Le drapeau de l'État Islamique en Irak et au Levant (EIIL)
la filiale d'Al-Qaïda active en Irak et en Syrie
(Archives/capture d'écran EIIL/45eNord.ca)
Les combattants de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), des extrémistes sunnites liés à Al-Qaïda, ont pris ces derniers jours le contrôle de Fallouja et de quartiers de Ramadi. Que sait-on de ce groupe djihadiste?
Alors que les Printemps arabes avaient semblé marquer le recul d'Al-Qaïda, la nébuleuse fait un retour en force ces derniers mois. Sa branche régionale implantée d'abord en Irak mais qui s'est ensuite installée en Syrie, L'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) a réussi un retour fracassant. Le groupe est devenu une force majeure dans le conflit syrien, tout en menant en Irak des attentats sanglants ou des assauts audacieux contre des prisons, et depuis la fin de la semaine dernière, contre des villes de l'ouest de l'Irak.
En s'emparant de Fallouja et de plusieurs quartiers de Ramadi, des villes situées respectivement à 60 et 100km à l'ouest de Bagdad, l'EIIL a franchi cette semaine un nouveau pallier.
Les origines de l'EIIL
Le mouvement a été créé en 2004, au début de l'intervention militaire américaine en Irak et a manifesté son allégeance au groupe d'Oussama ben Laden. Il était alors connu sous le nom d'Al-Qaïda en Irak. En 2006, fédérant plusieurs groupes d'insurgés, il a pris le nom d'Etat islamique en Irak. Il était très implanté dans les provinces d'Anbar, de Ninive et de Kirkouk. Des provinces où les Américains ont connu leurs plus forts revers pendant la guerre d'Irak.
Les Américains avaient alors appuyé la création de forces supplétives, baptisées Sahwa (Réveil), composées d'anciens rebelles sunnites. Elles avaient permis de diminuer l'emprise d'Al-Qaïda dans le pays. Mais le chaos et la perte de contrôle chaque jour plus forte de l'Etat sur le pays ont permis à Al Qaïda de se renforcer.
Depuis que la guerre ravage la Syrie, le mouvement s'est étendu au pays voisin et à pris le nom d'Etat islamique en Irak et au Levant. "L'EIIL a utilisé sa présence en Syrie pour renforcer ses positions en Irak", explique Daniel Byman, un expert au Brookings Institution's Saban Center for Middle East Policy.
L'assaut sur Ramadi et Fallouja
Les combats dans l'ouest de l'Irak ont commencé lundi 30 décembre à Ramadi, quand les forces de sécurité ont démantelé un campement de protestation sunnite et se sont rapidement étendus à Fallouja. Depuis plusieurs mois, les sunnites contestent leur marginalisation et l'autoritarisme du Premier ministre Nouri al-Maliki et les persécutions dont leurs dirigeants se disent victimes.
Les forces de sécurité se sont retirées des deux villes, anciens bastions de l'insurrection anti-américaine, laissant le champ libre aux insurgés.
Selon des bilans fournis par les autorités, les combats entre EIIL d'une part et forces de sécurité et tribus d'autre part ont fait plus de 200 morts, essentiellement des combattants de l'EIIL, pour les seules journées de vendredi et samedi.
Mini-Etats
"Cela fait quelque temps que (l'EIIL) gagne en puissance, en contrôle du territoire et en influence à Anbar", rappelle Charles Lister, un expert au Brookings Doha Center.
"Ses objectifs dépassent largement l'Irak, mais son projet transnational d'établir un Etat islamique dans tout le Levant ne peut se faire qu'en assurant d'abord son contrôle sur une série de mini-Etats", ajoute-t-il. "Dans le contexte irakien, les provinces d'Anbar et aussi de Ninive sont d'une importance cruciale en raison de leurs liens directs avec l'est de la Syrie", précise-t-il.
Le porte-parole du ministère irakien de la Défense, Mohamed al-Askari, a lui aussi insisté sur l'importance du lien avec la Syrie.
Les points faibles d'EIIL
Pour John Drake, un expert en questions de sécurité pour AKE Group, la situation à Anbar "est comparable aux heures noires du plus fort de l'insurrection" post-2003. Mais si l'EIIL peut gagner en crédibilité en prenant le contrôle de territoires, cette stratégie comporte des risques à long terme.
"Il va devoir avancer très prudemment s'il veut éviter de provoquer à nouveau la colère de la population locale", explique John Drake, en rappelant que c'est d'abord la brutalité des insurgés qui a poussé les combattants des tribus à se retourner contre eux fin 2006.
"Mais la force croissante de l'EIIL pourrait aussi nuire à l'organisation, parce que les batailles ouvertes dans des zones urbaines sont un point fort du gouvernement, estime Michael Knights, expert du Washington Institute for Near East Policy. Pour lui, tout dépendra de la stratégie de Bagdad: "Si le gouvernement irakien en profite pour relancer l'alliance avec les tribus, Al-Qaïda pourrait subir un sérieux revers. Si le gouvernement met les tribus sunnites sur la touche et poursuit son approche brutale, Al-Qaïda pourrait se renforcer considérablement".