Affaires de drogue, mesures de sécurité non respectées, inspections ayant mis en évidence le manque de préparation de certaines unités, tricheries à des tests d’évaluations, résultats insuffisants… Les forces stratégiques américaines ont beaucoup fait parler d’elles ces derniers mois. Et pas en bien alors que, au contraire, il est attendu que ses personnels fassent preuve d’intégrité et de sérieux.
Cela étant, ces incidents concernent surtout les unités de missiles balistiques intercontinentaux (SSBS) Minuteman III, répartis dans trois bases de l’US Air Force, qui, situées dans le Montana (Malmstrom), le Dakota du Nord (Minot) et le Wyoming (Warren), disposent chacune de 150 engins en silo. La composante aéroportée de la force de frappe américaine ainsi que les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), qui ont d’autres missions que d’assurer la dissuasion, sont épargnés par ce type d’affaire. Reste donc à savoir pourquoi.
L’une des causes daterait probablement de la fin… de la guerre froide. Avant la disparition de l’URSS, la seule et unique mission de ces unités de missiles était jugée primordiale. En cas d’attaque nucléaire contre les Etats-Unis, leurs personnels auraient été amenés à conduire la riposte. Ce qui aurait pu arriver à n’importe quel moment.
A cette époque, “il y avait une fierté dans la mission”, a expliqué le général Welsh, le chef d’état-major de l’US Air Force. “Il y avait un sentiment que la mission était d’une importance cruciale”, a-t-il ajouté.
Or, ce n’est plus le cas maintenant, la menace n’étant évidemment plus au niveau qui était le sien avant la chute de l’Union soviétique et le temps n’est plus aux productions hollywoodiennes à la gloire du Strategic Air Command, avec James Stewart dans le premier rôle. Ce qui n’empêche pas les officiers de tirs de l’US Air Force d’enchaîner les permanences 24 heures sur 24, terrés dans des bunkers souterrains, “à attendre d’appuyer sur un bouton qu’ils savent qu’ils ne presseront jamais”, comme l’a souligné Joseph Cirincione, président du Ploughshares Fund, un centre réflexions spécialiste des affaires nucléaires. Ce dernier aurait sans doute dû ajouter “probablement” : dans le monde d’aujourd’hui, l’on ne peut être sûr de rien…
La conséquence est une perte de motivation, ce qui est inévitable quand l’on est amené à s’interroger sur l’utilité d’une mission dans laquelle on s’est investi. Et les déclarations de certains responsables politiques sur le désarmement nucléaire, à commencer par celles du président Obama (voir le discours de Prague d’avril 2009), ne sont pas faites pour dissiper ce sentiment, de même que les débats sur la nécessité de maintenir ou non ces missiles balistiques sol-sol.
En outre, attendre un ordre de tir qui ne viendra probablement jamais – du moins, dans la situation actuelle du monde – laisse le champ à un autre adversaire : l’ennui. Alors que beaucoup de leurs camarades ont été déployés sur un théâtre d’opération extérieur lors des 10 dernières années, les personnels des unités de SSBS sont restés dans l’ombre. Bien évidemment, ce n’est pas l’idéal pour obtenir de l’avancement. Et là encore, se pose la question du sens du devoir.
Qui plus est, il a été prévu, par le Pentagone, une meilleure prise en compte des mérites des pilotes-opérateurs de drones, qui effectuent des frappes aériennes ou des missions de renseignement ou de surveillance depuis les Etats-Unis. Ce à quoi les les personnels d’unités de SSBS ne peuvent pas prétendre.
Reste que apporter des solutions à ces problèmes “existentiels” reste compliqué pour l’US Air Force. Supprimer les missiles intercontinentaux sol-sol? Il n’en est pas question pour le moment, même si certains responsables militaires n’y serait pas forcément contre, afin de faire des économies. Le chef du Pentagone, Chuck Hagel, l’a encore récemment rappelé et une telle mesure ferait l’objet d’un tir de barrage des élus du Congrès originaires des Etats où sont situées les bases de lancement.