Un National Intelligence Estimate (NIE) est un document classifié qui synthétise les évaluations des 16 services de renseignement américains sur des questions liées à la sécurité des Etats-Unis.
Le dernier en date a été évoqué par le Washington Post et concerne l’évolution de l’Afghanistan. Et le moins que l’on puisse dire est que les services de renseignement américains ne font pas preuve d’un optimisme débordant. Cela étant, ce qui leur a souvent été reproché lors de la publication de précédents NIE ayant trait à la situation afghane.
Quoi qu’il en soit, ces estimations vont à-rebours du discours officiel qui, pour le coup, semble faire un excès d’optimisme. Comme souvent, la vérité doit être entre les deux… Que dit ce NIE? Si l’on en croit le Washington Post, les gains obtenus sur le terrain face à l’insurrection seront perdus dans les trois ans suivants la fin de la mission de l’Otan en Afghanistan.
Et dans le cas où l’accord bilatéral de sécurité (BNS) ne serait pas rapidement signé entre Washington et Kaboul – le président Karzaï traîne des pieds pour le ratifier alors que l’assemblée traditionnelle afghane, la Loya Jirga, a donné son accord – le rapport prédit que l’Afghanistan sombrerait rapidement dans le chaos.
“En l’absence d’une présence et de soutien financier continus, l’évaluation du renseignement suggère que la situation risque de se détériorer très rapidement”, a indiqué un responsable américain qui a lu le rapport, lequel a été critiqué pour n’avoir pas assez pris en compte les progrès accomplis par les forces de sécurité afghanes.
Sauf que ces dernières ne donnent pas l’impression, justement, d’avoir réalisé des gains significatifs, dans la mesure où elles subissent de trop lourdes pertes face à l’insurrection. En outre, elles manquent d’appuis aériens (hélicoptères en particulier), ce qui donne encore davantage de latitude aux talibans et à leurs alliés pour opérer.
Aussi, l’insurrection tend à consolider ses positions dans les zones les plus reculées tout en étendant son influence. A Tagab, ancienne zone de responsabilité française, les tribunaux des taliban sont désormais plus populaires que les institutions judiciaires afghanes, d’après un récent reportage diffusé par l’AFP.
En attendant, le pessimisme des services américains est partagé par le chef du Renseignement militaire russe (GRU), le général Igor Sergoun. En mai dernier, il avait en effet estimé que “la situation précaire en Afghanistan présentait un danger sérieux pour la stabilité internationale” et qu’il fallait “s’attendre au renforcement de l’influence islamique des talibans suite à la réduction des troupes étrangères”.
Le territoire afghan “possède déjà un vaste réseau de camps d’entraînement terroristes, y compris de formation des kamikazes. Les taliban ont noué des liens étroits avec des organisations terroristes internationales. Les combattants de ces organisations pourront aller dans n’importe quel point chaud de la planète après avoir reçu une formation au combat en Afghanistan”, avait-il aussi expliqué.