Ce que l’enquête tient pour sûr
(les trois victimes dans la voiture, toutes de la même famille, Saad al-Hilli le père, Iqbal al-Hilli son épouse et la mère de cette dernière) et la quatrième victime, Sylvain Mollier, un cycliste français, toutes tuées de deux balles dans la tête, le nombre de douilles retrouvées sur les lieux du crime (vingt-cinq) et la «sauvagerie» des assassinats.
Vingt-et-un coups de feu ont été tirés en un laps de temps très court dont 17 ont atteint leur cible. Des coups de feu ont ainsi pu être tirés d'emblée en direction des al-Hilli sans atteindre leur cible. Ou «peut-être le tueur a-t-il tiré sur le cycliste en premier parce qu'il ne voulait laisser personne vivant».
Un témoignage pourrait aider à éclaircir le mystère qui entoure la tuerie de Chevaline, plus d'un an après le drame. Un garde-forestier raconte à la BBC avoir vu une BMW gris foncé aux plaques britanniques peu de temps avant l'attaque. La chaîne britannique est également revenue sur les lieux accompagnée du cycliste qui a découvert l'horrible scène en cet après-midi du 5 septembre 2012.
Journée «paisible» et «ensoleillée»
Brett Martin, un ancien pilote de la Royal Air Force, possède une maison de vacances dans la région. En cette journée «paisible» et «ensoleillée», il a pris un chemin étroit menant à un sommet. Sur son chemin, il a été dépassé par un véhicule qui, selon lui, était la voiture des al-Hilli. En arrivant sur les lieux du drame, quelques instants après la fusillade, Martin a d'abord pensé qu'il s'agissait d'un accident de la circulation. Puis il a remarqué un motocycliste avec une attitude bizarre: «Il allait à une allure très lente, une vitesse anormalement lente, et il semblait étrange», raconte-t-il à la BBC, dans une émission qui sera diffusée lundi soir.
Au moins deux personnes impliquées?
Mais la BBC a également rencontré un nouveau témoin qui ne s'est jamais exprimé publiquement. Le travailleur forestier, qui souhaite rester anonyme par crainte du tueur qui court toujours, serait descendu de la montagne quelques minutes avant la fusillade. «Quand je suis arrivé il y avait une moto qui sortait de la zone de parking. Je me souviens très bien, dit-il, elle était blanche et noire avec des sacoches de chaque côtés», explique-t-il en précisant que le motard était tout de noir vêtu et avait sa visière complètement fermée.
Le garde-forestier a également aperçu une voiture aux plaques britanniques dans les parages. Il pense qu'il s'agit d'un complice du tueur à moto. Il est arrivé sur la gauche et est passé très vite. La voiture était une BMW 4x4, X5, gris métallisé, en bon état.» L'homme a notamment eu le temps de remarquer que le volant de la voiture était à droite. «Le conducteur était légèrement chauve, avait la peau foncé, et ne portait pas de lunettes.»
Dix minutes plus tard, deux autres gardes-forestier auraient vu la moto qui serait celle du tueur. Les collègues du témoin auraient pu apercevoir le visage du motard car ils lui ont parlé. L'homme roulait en effet sur une route interdite aux véhicules à moteur. «Lorsque l'homme a soulevé son casque pour parler, mes collègues ont vu qu'il portait une légère barbe».
Cela semble indiquer qu'au moins deux personnes ont agi ensemble: l'une s'occupant de la surveillance, l'autre étant le tueur à gages.
Plusieurs pistes
Sylvain Mollier
Sylvain Mollier travaillait dans un atelier de production chez Cezus, une usine du groupe nucléaire Areva, spécialisée dans la transformation de métaux destinés à la fabrication de combustibles nucléaires. Il venait de prendre un congé parental. "Il faisait du vélo presque tous les jours", "Sylvain était réservé, la famille était très importante pour lui", confie aussi Michel Chevallier, adjoint au maire.
Les enquêteurs ont exploré la théorie selon laquelle Sylvain Mollier aurait pu mener une double vie et ainsi être la cible du massacre. Les enquêteurs privilégient pour le moment la piste selon laquelle Sylvain Mollier avait été tué car il avait été témoin du massacre de la famille al-Hilli.
L'Essor savoyard évoque le cycliste Sylvain Mollier comme un «séducteur dont le succès a pu porter ombrage à certains».
Une famille étrange?
The Telegraph souligne que le père de famille avait un comportement étrange depuis quelques jours selon des touristes néerlandais, interrogés par le journal britannique. La famille était initialement au Village camping Europa à Saint-Jolioz, mais a soudainement décidé de changer pour prendre une réservation le lundi au camping du Lac Solitaire, à quelques mètres de là.
Une information confirmée par une source proche de l’enquête en France selon le quotidien. Durant les deux jours passés dans le premier camping, Saad al-Hilli avait un comportement étrange. Jan Janssen, une touriste néerlandaise a expliqué au Telegraph:
«On nous a dit qu'ils avaient l'intention de rester toute la semaine mais ils sont partis soudainement au bout de deux jours. Le père a quitté le site seul dans sa voiture quatre ou cinq fois par jour. Il est sorti pendant 20 ou 30 minutes à chaque fois […] La première fois nous avons pensé qu'il allait faire des courses, mais c’était très étrange de sortir si souvent.»
Un désaccord familial
Saad al-Hilli aurait été en désaccord avec son frère concernant l'héritage légué par leur père: Saad aurait tenté d'exclure son frère de la succession.
Le frère de la victime, Zaid al-Hilli, s’est rendu de lui-même à la police britannique dès le lendemain du drame afin de se disculper le plus rapidement possible. Lundi 10 septembre, il enchaînait sa troisième journée d’audition en tant que «témoin libre».
La théorie internationale
La théorie internationale a émergé. Le Daily Mail, un tabloïd britannique, a interrogé Philip Murphy, un voisin de la famille assassinée à Claygate, le domicile familial. Il affirme que les al-Hilli auraient été sous surveillance en mars 2003, au début de la guerre en Irak.
«Je pensais qu’ils étaient des services secrets. Ils étaient assis toute la journée dans leur voiture garée, ils ne faisaient qu’observer la maison. Quand Mr al-Hilli sortait et partait, ils le suivaient. C’était très étrange. Je n’ai jamais dit à la famille qu’ils étaient sous surveillance», raconte-t-il au journal britannique. Ce voisin ajoute que les «guetteurs» lui auraient demandé d’utiliser son allée pour espionner la maison des al-Hilli.
Pourquoi Saad al-Hilli aurait-il été espionné? Le Daily Mail ne donne pas de piste mais précise que «les liens apparents de la famille de l’homme tué avec le parti Baas de Saddam Hussein pourraient avoir leur importance». Selon le témoignage d’un ami proche de la famille relaté par le Daily Mail, le père de Saad al-Hilli se serait «brouillé avec le parti Baas et a été forcé à fuir son pays» à la fin des années 1970.
Un motard et un 4X4 à proximité des lieux du crime
Dans l'enquête de la BBC, deux témoins clés racontent avoir vu un motard et un 4X4 - BMW X5 - à proximité des lieux du crime. Brett Martin, un cycliste britannique qui avait découvert les corps au bout d'une petite route forestière, a expliqué avoir croisé un motard au moment où il arrivait sur les lieux. Un garde-forestier français a de son côté témoigné avoir vu un motard tout de noir vêtu se diriger vers le parking où la famille al-Hilli a été tuée.
Photo d'illustration
"Les Français, je ne leur fais pas du tout confiance"
Zaïd al-Hilli a accusé la police française de ne pas avoir correctement enquêté sur l'hypothèse selon laquelle la véritable cible des tueurs était Sylvain Mollier, un cycliste français retrouvé mort à proximité des autres corps. "Ils couvrent quelqu'un en France dans cette région et ils le savent". "Mollier était impliqué dans des disputes familiales et était un étranger pour sa riche famille", explique Zaïd al-Hilli pour qui la piste locale doit être suivie.
le portrait-robot d'un motard va être diffusé
C'est un portrait-robot que les enquêteurs avaient conservé jusqu'alors pour des raisons "stratégiques". Il représente un homme portant un casque et un barbe. Au lendemain de la diffusion d'un documentaire de la BBC sur la tuerie de chevaline, les enquêteurs ont décidé de lever le voile sur un personnage qui pourrait être la clé de cette tuerie : un motard, présenté par la BBC comme le tueur des quatre membres de la famille al-Hilli en septembre 2012. "Nous ne voulions pas que cette personne soit amenée à se dissimuler", a expliqué ce mardi le procureur de la République d'Annecy avant d'annoncer que finalement, ce portrait serait diffusé dans les prochains jours.
Le modèle très particulier du casque, produit en peu d’exemplaires, a également conduit les enquêteurs à ne pas diffuser de portrait-robot plus tôt. Des investigations ont été menées pour tenter de le retrouver, «mais cela n’a rien donné de probant».
La moto était «blanche et noire, avec des coffres de chaque côté».
Les al-Hilli étaient, selon toute vraisemblance, l'objet d'un dispositif de suivi, a-t-il estimé. Vu la scène de crime et la violence des faits, il semble certain que le tueur était aguerri et qu'il avait tout mis en place pour réussir son coup. Surtout si, comme nous le pensons, les al-Hilli se sont retrouvés par hasard sur la route de la Combe d'Ire.» Et de justifier leur choix de taire certains éléments: «Les enquêteurs disposent de nombreuses informations qu'ils ne souhaitent pas dévoiler trop tôt, pour ne pas polluer les témoignages et garder l'espoir de confondre un éventuel suspect. Nous avons encore des atouts dans notre jeu. Toutes les analyses n'ont pas encore été faites et toute la stratégie consiste à les utiliser au bon moment.»
Egger Ph.