Léon de Lepervanche avec Raymond Vergès en 1945.
Derrière Paul et Jacques Vergès.
En 1982, 97-4, une publication réunionnaise d'extrême droite, publie la photo de Paul Vergès, le secrétaire général du Parti communiste réunionnais (PCR), assortie de la légende suivante : "Le 25 mai 1946, il n'a pas hésité à assassiner d'une balle de revolver Alexis de Villeneuve devant la cathédrale de Saint-Denis." Paul Vergès porte plainte pour diffamation, mais il est débouté. En 1984, la cour d'appel de Saint-Denis relaxe la directrice de publication de 97-3, considérant qu'elle n'avait pas diffamé Paul Vergès.
En 1947, Paul Vergès a bien été reconnu coupable d'avoir porté à Alexis de Villeneuve des blessures mortelles, mais... sans intention de tuer. Les assises de Lyon ne l'ont condamné qu'à cinq ans de prison... avec sursis ! Les circonstances de la mort d'Alexis de Villeneuve, candidat du Mouvement républicain populaire (MRP), et adversaire politique du père de Paul et Jacques Vergès, le docteur Raymond Vergès, n'ont jamais été véritablement élucidées.
Rumeur
D'autant qu'une rumeur tenace laisse entendre que le tueur ne serait pas Paul mais son jumeau, Jacques ! Certes, le futur avocat n'a jamais été inquiété, mais son absence de l'île de la Réunion pendant presque quatre décennies ne manque pas d'étonner. En effet, Jacques Vergès n'est retourné dans l'océan Indien qu'en 1984.
Comme le raconte Bernard Violet dans Vergès. Le maître de l'ombre *, Jacques a toujours été considéré comme nettement plus brillant que Paul. Au lycée à Saint-Denis, son condisciple se nomme Raymond Barre. Surnommé "Soda", en raison de sa rondeur, le futur Premier ministre était systématiquement premier : "J'ai toujours été le deuxième", se souvient Jacques Vergès, appelé "Bichique", du nom d'une petite anguille locale. Bichique obtient son bac à seize ans. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les deux frères rejoignent les Forces françaises libres. En 1946, maire de Saint-Denis, le chef-lieu de la Réunion, Raymond Vergès est candidat à la députation sous la bannière du PCF.
La "main noire"
Son principal adversaire, Alexis de Villeneuve, est maire de la sous-préfecture de Saint-Benoît. Le 25 mai 1946, il est tué d'un coup de revolver à quelques pas de la cathédrale. L'arme appartient à Raymond Vergès. Paul Vergès, qui se trouve sur les lieux, est arrêté. Il reconnaît qu'il a bien eu l'arme entre les mains, mais c'était pour désarmer le tueur... Et qui était le tueur ? Paul Vergès ne se souviendra que d'"une main noire". Paul se serait-il volontairement sacrifié pour protéger Jacques ?
Curieusement, Paul Vergès est rapidement expédié dans l'Hexagone, avant d'être jugé en juillet 1947 à Lyon et condamné à cinq ans avec sursis. Comment expliquer un verdict aussi clément ? Raymond Vergès s'est éteint en 1957. Aujourd'hui, à 88 ans, Paul tient toujours les rênes du Parti communiste réunionnais qu'il a fondé en 59 et qui est indépendant du Parti communiste français. Il est secondé par tous les membres de sa famille. En revanche, Jacques n'a jamais joué aucun rôle au sein du PCR.
Ian Hamel