours plus tôt, a voté une motion pour le traduire devant la Cour pénale internationale. Un gouvernement provisoire doit se mettre en place, dans l’attente de nouvelles élections, prévues en mai prochain. Enfin, l’opposante – et ancien Premier ministre controversé – Ioula Tymochenko, a été libérée de la prison où elle avait été placée en 2011 après sa condamnation à sept ans d’emprisonnement pour abus de pouvoir dans le cadre de contrats gaziers signés entre l’Ukraine et la Russie en 2009.
Pour rappel, la contestation contre l’ex-président Ianoukovitch, alors à la tête d’un pays exsangue économiquement, avait commencé après son refus de signer un accord avec l’Union européenne, préférant ainsi une solution apportée par Moscou, consistant en un prêt de 15 milliards de dollars.
L’Ukraine est un pays profondément divisé. Si l’ouest est décrit comme étant pro-européen, et plus, largement, pro-occidental, l’est, pour des raisons sociologiques, culturelles et même économiques, regarde vers la Russie. D’où un risque de partition évoqué par plusieurs responsables politiques, dont Angela Merkel, qui a récemment souligné qu’il fallait préserver l’intégrité territoriale de ce pays.
Cela étant, et comme l’on pouvait s’y attendre, ces derniers développements ne sont pas du goût de la Russie. Et cela d’autant plus que les tensions en Ukraine, pays avec lequel les échanges commerciaux sont importants, ont des conséquences l’économie russe, le rouble étant à son plus bas niveau par rapport à l’euro et au dollar.
“Strictement parlant, aujourd’hui nous n’avons personne avec qui parler. La légitimité de toute une série d’organes du pouvoir là-bas suscite de sérieux doutes”, a ainsi réagi le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, le 24 février, en faisant référence aux nouvelles autorités ukrainiennes.
“Si on considère que des gens qui se baladent dans Kiev avec des masques noirs et des kalachnikovs sont le gouvernement, alors il nous sera difficile de travailler avec un tel gouvernement”, a-t-il poursuivi. “Certains de nos partenaires occidentaux considèrent qu’il est légitime. Je ne sais pas quelle Constitution ils ont lue, mais il me semble que c’est une aberration de considérer comme légitime ce qui est en fait le résultat d’une révolte”, a-t-il aussi dénoncé.
“Nous ne comprenons pas ce qui se passe là-bas, il y a une véritable menace pour nos intérêts, la vie et la santé de nos citoyens”, a encore avancé M. Medvedev, au sujet du rappel à Moscou de l’ambassadeur de Russie en Ukraine.
Quant au président russe, Vladimir Poutine, il ne s’est pas encore exprimé sur les évolutions en Ukraine. A moins qu’il faille voir un message dans sa décision d’ordonner une inspection surprise des troupes des districts militaires de l’Ouest et du Centre afin de vérifier leur aptitude au combat?
“Le commandant en chef a été chargé de vérifier l’aptitude des troupes à agir pour faire face à des situations de crise menaçant la sécurité militaire du pays”, a ainsi affirmé, ce 26 février, Sergueï Choïgou, le ministre russe de la Défense. Aussi, “en accord avec un ordre du président de la fédération de Russie, les forces militaires stationnées à l’ouest ont été mises en alerte à 14 heures, aujourd’hui “, a-t-il ajouté. Ces manoeuvres devraient durer jusqu’au 3 mars.
Les forces concernées par cette inspection surprise sont celles qui couvrent un large territoire, allant des frontières de l’Ukraine à celles du Bélarus, des Etats baltes, de la Finlande et de l’Arctique. “Le commandement de la défense spatiale et les troupes aéroportées ont été mis en alerte”, a précisé M. Choïgou.
Cette décision, qui n’est toutefois pas une première, dans la mesure où Vladimir Poutine a déjà ordonné des inspections surprises concernant en particulier les forces d’Extrême-Orient, a été prise à l’issue d’une réunion du Conseil de sécurité russe consacré à la situation en Ukraine.
L’idée d’une possible intervention militaire russe dans l’est de l’Ukraine a été évoquée ces derniers jours. Mais pour Susan Rice, la conseillère du président Obama pour les questions de sécurité nationale, a estimé que la Russie commettrait une “grave erreur” si une telle option venait à être appliquée.
De son côté, l’Otan, par la voix de son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, a fait savoir, ce jour, qu’elle est “prête à continuer à aider l’Ukraine, avec qui elle entretient des liens étroits, à poursuivre ses réformes démocratiques. “L’Ukraine est un allié proche et de longue date de l’Otan. Et l’Otan est un ami sincère de l’Ukraine”, a-t-il insisté, avant de souligner qu’il “revient au peuple ukrainien de déterminer ce que devrait être l’avenir de leur pays”.