Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 14 juin 2013

270 djihadistes français se battent en Syrie...


La présence de centaines de combattants européens dans les rangs des insurgés provoque de grandes inquiétudes à Paris.

Dans l'équation déjà passablement compliquée de la crise syrienne, un acteur essentiel et très préoccupant est venu encore complexifier la donne : les services spécialisés estiment à environ 270 le nombre de Français qui se battent aux côtés des insurgés. Au total, entre 1 500 et 2 000 Européens ont rejoint les rangs de l'opposition armée au régime de Bachar el-Assad. Problème aggravant : ce sont surtout les groupes islamistes radicaux qui recrutent et, par conséquent, bénéficient de ce renfort. Si l'on ajoute les milliers de volontaires des pays arabes - dont 600 à 700 Tunisiens -, la guerre de Syrie "commence sérieusement à ressembler à la guerre d'Espagne", selon la formule d'un observateur proche du dossier.

Cette situation inquiète les autorités françaises, qui redoutent d'avoir à gérer un jour le retour dans l'Hexagone de ces combattants aguerris, vivier idéal pour de futurs réseaux terroristes. À chaque réunion des conseils interministériels consacrés à la Syrie, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, ne manque jamais de rappeler cette réalité. Raison de plus pour avancer avec une prudence de serpent sur le terrain miné d'éventuelles livraisons d'armes à l'opposition syrienne. Compte tenu de l'émiettement de celle-ci, de l'influence croissante des islamistes aidés par l'Arabie saoudite et le Qatar, la question de la traçabilité de ces armes s'apparente à la quadrature du cercle. Personne n'est en mesure de garantir que l'armement réclamé par l'opposition armée - engins antichars, armes antiaériennes, ne tomberaient pas, in fine, dans de mauvaises mains.

La grande prudence américaine

Les États-Unis étaient, jusqu'à présent, sur la même ligne. Ils ont interdit à leurs alliés saoudien et qatarien de faire parvenir à la rébellion des armes sophistiquées. Celles-ci étant soit d'origine américaine soit dotées de composants américains, un feu vert de Washington est nécessaire pour les exporter. Depuis le début de la crise syrienne, Barack Obama a le pied sur le frein. Il n'envisage pas de s'engager dans le maelström syrien, mais cherche à sanctuariser la fragile Jordanie qui pourrait être déstabilisée par l'afflux de réfugiés et l'onde de choc des combats chez son voisin.

L'utilisation d'armes chimiques par le régime de Bachar el-Assad peut-elle infléchir cette position ? Peu probable dans l'immédiat. L'annonce, jeudi 13 juin, par la Maison-Blanche qu'une "ligne rouge a été franchie" doit plutôt être analysée comme un avertissement adressé à Damas, mais aussi comme un signal vers l'opposition syrienne afin que celle-ci accepte de participer à la conférence internationale qu'Américains et Russes tentent de mettre sur pied. Si celle-ci se tient, elle pourrait durer des mois. On occuperait ainsi le champ diplomatique alors que, très certainement, une sorte de statu quo militaire finirait par s'installer sur le terrain.

Pierre Beylau