Comment ne pas établir un parallèle historique avec le coup de force des généraux algériens qui poussèrent sans ménagement le président Chadli à la démission, refusant la politique de cohabitation avec le FIS prônée par ce dernier?
C’est dans une explosion de joie que les milliers d’Egyptiens anti-Morsi ont célébré, hier soir, place Tahrir, le véritable coup d’Etat militaire qui a, sans autre forme de procès, écarté du sommet de l’Etat le président de l’Egypte de l’après-autocratie, élu démocratiquement.
Si personne ne peut nier que le bilan de Mohamed Morsi, champion des Frères Musulmans, confronté à l’épreuve du pouvoir, du marasme économique, et de la diversité sociale de ses concitoyens, n’a pas produit le miracle escompté, ni sur le plan économique ni sur le plan de la concorde nationale, et fait même craindre la « frérisation » de l’administration du pays, il faut aussi reconnaître, dans le même souci d’objectivité, que son éjection manu militari et devant les caméras du monde entier bafoue toutes les règles démocratiques en vigueur, après une seule petite année de gouvernance.
L’entrée en scène de l’armée qui, de manière très radicale, assure avoir agi dans l’intérêt de la paix civile afin de démêler une situation devenue inextricable, tout en promettant d’œuvrer rapidement dans le sens d’un retour au processus démocratique, n’est pas sans rappeler les heures funestes du coup d’état de 1992 en Algérie, même si comparaison n’est pas raison.
Toutefois, comment ne pas établir un parallèle historique avec le coup de force des généraux algériens qui poussèrent sans ménagement le président Chadli à la démission, refusant la politique de cohabitation avec le FIS prônée par ce dernier? Ils firent alors parler les armes et imposèrent le règne de la junte militaire, envoyant leurs chars dans les rue d’Alger pour mieux piétiner la démocratie et les urnes qui avaient parlé.
Sur un échiquier mondial qui n’en espérait pas tant en si peu de temps, l’empressement de l’Arabie saoudite à féliciter chaudement le président par intérim de l’Egypte en dit long sur les rapports de force en jeu, tout comme le silence du Qatar, seul pays du Golfe à avoir soutenu sans retenue les Frères Musulmans égyptiens et l’économie du pays, est révélateur du sentiment cuisant d’échec qui doit habiter ses hauts dignitaires.
Alors que l’heure est à la liesse populaire, amplifiée par des médias occidentaux qui sont tous au diapason, se réjouissant sans la moindre réserve, ni nuance, de la destitution de « l’islam politique », nul doute que la mise au ban du président Morsi, sorti grand vainqueur des urnes, risque fort de radicaliser ses plus fervents partisans, et d’envoyer un très mauvais signal aux peuples arabes qui ont cru aux vertus démocratiques et qui réalisent aujourd’hui le miroir aux alouettes qu’elles recouvraient en Egypte.