Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 19 août 2013

Diana, assassinée par l'armée britannique ?


Spécial Air Service


De nouvelles informations sur la mort de la princesse Diana et de Dodi Al-Fayed sont actuellement étudiées par Scotland Yard et révéleraient, selon les médias anglais, que le couple pourrait avoir été assassiné par les troupes d'élite de l'armée britannique. Samedi en fin d'après-midi, la police britannique a indiqué dans un communiqué "examiner des informations qui lui ont été récemment communiquées concernant ces décès et évaluer leur pertinence et leur crédibilité". "L'évaluation sera effectuée par des enquêteurs spécialisés de la police criminelle", a ajouté Scotland Yard, dans un communiqué, sans révéler le moindre élément sur la nature de ces informations. Selon les médias britanniques, citant une source militaire, ces informations auraient été transmises à Scotland Yard par la police militaire royale.

Selon le Daily Telegraph, elles auraient fait surface à l'occasion du récent procès de Danny Nightingale, un tireur des SAS (Special Air Services), les troupes d'élite de l'armée britannique, reconnu coupable de possession illégale d'armes. L'une des informations affirmerait, selon le journal, que cette unité d'élite de l'armée "est responsable de la mort de la princesse Diana". Ces informations ont été fournies par les beaux-parents d'un soldat du SAS, baptisé "soldat N", qui a été un témoin-clé dans le procès de son camarade. Il a été également reconnu coupable de possession illégale d'armes. Ses beaux-parents ont écrit au commandant du SAS en affirmant que le militaire avait confié à son ex-femme que son unité avait "organisé" la mort de la princesse, affirme le quotidien. L'opération aurait ensuite été "dissimulée", aurait-il dit.

L'enquête n'est pas rouverte

La police, qui ne s'exprime pas sur la nature de ces informations, a insisté sur le fait qu'il n'y avait pas pour l'heure "de réouverture de l'enquête", soulignant également que ces informations ne relevaient pas de "l'opération Paget". Celle-ci était le nom donné à l'enquête de la police sur les théories du complot qui s'étaient multipliées à propos de cet accident de voiture. L'enquête avait conclu que toutes ces théories étaient sans fondement. Les princes William et Harry, fils de Diana, ainsi que Clarence House, les services du Prince Charles, n'ont aucun commentaire, a indiqué un porte-parole de la famille royale. Même réponse du ministère britannique de la Défense. Un porte-parole de Mohamed Al-Fayed a également dit que celui-ci n'avait pas de déclaration à faire, mais sera "intéressé de voir les résultats" de l'étude de ces informations.

Ce rebondissement intervient à quelques jours du 16e anniversaire de la mort de la princesse, de Dodi Al-Fayed et de leur chauffeur Henri Paul, tués le 31 août 1997 dans un accident de voiture dans le tunnel, sous le pont de l'Alma à Paris. Le garde du corps du couple, Trevor Rees-Jones, est le seul à avoir survécu à l'accident. Les enquêtes menées par les polices française et britannique avaient conclu que l'accident de voiture était dû à l'état d'ivresse du chauffeur, Henri Paul, qui conduisait trop vite, afin d'échapper à des paparazzi dans les rues de Paris. Après une enquête judiciaire de six mois, les jurés de la Haute Cour de Londres chargés de se prononcer sur les causes de la mort du couple avaient également conclu en avril 2008 à un accident dû à la conduite "extrêmement négligente" de leur chauffeur Henri Paul.

Mohamed Al-Fayed, le père milliardaire de Dodi et ancien propriétaire du magasin de luxe Harrods, a soutenu pendant des années que le couple avait été tué dans le cadre d'un complot ourdi par le prince Philip, époux de la reine Elizabeth, et mis en oeuvre par les services secrets britanniques, pour éviter que Diana, mère d'un futur roi d'Angleterre, n'épouse un musulman. Diana, décédée à 36 ans, avait épousé le prince Charles en 1981. Il se sont séparés en 1992 avant de divorcer en 1996.

La mort de Lady Diana : complot ou simple accident? 

Belle et adulée, elle deviendra une icône pour des millions de personnes de par le monde. Des millions qui, au matin du 1er septembre 1997, seront frappés de consternation lorsqu’elles apprendront que celle qui fut princesse de Galles, Lady Diana Spencer, est décédée dans un accident de voiture en compagnie de son amant Dodi al-Fayed. De Londres à New York, en passant par Paris et Sydney, on a peine à croire que cette jeune femme qui paraissait immortelle est morte dans un «banal» accident de voiture. Ainsi, quatre ans avant les événements du 11 septembre 2001, la mort de Lady Diana suscitera le scepticisme, entraînant dans son sillage une thèse conspirationniste qui, elle, ne mourra jamais.

Pourtant, les conclusions des enquêtes française et britannique sur l’accident attribuent la cause à l’état d’ébriété du chauffeur Henri Paul. Mais rien n’y fait : le millionnaire Mohammed al-Fayed, le père de Dodi, clame sur toutes les tribunes qu’il ne croit pas à cette thèse. Selon lui, les services secrets du Royaume-Uni auraient déguisé un meurtre en accident. Et afin de camoufler ce geste, les autorités françaises et britanniques, de connivence, auraient falsifié les résultats des enquêtes. Or, voilà que le père de Dodi al-Fayed n’est pas le seul à tirer cette conclusion. Pourquoi donc la thèse du complot est-elle si populaire? Voyons voir.

Les témoignages

À la lumière des témoignages recueillis par les autorités françaises et britanniques, une première évidence s’impose : une voiture blanche de marque Fiat précédait la Mercedes du couple avant l’accident. Deuxième évidence : une motocyclette roulait à gauche de la Mercedes et l’aurait même doublée avant qu’un éclair n’illumine le tunnel. Preuve, toutefois, que les témoins s’empêtrent dans les contradictions, deux piétons qui se trouvaient près de la scène de l’accident ont déclaré que la motocyclette roulait plutôt à trente ou à quarante mètres de la Mercedes avant l’impact. Ce ne seront pas les seules divergences d’interprétation constatées par les enquêteurs.

Car certains témoins n’auraient pu faire mieux pour alimenter la conspiration. Un de ceux-là, Eric Pétel, a prétendu qu‘il avait entendu une détonation venant de l'intérieur de la voiture, sans fournir de précision. S’étant arrêté le premier sur les lieux de l’accident, il constate ce qui vient de se produire et décide alors de se rendre au plus proche commissariat, selon ses dires. Mais Pétel, parmi les témoins, a été le seul à écarter la présence d’une voiture et d’une motocyclette dans les environs du tunnel de l’Alma. Et curieusement, il attendra cinq mois avant de transmettre son témoignage aux autorités, témoignage que celles-ci rejetteront d'ailleurs sans crier gare. La raison? Personne n’a entendu parler d’un Eric Pétel dans aucun commissariat de Paris en cette nuit du 31 août au 1er septembre. Un autre témoin, François Levistre, connu pour ses démêlés avec la justice, dira qu’il avait cru être témoin d’un règlement de compte. Selon lui, deux hommes sur une motocyclette étaient descendus jeter un coup d’œil à la voiture accidentée avant de repartir prestement. Le problème est que sa femme, qui l’accompagnait ce soir-là, contredira son témoignage.

Reste une hypothèse qui sera explorée par les enquêteurs dans les minutes suivant la mort de Lady Di : l’accident aurait-il été causé par la présence envahissante de paparazzis à motocyclette? Puisqu’il est question d’éclairs, certains ont cru qu’ils avaient été dardés par des appareils-photo. Des photographies ultérieurement publiées dans les médias montreront d’ailleurs Henri Paul, le chauffeur de la Mercedes, et Trevor Rees-Jones, le garde du corps d’al-Fayed, éblouis par un éclair. Or, les enquêteurs français en déduiront que les paparazzis ne sont aucunement en cause, une conclusion partagée par la dernière enquête britannique, celle de l’Opération Paget, de Lord Stevens.

L’étrange James Andanson

Une voiture avait été vue côtoyant la Mercedes, une Fiat Uno, sur laquelle les autorités françaises tenteront de mettre la main. Première conclusion avant de passer à un autre acte : elle n’aurait pas heurté la voiture du couple, comme certains l’avaient prétendu. Dixit les enquêteurs, qui n’ont trouvé aucune trace de peinture sur la Mercedes. Mais on finira par trouver une Fiat Uno qui appartenait à un photographe proche de lady Diana. Son nom : James Andanson. Photographe de profession, Andanson suivait Diana de temps à autre dans ses déplacements. Quelques mois après l’accident, il avait eu l’idée saugrenue de vendre des pièces de sa Fiat Uno blanche, ce qui éveilla les soupçons de quelques observateurs «émérites» qui crurent que le photographe était l’assassin de service. Mais notre homme avait un alibi : le soir du 31 août 1997, il se trouvait aux côtés de sa femme à plus de 275 kilomètres au sud de Paris. En outre, Andanson n’utilisait plus son illustre Fiat qui n’était d’ailleurs plus en condition de rouler, elle qui avait parcouru 370 000 kilomètres. Mais alors que le paparazzi se faisait oublier d’un peu tout le monde, le 4 mai 2000 il fut retrouvé calciné dans la carcasse de sa voiture à Liquisses, sur le plateau du Larzac. Les autorités ont conclu à un suicide par le feu. Mais l’histoire continue…

James Andanson et sa femme devant la fameuse Fiat Uno blanche

Christophe Pelat, le pompier qui a découvert le corps d’Andanson, a dit avoir aperçu deux trous de balle sur le crâne du cadavre. Voilà une déclaration qui déclenchera la jubilation, entre autres sur Internet, où ils seront des milliers à tirer une conclusion nette et définitive : le photographe a été assassiné. Nos enquêteurs à distance croiront donc le pompier de village sur parole, sans avoir aucun fait pour vérifier et confirmer cette assertion. Mais la police française avait fait ses devoirs : les trous dans le crâne, selon elle, se seraient formés au contact de la chaleur intense provoquée par le feu. Autre événement qui a suscité l’intérêt des conspirationnistes : dans la nuit du 16 juin 2000, soit plus d’un mois et demi après la mort d’Andanson, l’agence de presse pour laquelle travaillait le défunt paparazzi, Sipa-Press, a reçu la visite de trois hommes cagoulés qui ont emporté ordinateurs, disquettes et photographies diverses. Certains ont propagé quelques sombres rumeurs à ce sujet, mais selon l’émission 48 Hours, du réseau américain CBS, les cambrioleurs n’auraient touché à aucune photographie ou objet appartenant à Andanson. Ils étaient plutôt à la recherche de photos compromettantes impliquant une célébrité et un politicien français.

Les confidences d’un ancien du MI6

Richard Tomlinson parle beaucoup, ce qui lui a valu quelques accrochages avec ses anciens patrons. Ex-officier du Secret Intelligence Service britannique (MI6), Tomlinson, à l’instar de Mohammed al-Fayed, n’écarte pas la possibilité que les services de renseignements aient fomenté un complot à l’endroit de lady Diana. Tomlinson soutient que lorsqu’il était affecté au département du Eastern European Controllerate du MI6, on lui assigna la tâche d’enquêter sur un trafic d’armes de pointe provenant de l’ancienne Union soviétique. Tandis que des rencontres se tenaient à l’hôtel Ritz de Paris (qui appartient en partie à Mohammed al-Fayed) où des figures importantes du trafic d’armes s'étaient donné rendez-vous, des agents du MI6 avaient installé des microphones dans les chambres où se tenaient les réunions secrètes. Or, l’accès au Ritz ne pouvait être autorisé que par une personne haut placée du service de sécurité de l’hôtel, et cette personne n'était autre qu’Henri Paul, le chauffeur de la Mercedes le soir du 31 août 1997.

L’ex-officier du MI6 se sert d’une anecdote pour conforter son opinion sur l’accident. En 1992, il fut affecté au dossier Serbie, ce qui le mit en contact avec Nicholas Fishwick, à l’époque chargé de la planification des opérations dans les Balkans au sein du MI6. Fishwick lui avait montré un document contenant un plan d’assassinat envers l’ancien président de la Serbie, Slobodan Milosevic, assassinat qui, selon un des scénarios envisagés, devait être commis à l’aide d’un fusil à éclairs permettant de désorienter le chauffeur de Milosevic, provoquant ainsi un accident de voiture. On le devine, Tomlinson croit que ce petit gadget a été utilisé dans le tunnel de l’Alma. L’ex-officier du renseignement britannique est par ailleurs persuadé que l'un des photographes qui suivaient lady Diana dans ses nombreux déplacements était un membre de la section UKN, composée d’agents du MI6, qui se consacre notamment à l’expertise photographique. Il prend soin d’affirmer cependant qu’il ne connaît pas l’identité de ce photographe pas plus qu’il ne sait s’il était présent sur les lieux de l’accident. Autant dire que cette piste ne mène nulle part.

Doit-on croire Tomlinson? Non, si l’on se fie aux conclusions de l’enquête britannique de lord Stevens, dont le rapport a été publié en décembre 2006. Stevens a pu avoir accès à des documents du MI5 et du MI6 qui démontrent qu’il n’avait jamais été question d’assassiner Slobodan Milosevic. En outre, les documents auxquels Tomlinson fait référence ne font aucunement mention d’un scénario sur un accident provoqué par un fusil à éclairs. Stevens croit que Tomlinson semble avoir inventé de toutes pièces cette histoire autour de l'assassinat de Diana pour, peut-être, mousser les ventes de son livre The Big Breach: From Top Secret to Maximum Security.

Entre en scène le «mystique» Oswald LeWinter

Toute cette histoire est truffée de présupposées et garnie de phénomènes pour le moins étranges, voire ésotériques. Et cette série de bizarreries nous offre un autre épisode quasi romanesque où l’un des personnages les plus mystérieux que le monde a portés a refait surface avec un scénario fort déroutant. Il s’agit du très obscur Oswald LeWinter, qui prétend (faussement) être un ex-informateur de la CIA. Le récit débute le 22 avril 1998. Sur une terrasse à l’extérieur d’un luxueux hôtel de Vienne, un homme du nom de George Mearah rencontre John McNamara, directeur de la sécurité au magasin Harrod’s, qui appartient à Mohammed al-Fayed. Mearah déclare à son interlocuteur que ce sont les services secrets de la Grande-Bretagne qui ont assassiné lady Diana et son amant Dodi al-Fayed. Pour 15 millions de dollars, il est prêt à remettre à al-Fayed des documents appartenant au renseignement et qui prouvent ses dires. On découvrira plus tard que le George Mearah en question est un nom d’emprunt qu’utilisait Oswald LeWinter. Les deux hommes conviennent de se rencontrer de nouveau au cours de la soirée. Mais ce qu’ignore LeWinter, c’est que McNamara, certain d’être en présence d’un arnaqueur, avait au préalable alerté le FBI, la CIA et les autorités autrichiennes.

LeWinter a été arrêté à Vienne le soir du 22 avril sous des accusations d’usage de faux. Ce qui peut paraître surprenant, c’est que, hormis LeWinter, personne d’autre n’a été incarcéré relativement à cette affaire. Pourtant, un mois avant cette rencontre entre LeWinter et McNamara, Keith Fleer, un avocat de Hollywood et associé de LeWinter dans cette machination burlesque, lâcha un coup de fil à l’avocat d’al-Fayed. Fleer prétendait qu’il était en contact avec des informateurs possédant des documents prouvant l’assassinat de lady Diana, commandé par le Palais de Buckingham s’il vous plaît. Après diverses négociations entre Fleer, son associé George Williamson, McNamara et l’avocat d'al-Fayed, tous se sont mis d’accord pour que les informateurs rencontrent les hommes de Fayed à Vienne, en contrepartie d’un transfert électronique de 25 000 $. C’est à ce moment que McNamara alerta le FBI et la CIA. LeWinter raconta à McNamara que le directeur du MI6 avait demandé l’aide de la CIA pour assassiner la princesse Diana et son amant. La CIA aurait alors dirigé le MI6 vers une unité du Mossad israélien, l’Équipe K (K-Team), qui se serait chargée du meurtre.

Pas de surprise, la thèse décrite ci-dessus sera jugée peu crédible par les enquêteurs, sans doute parce que l’homme qui la soutient ne l’est pas davantage. Dès 1953, Oswald LeWinter entre dans les annales judiciaires américaines en se faisant prendre par le FBI au moment où il porte illégalement un uniforme du Corps des Marines, alors qu’il n’en était aucunement membre. Poète de la première heure, il remportera plusieurs prix littéraires et deviendra plus tard professeur de psychologie à l’Université du Maryland. Mais avant cet épisode, il sera arrêté à Londres pour s’être fait passer pour un diplomate américain. En 1984, il sera appréhendé par les autorités allemandes et extradé vers les États-Unis pour avoir fait parti d’un réseau de trafic de méthamphétamine. En prison, il fera la rencontre du Tchèque Karl Koecher, que le côtoiera une décennie plus tard dans la tentative d’extorsion à l’endroit de Mohammed al-Fayed. Un an avant cette combine, LeWinter surgit de nulle part en prétendant posséder de nouvelles preuves sur l’assassinat de John F. Kennedy; personne ne le prit au sérieux.

Pour ce qui est de l’arnaque à l’endroit d’al-Fayed, LeWinter a toujours plaidé l’innocence. Persuadé de posséder la vérité, il s’appuya même sur des sources, parmi lesquelles figurait, si l’on s’en tient à ses propos, un ancien sénateur italien, un ex-ministre allemand ainsi que d’ex-officiers des services de renseignements de la France et de la Grande-Bretagne. Mohammed al-Fayed, bien qu’ayant gardé un goût amer de cette histoire, croit que LeWinter disait peut-être la vérité. Pourtant, depuis la libération du présumé arnaqueur, personne n’a tenté de lui arracher une quelconque déclaration sur ce dossier.

Mohammed al-Fayed

On sait aujourd’hui que la National Security Agency (NSA) des États-Unis possède plus de 800 dossiers sur lady Diana, 1056 pages de documents obtenus à partir, surtout, de l’écoute électronique. D’aucuns ont alors cru (et croient encore) que les services de renseignements se sont acharnés sur lady Diana dans le seul but de l’assassiner. Mais la vérité se trouve ailleurs. Car en s’acoquinant avec Dodi al-Fayed, la princesse de Galles ne pouvait qu’attirer les regards des autorités britanniques et américaines, ne serait-ce que parce que le paternel a une feuille de route assez compromettante. Égyptien d’origine, Mohammed al-Fayed amorça sa carrière en vendant du coca-cola à Alexandrie. En 1954, il maria la sœur du trafiquant d’armes Adnan Khashoggi, qui fut impliqué notamment dans les activités frauduleuses de la Bank of Credit and Commerce International. Le mariage ne dura que quelques années, mais les relations obscures d’al-Fayed se poursuivront avec un autre trafiquant d’armes, Bozo Dabinovic. C’est par l’entremise de celui-ci que Fayed rencontrera le dictateur d’Haïti, François Duvalier. Ayant concocté une biographie qui le met en valeur, Fayed entrera vite dans les grâces de Duvalier. Il obtiendra entre autres le monopole de l’exploitation pétrolière sur l’île, jusque-là sous autorité publique.

C’est à ce moment que la CIA fait la connaissance d’al-Fayed. Elle découvrira qu’il était inconnu des milieux d’affaires du Koweït, au contraire de ce qu’il avait déclaré à Duvalier. En outre, un mémo de l’agence faisait référence à une compagnie pour laquelle Fayed oeuvrait en coulisse, al-Nasr Trading Company, fondée par Adnan Khashoggi et suspectée d’être à la solde des services secrets d’Égypte. Entretemps, Fayed obtint la citoyenneté haïtienne et reçut même un passeport diplomatique des mains de Duvalier, qu’il utilisa pour un voyage en Europe et au Moyen-Orient où il fut étroitement surveillé par la CIA. Mais les tribulations d’al-Fayed en Haïti connaîtront une fin désastreuse. Une chicane avec les transporteurs maritimes haïtiens et la piètre qualité du pétrole mettront Fayed dans l’embarras. Un conflit avec Duvalier pointant à l’horizon, il préféra quitter l’île.

Ce furent là les débuts d’une carrière qui placèrent Mohammed al-Fayed sur la liste des hommes aux comportements fort discutables. En somme, la vie de cet homme d’affaires est arrosée de mensonges et de manœuvres plus ou moins frauduleuses; il saura se faire des amis, mais aussi, et surtout, des ennemis. Son acquisition du prestigieux magasin londonien Harrod’s trempe dans la catégorie des appropriations par manigances que l'on pourrait qualifier de peu orthodoxes. Enfin, l’Égyptien d’origine a récemment été impliqué dans le scandale «cash for questions» en Grande-Bretagne, où il fut question de pots-de-vin versés à deux députés conservateurs de la Grande-Bretagne par un lobbyiste à la solde de l’homme d’affaires.

Une femme marquée au fer rouge

La théorie du complot à l’endroit de lady Diana et de Dodi al-Fayed fut relancée au moment où l’ancien majordome de la princesse a publié avec fracas un livre sur sa carrière au sein de la monarchie anglaise. Dans ce livre, Paul Burrell prétend qu’en 1996 Diana avait exprimé dans une lettre sa peur d’être victime d’un attentat déguisé en accident. Dans cette lettre, elle fit état d’une hypothèse qui a refait surface un an plus tard, celle d’être assassinée en vue de permettre au prince Charles de se marier avec Camilla Parker-Bowles. Les craintes de la princesse d’être victime d’un complot furent d’ailleurs attestées par son ex-confident, le designer Roberto Devorik. Celui-ci affirma que durant un voyage en avion Diana lui avait confié qu’elle craignait d'être la cible des hommes de main de la Cour royale. Et selon l’auteur Nicholas Davies, Diana se savait menacée depuis 1984. Mais c’était là des craintes qui n’étaient toutefois guère fondées si l’on se fie à la dernière enquête britannique. À ce sujet, Hasnat Khan, qui fréquentait Diana avant qu’elle ne rencontre al-Fayed, a déclaré que le prince Charles approuvait sa relation avec l’ex-princesse de Galles. Jamais, dit-il, il n’a ressenti quelque opposition provenant de la famille royale.

Diana était-elle enceinte? C’est ce que prétend Mohammed al-Fayed, qui ajoute qu’elle et Dodi étaient sur le point de se marier. Une rumeur circulait selon laquelle des échantillons prélevés sur le corps de Diana auraient démontré un taux élevé de HCG, une hormone dont la quantité augmente chez les femmes enceintes. La rumeur s’est cependant révélée totalement inexacte, si l’on se fie encore à l’enquête de lord Stevens. Quant à un possible mariage, Mohammed al-Fayed semble avoir pris ses rêves pour des réalités. Les proches de l’ex-princesse sont unanimes à affirmer qu’elle n’a jamais fait allusion à un tel mariage, encore moins à une supposée grossesse.

Henri Paul

Henri Paul aurait collaboré avec les services de renseignements britanniques. C’est du moins, comme on l’a vu, ce qu’affirme l’ex-officier du MI6, Richard Tomlinson, qui n’est pas le seul à évoquer des liens entre Paul et les services de renseignements. Selon le journaliste d’enquête Gerald Posner, Paul était en contact régulier avec la DST et la DGSE françaises. Il aurait même rencontré un officier de la DGSE quelques heures avant l’accident. Et ce qui tend à consolider cette hypothèse, c’est que Paul détenait treize comptes bancaires, dont trois à la Barclays Bank et quatre dans une caisse d’épargne. Même Claude Garrec, un de ses proches amis, est persuadé que l’ancien adjoint à la sécurité du Ritz travaillait pour les services de renseignements dans le cadre de son travail. Il reste que des fouilles effectuées au domicile de Paul et des analyses détaillées de ses derniers appels téléphoniques n’ont apporté aucun indice en ce sens. En outre, l’enquête de lord Stevens n’a pas réussi à établir des liens entre l’ex-employé du Ritz et des agences de renseignements, hormis quelques contacts épisodiques non rémunérés.

Curieusement, le MI6 et les services de renseignements français n’ont pas été pas les seules organisations à solliciter les services d’Henri Paul, selon le journaliste et auteur Gordon Thomas. Le Mossad israélien, selon lui, aurait aussi souhaité bénéficier d’un accès au Ritz, d’où son intérêt pour Paul. Un agent opérationnel du Mossad s’était rendu à Paris afin de recruter le défunt chauffeur, non sans en avoir au préalable établi un «psychoprofil». Mais la tentative de recrutement se révélera un échec. Et la raison des insuccès du Mossad dans ce dossier nous fait revenir aux conclusions des enquêtes françaises et britanniques. Car après avoir pris quelques jours à observer les comportements d’Henri Paul, l’agent du Mossad put remarquer une particularité chez le personnage. Dans un rapport qu’il adressa à ses patrons à Tel-Aviv, il précisa que celui qui fut aux commandes de la Mercedes du couple Fayed-Spencer pouvait absorber une forte quantité d’alcool avec une aisance remarquable.

Cette dernière remarque nous amène à poser une question qui fut au cœur de l’enquête sur le tragique accident : Henri Paul était-il réellement ivre le soir du 31 août 1997, comme les autorités françaises l’attestent? Les réponses divergent, comme s’il pouvait y avoir plusieurs interprétations du phénomène. A priori, l’autopsie a démontré que durant les dernières heures de sa vie, Paul avait un taux d’alcool trois fois supérieur à la limite légale. Mais de nombreuses connaissances de Paul, dont son ami Claude Garrec, ont affirmé qu’il n’avait jamais montré de signes d’alcoolisme. On sait par contre que des médecins lui avaient prescrit des médicaments qui, jumelés à l’alcool, ont pu lui causer des désordres physiques qui se sont avérés fatals. Les dernières prescriptions dataient de juin 1997. Les parents du défunt chauffeur croient malgré tout que les échantillons sanguins utilisés pour tester son taux d’alcoolémie n’étaient pas les siens, ce qu'ont nié les médecins légistes. Des tests d’ADN ont d'ailleurs donné raison à ces derniers en confirmant que les échantillons appartenaient bel et bien à Henri Paul.

On a beaucoup parlé du fait que l’ambulance qui transportait lady Diana s’était rendu à l’hôpital Pitié-Salpêtrière en un peu plus d’une heure trente. Certains avaient vu là l’un des éléments clés du complot. Or, la réalité est plus complexe. L’accident a eu lieu aux environs de 12h26, mais ce n’est que vers 1h00 que les sapeurs-pompiers ont réussi à retirer Diana de la carcasse de la voiture, au moment où elle subissait un premier arrêt cardiaque. Et ce n’est qu’à 1h42 que l’ambulance a pu quitter la scène de l’accident pour se diriger à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière, et non l’Hôtel-Dieu de Paris, plus près des lieux de l’accident, mais moins bien équipé pour traiter les traumatismes. En outre, le docteur Jean-Marc Martino avait enjoint au chauffeur de l’ambulance de conduire lentement parce qu’il craignait que les arrêts brusques et les accélérations fassent monter la pression sanguine de Diana.

James Anderson : l'homme qui en savait trop

James Andanson est né Jean-Paul Gonin en 1946. Il a adopté le nom «Andanson» de sa femme quand il s'est marié.

Vie publique, vie privée… Voilà qui siérait à merveille à James Andanson, photographe des stars. Dans la lumière aux côtés de la princesse Diana, Lionel Jospin ou Gilbert Bécaud. Dans l'ombre avec les services secrets ou les marchands d'armes…

Flash-back sur le jeudi 4 mai 2000, au fin fond du Larzac. Vers 22 heures, un automobiliste repère des flammes, à l'écart de la route. C'est une BMW, immatriculée dans le Cher, qui flambe. A bord, les restes calcinés d'un homme…

S'agit-il du propriétaire de la voiture, James Andanson, domicilié à Lignières dans le Cher ? Difficile à dire… Il ne reste pas grand-chose de cet homme plutôt corpulent. Et puis surtout, il ne s'agit pas de n'importe qui : James Andanson est un photographe très connu, ami des princes et des ministres, et surtout de Lady Diana, morte deux ans plus tôt au Pont de l'Alma…

Et dès que l'on examine un peu mieux la vie d'Andanson, les mystères s'enfilent comme de troublantes perles.

Première énigme. La voiture a été retrouvée au cœur du Larzac, mais… à quelques kilomètres de la maison de José Bové. Le porte-parole de la Confédération connaissait bien ce professionnel chevronné, mais aucun rendez-vous n'était programmé : en principe, Andanson aurait dû se trouver à Lille, pour suivre Martine Aubry !

Deuxième énigme. Andanson était assez proche de Diana et son fiancé Dodi. Et chose étonnante, il a possédé une Fiat Uno blanche… du même genre que celle que les enquêteurs ont traquée pendant des mois, pour demander des comptes au chauffeur… Les policiers ont blanchi Andanson dans cette affaire.

Troisième énigme. Andanson habite le Cher, à Lignières. Et il a pour voisin un certain Jacques M... Personnage pour le moins intrigant. Marchand d'armes, il travaille avec Téhéran et l'ancienne Yougoslavie, où il sera plus tard « retenu » pendant deux ans. Et il sera condamné à Bourges à de la prison avec sursis en 2008… Qui est passé dans la maison de cet ancien « barbouze » belge ? Andanson a-t-il pris des photos?

Quatrième énigme : quelques jours après la disparition d'Andanson, son agence de presse est braquée : quatre hommes cagoulés « perquisitionnent » dans les archives photos et s'intéressent tout particulièrement… aux photos sur l'ex-Yougoslavie !

Cinquième énigme : Andanson était un ami de Pierre Bérégovoy. Et il semble bien que ce soit lui qui lui ait fait découvrir ce petit coin tranquille de canal de la Nièvre, où l'ancien Premier ministre s'est donné la mort…

C'est ce que l'on appelle des liaisons dangereuses…

Reste donc à savoir si Andanson s'est vraiment donné la mort .

La thèse du suicide ? D'aucuns disent qu'il aurait souffert d'avoir été accusé de la mort indirecte de Diana. D'autres, qu'il aurait découvert que sa femme avait une liaison. Enfin, un pompiste aveyronnais l'a vu faire le plein et remplir un jerrican.

Mais personne, parmi ses proches, ne s'attendait à un suicide. Ni à son agence, ni parmi ses proches. Et si liaison il y avait, elle n'aurait été ni ignorée, ni mal vécue par Andanson. Enfin, si l'on veut vraiment en finir, il y a plus confortable que de s'immoler par le feu…

Et puis, vraiment, on a retrouvé très peu de chose, dans cette voiture. Il a fallu beaucoup de temps pour s'assurer de l'identité du défunt dont il ne restait que quelques cendres…

Pour la justice française, l'affaire est close : les empreintes dentaires et les tests ADN désignent bien le photographe. Et aucun élément dans la scène de crime ne laisse supposer qu'il puisse s'agir d'une exécution.

Mais la personnalité d'Andanson, et surtout sa proximité avec l'affaire Diana ont déclenché bien des rumeurs, notamment de l'autre côté de la Manche.

On a même envisagé que le mort ne soit pas Andanson, et que celui-ci avait voulu faire croire à un suicide pour échapper aux barbouzes, aux victimes de photos volées ou aux fans de la princesse défunte... En Angleterre, la thèse du grand complot autour de Diana s'est alimentée de toutes les bizarreries, proches ou lointaines, autour du dossier. Et pour alimenter rumeurs et phantasmes, quoi de mieux que ce personnage étrange, dans l'ombre des grands, et traquant avec son objectif, des faux-semblants de la vérité ?

Jacques Monsieur : trafiquant d'armes 

Il a été l’un des plus importants trafiquants d’armes européens des deux dernières décennies. Voici Jacques Monsieur, dit le «Maréchal», dont la carrière, qui a pris fin aux États-Unis le 28 août 2009, a été pour le moins prolifique, ayant a fait fortune dans le commerce de guerre. Ses clients, qui lui ont permis d’être ce qu’il est devenu, ne sont pas les derniers venus en la matière : l’Iran, le Congo de Lissouba et de Sassou-NGuesso, la Croatie, la Chine. Monsieur a trempé dans les affaires légitimes certes, mais, surtout, illégitimes, appuyées en sous-main par des États «qui regardaient de l’autre côté». De la France à l’Afrique, en passant par les pays de l’Est, Jacques Monsieur représente l’archétype du parfait trafiquant d’armes.

Le Tribunal pénal international de La Haye a demandé à la Belgique de lui transmettre trois dossiers judiciaires, datant de 1984-1985, sur le marchand d’armes belge Jacques Monsieur. La défense de Radovan Karadzic le considère comme un témoin potentiel. Les conseillers légaux de Radovan Karadzic veulent prouver que les membres de l’ONU violaient l’embargo sur les armes pendant la guerre de Bosnie et les résolutions de l’ONU.



Ses débuts

Son histoire n’est pas banale. Né en Belgique, ses premières armes il les a faits au sein du SGR, les services secrets militaires belges. De cette période, c’est le «blackout total». Certains ont laissé entendre qu’il aurait dès ce moment été approché par la CIA et qu’il aurait participé à l’affaire Iran-Contra, mais rien n’est moins sûr. Durant la même période toutefois (1985-1986), il a vendu au gouvernement chinois des lance-grenades de fabrication belge en compagnie d’un certain David Benelie. Arrêtons-nous un instant sur cet homme, d’une grande importance pour la suite de l’histoire. Né David Azoulay, Benelie détient la double nationalité israélienne et sud-africaine. Ex-officier de l’armée israélienne, il a également travaillé pour la compagnie aérienne El Al à titre de chef de sécurité en Afrique. En 1986, les douanes belges avaient intercepté une valise à l’origine des premiers soupçons entretenus à l’endroit de Jacques Monsieur. C’est que la valise en question contenait des documents concernant l’achat et la vente d’armements, des papiers de la société de Jacques Monsieur ainsi qu’un faux certificat de destination finale. L’enquête mena jusqu’au trafiquant belge et révéla l’appartenance de Benelie au Mossad israélien. Les deux hommes n’ont toutefois jamais été inculpés en rapport avec cette affaire, mais Monsieur resta dans la mire des services belges.

Ses affaires avec l’Iran

Jacques Monsieur aurait prêté son concours aux Américains durant l’affaire Iran-Contra, selon certains. Vrai ou faux, il reste que le trafiquant belge a fait des affaires d’or avec la république iranienne. En fait, en Iran, Monsieur est carrément devenu un agent d’import-export au service de l’armée iranienne. En 1992, année où il déménage en France, Monsieur transmet à l’armée de l’air de l’État iranien rien de moins que des plans d’un avion de chasse construit par une entreprise française, et proposera plus tard des hélicoptères Bell-Agusta, des systèmes de radar et même des missiles. En 1996, les autorités françaises enquêtent sur la vente à l’Iran de missiles Stingers FIM-92A, avec Monsieur en première ligne. Notre homme réside alors en France et se fait passer pour un dresseur de chevaux. Il fait appel aux services de l’un de ses nombreux contacts, Patrice Bourges, à qui il demandera de trouver un vendeur de boîtes de vitesses et de tourelles destinées à équiper les chars de l'armée iranienne. Marché qui lui rapportera des millions de francs, qu’il déposera, comme il se doit, dans des comptes «offshores».

Toujours en 1996, Monsieur propose au gouvernement iranien de fournir des armes et des munitions au Burundi de Pierre Buyoya en violation de l’embargo décrété par l’ONU. Selon des documents obtenus de la police belge, la vente concernait des mortiers, des fusils d’assaut, des munitions et de l’artillerie légère. Durant la même période, notre homme s’adressera à la République islamique cette fois-là pour qu'elle livre 5 000 obus de 105 millimètres à l'Argentine. En 2000, retournement de situation : le gouvernement iranien laisse tomber le trafiquant belge et l'arrête pour espionnage. Peut-être s’est-il trop vanté d’avoir collaboré avec les services de renseignements occidentaux, dont la CIA et la DST française. Toujours est-il qu’il écope de dix ans de prison ferme, mais il s’en tirera avec une amende équivalente à 400 000 dollars. Les enquêteurs français croiront un instant à une mise en scène de Monsieur et de ses amis iraniens dans la mesure où notre homme devait témoigner en France fin 2000 relativement à ses activités clandestines. Un an plus tôt, il avait agi comme intermédiaire dans un marché impliquant la république islamique et le Congo, la première ayant fourni au second du cobalt, de l’uranium, du cuivre et d’autres matériaux divers.

Ses affaires en Croatie

Jacques Monsieur prétend avoir collaboré avec la DST, laquelle non seulement était au courant de ses activités, mais aurait même consenti à ce qu’il organise l'une des principales filières de ravitaillement en armes lourdes des forces bosniaques et croates en violation de l’embargo contre les belligérants de l’ex-Yougoslavie. Pour cette «cause», une agence emblématique, la CIA, était aux premières loges des «appuis politiques» de Monsieur. De celle-ci, il obtint d'ouvrir la couverture radar servant au blocus réalisé par la marine américaine en mer Adriatique. En Croatie donc, Monsieur fournira pour des dizaines de millions de dollars en armement provenant en grande partie de la Chine et de l’Iran. Lors d’une perquisition à son domaine près de Bourges, la gendarmerie française mettra la main sur une lettre compromettante que le trafiquant avait fait parvenir aux Iraniens et qui va comme suit : «Nous voudrions acheter auprès de vous des munitions étrangères de 203 mm. J’en cherche 3 000 pièces. Paiement par lettre de crédit d’une banque ouest-européenne. La destination finale est la République fédérale de Bosnie-Herzégovine, musulmane-croate. Nous assurons le transport. Dans l’attente de votre réponse».

Le réseau qu’opère Jacques Monsieur dans l’ex-Yougoslavie est vaste et il comprend, entre autres, un dur à cuire, ex-légionnaire et tueur à gages qui y sera son principal associé : James Marty Cappiau. Certaines sources affirment que les deux hommes contrôlaient la société Joy Slovakia, par l’entremise de laquelle Cappiau conclura un marché avec les rebelles tchétchènes. Mais d’autres sources assurent que c’est plutôt un certain Peter Jusko, un autre trafiquant d’armes dont Liste Noire n’a trouvé, étrangement, aucun lien direct avec le réseau Monsieur, qui dirigeait cette entreprise. Il reste que les Tchétchènes déposeront un million de dollars dans un compte en Suisse sous propriété, semble-t-il, de Joy Slovakia, ce qui reste à confirmer. Chose certaine, c’est à travers les frères Bernard et Nicolas Courcelle, deux hommes aux curriculums assez impressionnants, que Cappiau entrera en contact avec les Tchétchènes. Dans les années 80, Bernard Courcelle travaillait pour la société Luchaire, celle-là même qui avait organisé, via de faux certificats de destination finale, des livraisons d'armes à l'Iran, et qui avait versé des commissions occultes à des partis politiques français. En 1989, il obtient un emploi aux musées nationaux où il s’occupe de la sécurité. Entre autres tâches, il doit assurer la protection de la conservatrice du musée d’Orsay, Anne Pingeot, ex-maîtresse de François Mitterrand. Ironiquement, Courcelle héritera, en 1994, du poste de directeur du Département Protection Sécurité, la milice du Front National de Jean-Marie Le Pen. Avec son frère Nicolas, il entretient d’excellentes relations avec le rebelle tchétchène Djokhar Doudaïev. Les deux comparses utiliseront même les lignes téléphoniques du Front national pour recruter des mercenaires prêts à aller combattre en Tchétchénie.

Les Tchétchènes aiment bien Bernard Courcelle; c’est pourquoi ils lui achèteront pour un million de dollars d’armes. Le million sera déposé dans un compte bancaire en Suisse appartenant, semble-t-il, à Joy Slovakia. Seul problème : pour des raisons obscures, aucune arme des Courcelles ne sera finalement acheminée en Tchétchénie. Mais revenons en Croatie, cette fois en 2001. Cette année-là, le procureur de Zagreb, Verna Abramovic, se passionne pour trois individus, Mario Abulina, Sanko Luik et Marco Ivanovic, qui trempent apparemment dans le joyeux trafic d’armes. Des écoutes téléphoniques ont permis aux autorités croates de découvrir que les trois hommes étaient en étroite relation avec International Consulting Services, de Zagreb, une société-écran fondée par nul autre que James Marty Cappiau. Notre homme a donc décidé de poursuivre ses fréquentations avec le milieu croate et d’habiter là où il avait fait fortune durant le conflit de 1991 à 1995. Ce sera malheureusement pour lui son dernier refuge.

Cela nous amène d’abord à évoquer un autre personnage nébuleux : Ante Roso, protecteur de facto de Cappiau. C’est lui qui avait amené ce dernier à Zagreb en 1991; et c’est aussi lui qui l’avait recommandé à Miroslav Tudjman, le chef des services secrets de la Croatie. Mais c’est aussi lui qui l’a sorti des griffes de la justice après qu’il eut assassiné Ratko Zrna, un politicien, à Cepin, en 1996. Peut-être notre général a-t-il récidivé deux ans plus tard alors que deux autres hommes étaient assassinés, toujours à Cepin, décidément un lieu de malédiction pour certains. L’enquête sur ces meurtres piétinait quand deux témoins ont été interrogés par la police. On ne sait pas grand-chose de ces témoignages, mais on sait au moins une chose : nos deux témoins ont été supprimés quelque temps plus tard. Or, des sources de Zagreb croient que Cappiau était derrière ces quatre assassinats. Ante Roso était également impliqué, en compagnie de Cappiau, dans le trafic d’armes. Il s’était en parallèle compromis dans le trafic de drogue avec d’éminents personnages politiques de la Croatie. L’enquête, pour cette raison, a vite été bâclée. Des personnages aux mains sales donc, mais que l’on ne touchera jamais, protégé en haut lieu. Protégé, notre ami Cappiau ne le sera toutefois pas en cette journée du 22 mars 2001 alors qu’il sera tué après qu’il aura lui-même assassiné Vjekslav Slisko, un chef de la mafia locale. Deux assassinats qui évoquent les conflits entre diverses factions dans une Croatie qui se relève difficilement des années de guerre.

Enfin, avant de fermer la parenthèse croate, l’on se doit d’évoquer un autre personnage rocambolesque : Marin Tomulic. C’est par lui que la république croate avait acheté les armes fournies par le réseau Monsieur. Tomulic avait reçu la visite de gens de la DST accompagnés de deux autres intermédiaires dans le trafic d’armes : Pierre Ferrario et Jean-Claude Uthurry-Borde, qui travaillaient pour MATIMCO, la société de nul autre que Jacques Monsieur. Les armes, que Monsieur avait acquises de la Russie via André Izdebtsky, étaient acheminées par bateaux, et de nombreuses destinations avaient été sollicitées afin, évidemment, d’éloigner la curiosité des agences portuaires. Rotterdam, Lomé, Haïfa, on multipliait les escales jusque dans l’Adriatique où, selon Tomulic, «les armes passent sans encombre entre les mailles du filet au moment où la marine française assure sa rotation devant les ports slovènes et croates». Un marché qui représentait entre 1991 et 1994 plus de deux milliards de dollars l’an. En avril 2000, Tomulic est arrêté et accusé de corruption. Il sera libéré le 27 juillet de la même année, mais ses problèmes ne seront pas réglés pour autant. En 2002, il aide le gouvernement croate à traquer les criminels impliqués dans des malversations, dont le trafic d’armes, au cours des années de guerre. Tomulic balance quelques noms, et c’est à partir de ce moment qu’il sera victime de règlements de compte, d’abord en 2002, puis en 2004. Selon lui, la DST serait mêlée à ces tentatives de meurtres, ce qu’ont démenti les porte-paroles de l’agence française.

Ses affaires avec ELF

Jacques Monsieur a des contacts bien placés qui lui auront permis de brasser des affaires sur le continent africain, en Angola entre autres, mais également au Congo de Lissouba. En première ligne de ces marchés : l’entreprise TotalFinaElf, autrefois Elf Aquitaine. Quand on scrute l’historique de cette société française, on se rend vite compte qu’elle est née sous une étoile nébuleuse. En effet, dès sa fondation on lui impose des agents secrets qui joueront les durs afin de faire croître l’entreprise en Afrique. C’est en grande partie pourquoi un dictateur comme Omar Bongo, du Gabon, était dans les bonnes grâces d’Elf et du gouvernement français. À l’occasion, l’entreprise jouera des deux côtés de la clôture. Par exemple, en Angola elle appuiera Jonas Savimbi en même temps qu’elle tentera de s’introduire dans la cour du gouvernement Dos Santos. L’homme de main d’Elf en Afrique sera Jack Sigolet. Celui-ci se joindra en 1962 au département des finances de la Régie Autonome des Pétroles – qui deviendra plus tard Elf Aquitaine – après avoir servi en Algérie. Après quelques années passées à Téhéran, Sigolet revient dans le décor afin de diriger les finances de l’entreprise, et en 1978 il est nommé, toujours au sein d'ELF, à la tête des finances pour l’Afrique. Il y restera plus de vingt ans. Sur le grand continent, Sigolet devient influent, à telle enseigne qu’il sera impliqué dans la diplomatie, conseillera des dirigeants africains et, surtout, se compromettra dans le trafic d’armes. C’est ce dernier point qui nous intéresse.

Fin septembre 1997, Pascal Lissouba n’en a plus pour longtemps à la présidence de la république du Congo. Mais cela ne l'empêchera pas, dès juin, de commander pas moins de douze livraisons d’armes, qui comprenaient six hélicoptères de combat Puma de fabrication russe, des roquettes, des missiles, des bombes et deux avions Antonov, pour une valeur de 61 435 426 dollars exactement. C’est le colonel Yves-Marcel Ibala qui devait se charger des factures, lesquelles devaient être acquittées via un compte bancaire appelé MinFin-Congo, établi à la FIBA, une banque détenue en partenariat par Omar Bongo, Elf et des investisseurs privés du Gabon. Or, lesdites factures ne seront jamais acquittées, ou presque. Le successeur hyperactif de Lissouba, Denis Sassou-Nguesso, n’en aura cure du marché de son prédécesseur, malgré les protestations du trafiquant à l’origine dudit marché : Jacques Monsieur. Finalement, avec Jack Sigolet, alors conseiller financier du nouveau président congolais, et Pierre-Yves Gilleron, ex-conseiller de Lissouba et membre de la DST, des négociations seront entreprises et déboucheront sur un accord désavantageux pour Monsieur, qui recevra un maigre pactole par rapport à ce qui lui est dû : cinq millions de dollars. En réalité, il en obtiendra finalement quatre. De retour en Europe, Jack Sigolet recevra des menaces pendant plusieurs années, à tel point qu’il devra se cacher. Victime d’attentats, dans le milieu on accuse Monsieur d’en vouloir à son ancien associé en Afrique.

Ses démêlés avec la justice

Jacques Monsieur sera traqué dès le milieu des années 90 par les justices française et belge. On découvrira ses activités en Croatie, mais également en Iran. On constate aussi qu’il a vendu en 1996 des munitions au régime du général Eyadéma du Togo ainsi qu’à l’Équateur. Inculpé de trafic d’armes en France en 1999, il disparaît en novembre 2000 au moment où il doit comparaître. Il s’envolera de nouveau pour l’Iran où il sera arrêté en 2000 pour espionnage. Libéré début 2002, il profite de la clémence des Iraniens qui, après tout, avaient profité largement de son réseau planétaire. Pas de chance, en 2002 Monsieur est arrêté cette fois-là à Istanbul; la Belgique réclame son extradition, ce qu’elle obtient. De la Belgique, notre homme est extradé vers la France en vertu d’un mandat d’arrêt européen. Mais Monsieur ne reste pas longtemps au même endroit, à une époque où il est pourchassé sans cesse par les autorités européennes. On le retrouve donc en 2009 aux États-Unis, où, une fois n’est pas coutume, il est arrêté en Alabama à la descente d’un avion. Notre trafiquant ne se trouvait pas aux États-Unis par pur hasard : il cherchait à y organiser la vente de moteurs d’avions fabriqués aux États-Unis à destination de l’Iran, un pays sous embargo fédéral. Pour l’occasion, il s’était procuré un faux certificat d’usage final pour la Colombie. Monsieur est passible de 20 à 60 ans de prison, s’il est déclaré coupable. Son associé dans ce marché, Dara Fotouhi, n’a pas encore été arrêté.


Egger Ph.