Le Conseil des Etats a accepté aujourd'hui par 26 voix contre 2 le projet du Parlement d'instaurer une obligation de déclarer les activités de sécurité hors de Suisse. Le projet de loi doit encore passer devant le National.
La société américaine Blackwater a été interdite d'exercer en Afghanistan, accusée par le président Hamid Karzaï de représenter «un système de sécurité parallèle au gouvernement afghan». Elle a également dû quitter l'Irak après avoir été impliquée dans plusieurs scandales, en particulier la mort de 14 à 17 civils à Bagdad en septembre 2007.
«Alors que plusieurs centaines de milliers de personnes sont actives à l’échelle mondiale dans ce secteur, qui pourrait bientôt peser 100 milliards de dollars, la Suisse entend faire oeuvre de pionnier», a affirmé Hans Hess (PLR/OW) au nom de la commission. Le projet a été plutôt bien accueilli par les sénateurs. Seuls les représentants de Schaffhouse, canton siège de la holding Tyco International, Thomas Minder (sans parti) et Hannes Germann (UDC), sont montés au créneau. Le premier a dénoncé dans le projet de loi un monstre bureaucratique qui coûtera un million de francs de plus à la Confédération. Il est disproportionné d’engager sept personnes supplémentaires pour surveiller 20 entreprises sises dans huit cantons dont Genève et le Valais, a ajouté M. Germann.
Avant de se raviser, l’UDC schaffhousois a tenté de corriger plusieurs points de la loi. Il souhaitait notamment exclure du champ d’application de la loi les activités exercées en réponse au déclenchement d’une alarme électronique dans un centre de surveillance par suite d’un cambriolage ou d’un comportement suspect. Cette précision n’est pas nécessaire pour protéger les intérêts de Tyco, a répliqué Peter Bieri (PDC/ZG).
La nouvelle réglementation s’appliquera aux entreprises qui fournissent des prestations de sécurité à l’étranger. Toute participation directe à des hostilités dans le cadre d’un conflit armé est proscrite. Cette interdiction du mercenariat concerne le recrutement, la formation et la mise à disposition de personnel en Suisse et à l’étranger.
Les entreprises de sécurité ne pourront pas exercer d’activités susceptibles de favoriser des violations graves des droits de l’homme ou portant atteinte aux intérêts helvétiques. Pas question par exemple d’exploiter une prison dans un pays connu pour pratiquer la torture.
Au rayon des activités problématiques figurent les activités d’espionnage ou les actions de sauvetage lors de prises d’otages. La protection de convois humanitaires ou la sécurité lors de manifestations sportives sont en revanche admises.
Déclaration obligatoire
Le contrôle de l’Etat se fera par une obligation de déclarer: les intéressés devront soumettre au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) les activités qu’ils entendent mener à l’étranger. Si des indices concernant un soutien opérationnel ou logistique à des forces armées ou à des organes de sécurité apparaissent, les services de Didier Burkhalter mettront le holà.
Des instruments sont prévus pour garantir l’efficacité de la loi. Les autorités pourront inspecter les locaux sans préavis, consulter des documents ou confisquer du matériel. Les infractions à la loi seront passibles d’une peine d’emprisonnement de trois ans au plus ou d’une amende.
Confédération aussi
La nouvelle loi s’appliquera également aux entreprises de sécurité mandatées par les autorités fédérales pour des missions à l’étranger. Ces missions devront se limiter à la protection de personnes et à la garde et surveillance de biens et d’immeubles.
La Confédération devra s’assurer que la firme mandatée remplit un certain nombre de conditions (bonne réputation, conduite irréprochable des affaires et système de contrôle interne). Pour être engagée, cette dernière devra avoir adhéré au code de conduite des entreprises de sécurité privée.
Le personnel ne pourra recourir à la contrainte et à des mesures policières que si ces tâches l’exigent et que le droit en vigueur sur place l’y autorise. Le recours à des armes ne sera autorisé que pour des tâches de protection et en cas de légitime défense.
Le gouvernement a été pressé de légiférer par le Parlement, qui s’inquiétait du cas d’Aegis Defense, une armée britannique privée. Basée à Londres, elle s’est dotée d’une holding avec siège à Bâle en 2010. Actuellement, les cantons sont compétents en matière de réglementation.