Il ne fait de doute pour personne que l’Inter-Service Intelligence (ISI), les puissants services secrets pakistanais, soutiennent en sous-main non seulement le mouvement taleb afghan du mollah Omar mais aussi le réseau Haqqani, particulièrement actif dans l’est de l’Afghanistan.
Il y a plusieurs raisons à cela, à commencer par celles ayant trait à la stratégie d’Islamabad face à l’Inde. D’ailleurs, ce soutien n’est pas nouveau : il était déjà effectif avant l’entrée des taliban à Kaboul. Pour le Pakistan, il s’agissait de disposer d’une profondeur stratégique face à son rival indien tout en rétablissant un semblant de stabilité en Afghanistan afin de permettre le commerce avec les républiques d’Asie centrale.
Aussi, l’arrestation par Islamabad, au début de l’année 2010, du mollah Abdul Ghani Baradar, qui était alors le numéro deux du mouvement taleb afghan, pouvait paraître surprenante. Mais à y regarder de près, elle ne l’était finalement pas. Pourquoi? Parce que ce responsable s’était dit favorable à une négociation avec Kaboul afin de mettre un terme aux hostilités. Chose dont le mollah Omar et son entourage ne voulaient pas entendre parler.
Qui plus est, le mollah Baradar vient de la tribu pachtoune des Popolazai, à laquelle appartient aussi l’actuel président afghan, Hamid Karzaï. Cela aurait pu en effet faciliter le dialogue. Lequel est difficile à établir étant donné que l’entourage du mollah Omar est issu d’une tribu rivale, en l’occurrence celle des Ghilzai…
Bref, avec la fin annoncée de la mission de l’Otan en Afghanistan (prévue pour la fin 2014), le président afghan a amorcé un processus de paix afin de tenter de mettre fin à la rébellion armée. Comme il y a un gros doute sur les capacités des forces armées du pays à assurer la sécurité après le départ de la coalition internationale, mieux vaut chercher à couvrir ses arrières…
Quoi qu’il en soit, pour mener à bien ce processus de réconciliation, le président Karzaï a demandé à Islamabad de l’aider à établir un dialogue direct avec les insurgés afghans qui trouvent refuge dans les zones tribales pakistanaises. D’où sa demande, en gage de bonne volonté, de faire libérer quelques responsables talibans détenus au Pakistan, le pari étant que ces derniers tenteront de convaincre leurs supérieurs d’engager des pourparlers de paix.
Le Pakistan a ainsi remis en liberté une vingtaine de taliban, dont on ignore les raisons précises pour lequelles ils avaient été mis au frais. Encore récemment, 7 autres ont été libérés après une visite du président Karzaï à Islamabad. Seulement, cette politique n’a nullement porté ses fruits, dans la mesure où ces insurgés, sans influence réelle, ont fini par reprendre les armes.
Mais Islamabad pourrait faire un geste. Important cette fois. Puisqu’il est question de faire sortir de prison le mollah Baradar. Sa libération pourrait avoir lieu d’ici la fin du mois. En revanche, il n’est pas question de le remettre aux autorités afghanes mais de l’envoyer ailleurs. Le Qatar, où le mouvement taleb a récemment ouvert un bureau, a notamment été cité.
Bien évidemment, le Haut conseil afghan pour la paix (HCP), chargé de la réconciliation avec les insurgés, s’est “félicité de cette décision du gouvernement pakistanais.” Mais du côté du mouvement taleb afghan, cette annonce n’a gère suscité d’enthousiasme. Son porte-parole, Zabiullah Mujahid, a simplement indiqué que la direction “évaluait la situation avant de se prononcer”.