"Le seigneur des drones"
Voilà à quoi ressemble l’ennemi : quinze membres présumés d’Al-Qaida au Yémen entretenant des liens avec l’Occident. Leurs photographies et la biographie succincte qui les accompagnait les faisaient ressembler à des étudiants dans un trombinoscope universitaire. Plusieurs d’entre eux étaient américains. Deux étaient des adolescents, dont une jeune fille qui ne faisait même pas ses 17 ans.Supervisant la réunion dédiée à la lutte contre le terrorisme, qui réunit tous les mardis une vingtaine de hauts responsables à la Maison-Blanche, Barack Obama a pris un moment pour étudier leurs visages. C’était le 19 janvier 2010, au terme d’une première année de mandat émaillée de complots terroristes dont le point culminant a été la tentative d’attentat évitée de justesse dans le ciel de Detroit le soir de Noël 2009. “Quel âge ont-ils ? s’est enquis Obama ce jour-là. Si Al-Qaida se met à utiliser des enfants, c’est que l’on entre dans une toute nouvelle phase.”
La question n’avait rien de théorique : le président a volontairement pris la tête d’un processus de “désignation” hautement confidentiel visant à identifier les terroristes à éliminer ou à capturer.
Obama a beau avoir fait campagne en 2008 contre la guerre en Irak et contre l’usage de la torture, il a insisté pour que soit soumise à son aval la liquidation de chacun des individus figurant sur une kill list [liste de cibles à abattre] qui ne cesse de s’allonger, étudiant méticuleusement les biographies des terroristes présumés apparaissant sur ce qu’un haut fonctionnaire surnomme macabrement les “cartes de base-ball”. A chaque fois que l’occasion d’utiliser un drone pour supprimer un terroriste se présente, mais que ce dernier est en famille, le président se réserve le droit de prendre la décision finale.
Liquider sans ciller
Rien, dans le premier mandat du président n’a autant déconcerté ses partisans de gauche ni autant consterné ses contempteurs conservateurs que cette implication directe dans la lutte contre le terrorisme.
Une série d’interviews accordées au New York Times par une trentaine de ses conseillers permettent de retracer l’évolution d’Obama depuis qu’il a été appelé à superviser personnellement cette “drôle de guerre” contre Al-Qaida et à endosser un rôle sans précédent dans l’histoire de la présidence américaine. Ils évoquent un chef paradoxal qui approuve des opérations de liquidation sans ciller, tout en étant inflexible sur la nécessité de circonscrire la lutte antiterroriste et d’améliorer les relations des Etats-Unis avec le monde arabe.
John Brennan, le conseiller pour le contre-terrorisme d’Obama, assiste le président dans ses moindres décisions. Certains de ses confrères le comparent à un limier traquant les terroristes depuis son bureau aux allures de cave installé dans les sous-sols de la Maison-Blanche ; d’autres à un curé dont la bénédiction serait devenue indispensable à Obama, en écho à la volonté du président d’appliquer la théorie des philosophes chrétiens de la “guerre juste” à un conflit moderne.
Mais les frappes qui ont décimé les rangs d’Al-Qaida – depuis le mois d’avril, au moins 14 de ses membres sont morts au Yémen et 6 au Pakistan – ont également mis à l’épreuve l’attachement des deux hommes à des principes dont ils ont martelé l’importance pour vaincre l’ennemi sur le long terme. Aujourd’hui, ce sont les drones qui suscitent des vocations terroristes, et non plus Guantánamo. Lorsqu’il a plaidé coupable en 2010, Faisal Shahzad – l’homme qui a tenté de faire exploser une voiture piégée à Times Square – a justifié le fait de s’en prendre à des civils en déclarant au juge : “Quand les drones frappent, ils ne voient pas les enfants.”
Un curieux rituel
C’est le plus curieux des rituels bureaucratiques : chaque mardi ou presque, une bonne centaine de membres du tentaculaire appareil sécuritaire des Etats-Unis se réunissent lors d’une visioconférence sécurisée pour éplucher les biographies des terroristes présumés et suggérer au président la prochaine cible à abattre. Ce processus de “désignation” confidentiel est une création du gouvernement Obama, un macabre “club de discussion” qui étudie soigneusement des diapositives PowerPoint sur lesquelles figurent les noms, les pseudonymes et le parcours de membres présumés de la branche yéménite d’Al-Qaida ou de ses alliés de la milice somalienne Al-Chabab.
Le prix Nobel de la paix ou le portrait d'un redoutable tueur en série ?
Il n'a qu'une obsession : liquider. En presque quatre ans, il a déjà des dizaines de morts sur la conscience, sans doute plus. C'est un tueur redoutablement intelligent et organisé : avant de choisir une cible, il l'étudie soigneusement, et même dit-on avec un soin maniaque.
Ce psychopathe suit toujours le même rituel macabre : sur son bureau, il étale un jeu de cartes, on les appelle "les cartes de baseball". Sur chacune de ces cartes qui sont en fait des fiches, une biographie plus ou moins détaillée, une photo. Le bureau sur lequel sont posées ces fiches mortelles n'est pas n'importe quel bureau, il est sans doute ovale, le tueur s'appelle Barack Obama.
Ce portrait inattendu du président américain est dressé dans un livre qui vient de sortir aux Etats-Unis où il est en train de créer une onde de choc, écrit Stéphane Trano sur marianne2.fr. Un livre titré "Tuer ou capturer", signé de Daniel Klaidman, journaliste d'investigation réputé qui est aussi l'un des meilleurs spécialistes américains du terrorisme.
"Tuer ou capturer"
Obama ou Le Poutine de l'Amérique
Un livre où on trouve une foule de révélations sur les détails de la lutte anti-terroriste...
Il révèle comment le président en personne choisit une par une les cibles des attaques des drones américains en Afghanistan. C'est détaillé aussi dans un article du New York Times, repris dans Courrier International, on découvre le processus mis en place par Barack Obama : chaque semaine ou presque, une visioconférence top-secrète réunit une centaine de responsables des services de sécurité. Le New York Times parle d'un macabre "club de discussion" qui étudie une par une les cibles potentielles.
A la fin du processus, avec son jeu de "cartes de baseball", c'est Barack Obama qui a le dernier mot et qui désigne ceux qui entrent sur la "kill-list", la liste des cibles, ceux qui doivent mourir. A ce moment-là, des drones décollent à l'autre bout du monde, en Afghanistan, au Yemen ou en Somalie. Le dernier vol mortel d'un drone, au début de la semaine, a fait une quinzaine de morts, dont le numéro deux d'Al-Qaïda.
La revue Foreign Policy, citée dans Courrier International, consacre aussi son dernier numéro aux guerres secrètes d'Obama. Il souligne que le Barack Obama d'il y a quatre ans qui s'opposait à la torture et promettait d'en finir avec les méthodes sauvages, le Barack Obama Prix Nobel de la Paix, est maintenant le président amércain qui a approuvé le plus de frappes ciblées de toute l'histoire des Etats-Unis.
Et marianne2.fr ajoute en évoquant la face cachée de Barack Obama que jamais un président américain n'est allé aussi loin dans la pratique occulte du pouvoir dans la plus parfaite indifférence de l'opinion de son pays et des autres pays occidentaux.
"Barack Obama, le seigneur des drones" : c'est le surnom trouvé par un chroniqueur conservateur qui donne par ailleurs dans le Washington Post une lecture politique de toutes ces révélations qui se succèdent dans la presse américaine : il dénonce une opération de communication orchestrée par la Maison Blanche pour redonner une image de dur à un président affaibli sur le plan intérieur.
« Barack Obama est-il un idéaliste ou un pragmatique impitoyable? »
C'était un changement peu probable pour l'un des avocats des droits de l'homme les plus respectés de sa génération. A l'Université de Yale, il avait mémorisé les noms et les visages de ses élèves, aux yeux brillants, idéalistes, qui voulaient utiliser la loi pour améliorer le monde. Maintenant, il étudie les listes soumises par le gouvernement, mémorise des profils de jeunes militants sans regard, et aider à déterminer ceux qui peuvent être mis à mort.
Ces lignes sont extraites du livre choc que publie ce mardi 5 juin aux Etats-Unis le journaliste d'investigation Daniel Klaidman, sous le titre à la fois long et un peu énigmatique Tuer ou Capturer: La Guerre contre la Terreur et l'âme de la Présidence Obama. 300 pages d'un récit qui se lit comme un véritable thriller, pour une pluie de révélations livrées par deux cent témoins privilégiés de l'exercice du pouvoir par le 44ème président des Etats-Unis. Daniel Klaidman, correspondant spécial de Newsweek au Moyen-Orient, est un journaliste d'investigation réputé, couronné par la profession pour sa couverture du 11 septembre 2001 et de ses suites. Surtout, c'est l'un des meilleurs spécialistes américains du terrorisme et des questions de sécurité nationale. Et c'est bien pourquoi ce livre commence à produire une onde de choc à travers les médias américains.
D'emblée, Daniel Klaidman pose la question qui demeure la plus taboue de toutes depuis l'arrivée du successeur de George W. Bush à la Maison Blanche en 2008, à la fois aux Etats-Unis mais également parmi les puissances occidentales alliées de ce pays: « Barack Obama est-il un idéaliste ou un pragmatique impitoyable? » L'auteur assène sèchement: « Il a promis de fermer Guantanamo, de mettre fin aux interrogatoires coercitifs et aux tribunaux militaires, et de restaurer les principes américains de la justice; pourtant, au cours de son premier mandat, il a fait marche arrière sur chacune de ces promesses, fait monter en puissance la guerre secrète des attaques de drones et les opérations clandestines. En coulisses, les débats déchirants entre « faucons » et « colombes » - ceux qui tueraient par rapport à ceux qui captureraient - a été un test pour le noyau même de l'identité du président. »
Lorsque Newsweek a publié les premiers extraits de cet ouvrage jeudi dernier, le grand quotidien populaire USA Today a titré que l'Amérique venait de découvrir « Un nouveau devoir présidentiel: la kill-list ». David Jackson évrit: « Au début de son mandat, le président Obama, le conseiller anti-terrorisme John Brennan, et le Général James Cartwright ont formé ce que l'auteur Daniel Klaidman appelle "une sorte de troïka spéciale sur les exécutions ciblées" de présumés membres d'Al-Qaïda et d'autres terroristes."Les trois hommes prenaient des décisions de vie ou de mort, désignant les objectifs, rejetant ou acceptant les noms proposés par l'armée, frayant leur chemin vers un nouveau type de guerre - la guerre d'Obama», écrit Klaidman. »
A travers ce livre d'enquête à la puissance de feu impressionnante, c'est en fait à la déstruction d'une porte blindée que le lecteur assiste, et qui ouvre la voie à la démystification de Barack Obama. Sans qu'à aucun moment l'auteur ne s'exprime à charge, les pages tombent les unes après les autres, froides comme des guillotines, révélant des aspects inconnus et inquiétants à la manière de lunettes de vision nocturne, apportant une multitude de révélations aussi abruptes que des attaques de drones. On y prend la mesure, selon la vision que l'on a de la politique, soit de ce que la realpolitik a de plus radical, soit du cynisme inouï d'un homme qui n'a rien à envier à Richard Nixon.
Bush en rêvait, Obama l'a fait!
Dans le Daily Beast, le journaliste Matthew De Luca écrivait ce week-end: « À la suite du 11 septembre et des guerres en Afghanistan et en Irak, les ennemis de l'Amérique semblaient à la fois partout et nulle part. Certaines des tactiques qui allaient s'avérer plus efficace au cours des années suivantes, telles que les frappes de drones et les raids transfrontaliers, ont suscité des critiques dans le pays et à l'étranger. Obama, l'ancien spécialiste du droit constitutionnel a démontré une volonté de repenser sans cesse la manière dont l'Amérique fait face à la menace posée par les extrémistes religieux. » Comment? Dans son édition du 27 mai, le New York Times en livre un des aspects: « M.Obama s'est placé aux commandes d'un processus top secret de "désignation" des terroristes à tuer ou à capturer, dans lequel l'option capture est devenue largement théorique. » Mais il a fallu pour cela une conversion rapide d'un candidat qui avait mené campagne, en 2008, au nom de principes dont il considérait devoir rétablir dans la démocratie américaine, en président allant bien au-delà de toutes les limites que son prédécesseur lui-même s'était imposé. Et ce n'est pas la moindre des surprises ici.
Ainsi, Daniel Klaidman relate une réunion raconte une entre Barack Obama lorsqu'il n'était encore que candidat du parti Démocrate et Richard Clarke, l'un des principaux conseillers de l'administration Bush en matière de lutte contre le terrorisme. « En tant que président, vous tuez des gens » inflige alors Richard Clarke au sénateur de l'Illinois qui condamne volontiers lors de ses discours les méthodes expéditives utilisées selon lui contre les terroristes ou prétendus tels. « Un Obama impénétrable se retourne alors vers Richard Clarke » écrit Klaidman, « sans trahir la moindre émotion ». « "Je sais cela" dit Obama à Clarke sur un ton neutre. "Il ne broncha pas" a dit Clarke plus tard au sujet de la réunion. Au début de son mandat, Barack Obama est devenu furieux en apprenant à propos des "désignations de cibles», la pratique consistant à éliminer les cibles qui portaient les caractéristiques des terroristes, qu'elle s'accompagnait de peu d'informations. Les cibles étaient identifiés positivement mais pas nécessairement avant que les attaques aient eu lieu, et les gens au Pakistan, en particulier, où la plupart des attaques avaient lieu, étaient hystériques. "Ce n'est pas assez bon pour moi" a déclaré alors M.Obama lorsque la pratique lui a été expliquée.»
Que fallait-il comprendre? La suite est pour le moins inattendue.
«Le président se réserve lui-même la calcul final »
George W. Bush avait peut-être bien lancé le mot d'ordre selon lequel Oussama Ben Laden était voulu «mort ou vif». Mais les nombreuses questions soulevées par la perspective de capturer le terroriste et de le traduire en justice signifiaient qu'il n'y avait vraiment qu'une seule option. Barack Obama l'a rapidement constaté, montre Daniel Klaidman. Il relate l'un des exemples les plus frappants de cette conversion. Peu après l'exécution d'Oussama Ben Laden au Pakistan, Obama s'est montré obsédé par le cas d'Anwar al-Awlaki, un terroriste et religieux radical mais également un citoyen américain. « Je veux Awlaki. Ne lâchez pas » passait-il son temps à répéter lors des réunions hebdomadaires sur le terrorisme. Il souhaitait qu'on le tienne au courant de toute opportunité d'éliminer le terroriste. Et pour cela, il avait clairement établi que des dommages collatéraux étaient « admissibles ». En septembre dernier, Al-Awlaki était finalement tué lors d'une attaque par un drone ainsi qu'une dizaines d'autres personnes parmi lesquelles un de ses fils de dix-sept ans.
Le New York Times écrit au sujet du président qui a pris l'habitude de regarder une sorte de grand agenda sur lequel figurent des photos accompagnées de biographies : « Il avait promis de mettre la lutte contre Al-Qaïda en conformité avec les valeurs américaines; l'agenda, présentant les personnes dont il devrait bientôt donner l'ordre de les exécuter ou de les capturer, met en relief ce qu'est un dilemme moral et juridique. M.Obama est le professeur de droit libéral qui a fait campagne contre la guerre en Irak et la torture, et qui a ensuite insisté pour approuver lui-même chaque nom sur une nouvelle "kill list" plus étendue, penché sur les biographies des suspects terroristes suspectés, sur ce que l'on appelle les «cartes de baseball», nom macabre d'une guerre non conventionnelle. Quand une occasion rare pour un attaque de drone contre un terroriste se présente - et que sa famille est avec lui - le président se réserve lui-même le calcul final. »
Un tacticien hors pair
Le livre de Daniel Klaidman apporte la confirmation de ce que beaucoup laissaient filtrer depuis quelques mois dans les milieux informés de Washington. Son adoption de la ligne la plus dure qui soit en matière de sécurité nationale et extérieure, a assez rapidement engendré une ligne de fracture et scindé en deux blocs son entourage de conseillers. Les tensions n'ont cessé de s'intensifier au cours des quatre dernières années. Le journaliste relate des incidents violents survenus dans les couloirs même de l'aile Ouest de la Maison Blanche, et opposant parfois ministres et conseillers. Chaque fois qu'il y allait de son intérêt, le président n'a pas hésité à couper des têtes.
L'un des exemples les moins connus dont Daniel Klaidman ne parle pas dans son ouvrage et que nous avions rapporté ici, est la manière dont Obama a « exilé » le directeur de son staff et pourtant très influent - trop - Rahm Emanuel (tant sous sa présidence que sous la présidence Clinton), en utilisant le malaise suscité par celui-ci auprès des équipes de la Maison Blanche à cause de sa trop forte autorité. Obama a monté de toutes pièces avec le maire de Chicago, Richard M. Daley, surnommé dans cette ville "le boss", cinq fois réélu tout comme son oncle et régnant sur la ville en véritable parrain intouchable, l'annonce surprise de sa fausse « retraite » en septembre 2010. La presse, y compris locale, n'y a vu que du feu durant des semaines, bien que l'explication officielle donnée par Daley ne fut pas dans la nature de sa famille régnante, « motifs personnels » avait-il dit alors, en ajoutant qu'il n'y avait pas que la politique dans la vie... Or, peu de temps après, Obama avait laché Emanuel, lui offrant, en accord avec Daley et sur un plateau, la mairie de Chicago. Impossible à refuser, quasiment impossible à perdre. Peu après l'entrée officielle d'Emanuel dans la course électorale, on apprenait la nomination de Daley comme chef du staff d'Obama à la Maison Blanche. Un épisode qui durera onze mois, après quoi Daley est revenu tranquillement à Chicago, reprenant les rênes à sa manière, c'est à dire pour préparer la réélection d'Obama dans l'Etat de l'Illinois qui est un enjeu important. Une rare leçon de tactique politique.
Une popularité protégée par l'impopularité de Bush
Si l'on ne peut pas ressortir indemme de la lecture du livre de Daniel Klaidman, une question demeure cependant irrésolue. Celle de savoir par quels mécanismes de l'opinion publique américaine ce président demeure, à ce jour, en position de se voir réélire en novembre prochain mais également quels sont les ressorts de sa relative popularité parmi les opinions occidentales. Car dès le début de sa présidence, il est apparu évident que l'homme était l'un des plus fins tacticiens à avoir jamais habité à la Maison Blanche, en dehors, peut-être, de John-Fitzgerald Kennedy, de Lyndon Johnson et de Richard Nixon. A côté de lui, les Carter, Reagan, Bush père et fils et Clinton finissent par apparaître comme modérés sur bien des points. Bush? Oui, Bush également.
Dans le Wall Street Journal, dès le 19 octobre 2009, le journaliste Brett Stevens avait relevé les symptomes de la réalité cachée de la présidence Obama. Au sujet de la Chine, il notait qu'en février 2009, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton avait atterri à Pékin « avec un message conciliant au sujet de droits de l'homme ». «Notre soutien aux droits de l'homme ne peut pas interférer sur la crise économique mondiale, la crise du changement climatique mondial et la crise de la sécurité», avait-elle dit. « En fait, évrivait alors Brett Stevens, il n'y a pas eu quelque pression que ce soit sur les droits de l'homme. Le président Obama a refusé de rencontrer le Dalaï-Lama le mois dernier (en septembre 2009, NDA), sans doute afin de ne pas froisser les gens qui vont maintenant finaner ses dettes ». Au sujet du Soudan, le journaliste relevait qu'en 2008, le candidat Obama avait publié une déclaration insistant sur le fait qu'« une réelle pression devait être exercée sur le gouvernement soudanais Nous savons par expérience que cela prendra beaucoup pour les amener à bien agir... Le Conseil de Sécurité de l'ONU devrait imposer des sanctions sévères sur le gouvernement de Khartoum immédiatement.» « Exactement », écrivait Stevens, pour relater aussitôt: « Hier, le Département d'Etat a mis en œuvre sa nouvelle politique en direction du Soudan, sur la base d'un « catalogue de mesures incitatives et dissuasives » contre le gouvernement génocidaire du Soudan d'Omar el-Béchir. C'est le genre de menu que M. Bashir contemplera tranquillement jusqu'à ce qu'il meurt comfortablement dans son lit. »
Sur l'Iran: « M. Obama a gardé le silence toute la semaine sur les «affaires intérieures» de l'Iran qui concernent la réélection frauduleuse de Juinqui a été largement soulignée. Pas si largement, lorsque l'on note les tentatives de l'administration pour mettre une distance maximale entre elle-même et et les groupes de travail sur les droits de l'homme en Iran. Plus tôt cette année, le Département d'Etat a rejeté une demande de subvention du Centre de Documentation sur les Droits de l'Homme en Iran, basé à New Haven, Connecticut. Le Centre maintient peut-être les archives les plus importantes sur 30 ans de brutalité en Iran. Le refus de subvention n'était pas isolé: l'administration a également mis fin brutalement à un financement pour le projet de Freedom House Gozaar, un service en ligne en persan et en anglais pour discuter des questions politiques. Il est facile de voir pourquoi Téhéran voudrait voir ces groupes privés de financement et s'arrêter.»
Sur la Birmanie: « En Juillet, M.Obama a renouvelé les sanctions contre la Birmanie. En Août, il a qualifié la condamnation du leader de l'opposition (et comme lui Prix Nobel de la Paix) Aung San Suu Kyi une violation du "principe universel des droits de l'homme." Pourtant, comme avec le Soudan, la nouvelle politique de l'administration est «l'engagement», sur la théorie que les sanctions n'ont pas fonctionné. Peut-être. Mais qu'est-ce qui prouve que l'engagement sera un meilleur sort? En mai 2008, la junte birmane a empêché la livraison de l'aide humanitaire aux victimes du cyclone Nargis. Quelque 150 000 personnes sont mortes sous les yeux de "l'opinion mondiale" par ce qui équivalait à une politique de famine forcée. Laissez de côté le côté nauséeux de traiter avec les auteurs de cette politique.»
Brett Stevens concluait son papier avec cette anecdote: « Dans le Massachusetts, il n'y a pas si longtemps, je me suis retrouvé derrière une voiture qui portait sur sa vitre arrière trois autocollants, "Tibet libre", "Sauvez le Darfour", et "Obama 08". Je me demande s'il viendra jamais à l'esprit du propriétaire de cette voiture qu'au moins un de ces autocollants ne lui appartient pas. »
Le droit de tuer
Depuis cet article de Brett Stevens, l'administration Obama a fait son chemin. Un exemple sanglant vient d'en être offert par l'actualité de ces derniers jours. On se souvient de la vive crispation qui avait entourée la venue du président pakistanais au Sommet de l'OTAN à Chicago le 20 mai dernier. Dans un premier temps, Obama avait fait savoir qu'il ne rencontrerait pas son homologue. Puis, de manière très surprenante, un bref entretien, public, assorti d'une poignée de main pour les photographes, s'est produit entre deux réunions. Mais la résistance pakistanaise à la réouverture de ses routes vers l'Afghanistan pour les besoin des forces de l'OTAN a fait l'objet, selon nos informations, d'un très vif échange entre l'un des conseillers du président américain et le ministre des Affaires étrangères pakistanais. Les Etats-Unis auraient en effet fait savoir au Pakistan que son refus serait brisé au prix du sang.
Or, les drones américains ont tué 27 personnes dans le nord du Pakistan au cours des trois derniers jours et les attaques aériennes sans pilote ne montrent aucun signe de ralentissement. La dernière attaque a tué 15 personnes ce lundi, lorsqu'un repaire présumé de combattants a été frappé au Nord-Waziristan. Selon la BBC, un missile a tué trois personnes avant qu'un second missile en frappe 12 de plus lorsqu'ils sont arrivés sur la scène plus tard. Les responsables américains ont en fait augmenté l'utilisation de drones alors même que de nombreux Pakistanais appellent à leur pays pour rompre les liens avec les États-Unis et que le président pakistanais se retrouve dans une situation de plus en plus dangereuse. Le message d'Obama est on ne peut plus clair: les voies d'approvisionnement de l'OTAN qui traversent la région pour livrer des fournitures aux troupes en Afghanistan, fermées depuis Janvier après une frappe américaine qui a tué par erreur 24 soldats pakistanais et pour laquelle le président réclame toujours des excuses, doivent être rouvertes sans tarder. Le bombardements de lundi est le résultat de la septième attaque de drone au cours des deux dernières semaines.
Ce qui a pu conduire Paul Craig Roberts, l'ancien vice-Secrétaire du Département américain du Trésor, le 15 février dernier: « Les préoccupations de Washington concernant les droits de l'homme ne s'étendent pas au-delà de la sécurité des aéroports où les petites filles et les grand-mères sont palpées jusque dans leurs parties intimes. Les militants pacifistes voient leurs maisons envahies, leurs effets personnels emportés, et un grand jury est convoqué pour les enfermer dans des accusations de terrorisme. Le soldat américain Bradley Manning est détenu depuis deux ans, pour violation de la Constitution des États-Unis alors que le gouvernement droits de l'homme concocte de fausses accusations pour le punir pour avoir révélé un crime de guerre des États-Unis. Julien Assange, de WikiLeaks, est harcelé sans cesse dans le but de le traduire. Les critiques des politiques inhumaines de Washington sont surveillés et espionnés. Washington est le pire violateur des droits de l'homme à notre époque, et Washington ne fait que commencer. Qui va libérer les Américains des griffes de Washington? »
Cette autre histoire de l'Amérique sous Obama n'en est qu'au tout début de ses révélations. Mais les faits sont indiscutables. Jamais président des Etats-Unis n'est allé aussi loin dans la pratique occulte du pouvoir dans la plus parfaite indifférence de l'opinion du pays et des opinions des pays occidentaux.
Bush en rêvait, Obama l'a fait!
Dans le Daily Beast, le journaliste Matthew De Luca écrivait ce week-end: « À la suite du 11 septembre et des guerres en Afghanistan et en Irak, les ennemis de l'Amérique semblaient à la fois partout et nulle part. Certaines des tactiques qui allaient s'avérer plus efficace au cours des années suivantes, telles que les frappes de drones et les raids transfrontaliers, ont suscité des critiques dans le pays et à l'étranger. Obama, l'ancien spécialiste du droit constitutionnel a démontré une volonté de repenser sans cesse la manière dont l'Amérique fait face à la menace posée par les extrémistes religieux. » Comment? Dans son édition du 27 mai, le New York Times en livre un des aspects: « M.Obama s'est placé aux commandes d'un processus top secret de "désignation" des terroristes à tuer ou à capturer, dans lequel l'option capture est devenue largement théorique. » Mais il a fallu pour cela une conversion rapide d'un candidat qui avait mené campagne, en 2008, au nom de principes dont il considérait devoir rétablir dans la démocratie américaine, en président allant bien au-delà de toutes les limites que son prédécesseur lui-même s'était imposé. Et ce n'est pas la moindre des surprises ici.
Ainsi, Daniel Klaidman relate une réunion raconte une entre Barack Obama lorsqu'il n'était encore que candidat du parti Démocrate et Richard Clarke, l'un des principaux conseillers de l'administration Bush en matière de lutte contre le terrorisme. « En tant que président, vous tuez des gens » inflige alors Richard Clarke au sénateur de l'Illinois qui condamne volontiers lors de ses discours les méthodes expéditives utilisées selon lui contre les terroristes ou prétendus tels. « Un Obama impénétrable se retourne alors vers Richard Clarke » écrit Klaidman, « sans trahir la moindre émotion ». « "Je sais cela" dit Obama à Clarke sur un ton neutre. "Il ne broncha pas" a dit Clarke plus tard au sujet de la réunion. Au début de son mandat, Barack Obama est devenu furieux en apprenant à propos des "désignations de cibles», la pratique consistant à éliminer les cibles qui portaient les caractéristiques des terroristes, qu'elle s'accompagnait de peu d'informations. Les cibles étaient identifiés positivement mais pas nécessairement avant que les attaques aient eu lieu, et les gens au Pakistan, en particulier, où la plupart des attaques avaient lieu, étaient hystériques. "Ce n'est pas assez bon pour moi" a déclaré alors M.Obama lorsque la pratique lui a été expliquée.»
Que fallait-il comprendre? La suite est pour le moins inattendue.
«Le président se réserve lui-même la calcul final »
George W. Bush avait peut-être bien lancé le mot d'ordre selon lequel Oussama Ben Laden était voulu «mort ou vif». Mais les nombreuses questions soulevées par la perspective de capturer le terroriste et de le traduire en justice signifiaient qu'il n'y avait vraiment qu'une seule option. Barack Obama l'a rapidement constaté, montre Daniel Klaidman. Il relate l'un des exemples les plus frappants de cette conversion. Peu après l'exécution d'Oussama Ben Laden au Pakistan, Obama s'est montré obsédé par le cas d'Anwar al-Awlaki, un terroriste et religieux radical mais également un citoyen américain. « Je veux Awlaki. Ne lâchez pas » passait-il son temps à répéter lors des réunions hebdomadaires sur le terrorisme. Il souhaitait qu'on le tienne au courant de toute opportunité d'éliminer le terroriste. Et pour cela, il avait clairement établi que des dommages collatéraux étaient « admissibles ». En septembre dernier, Al-Awlaki était finalement tué lors d'une attaque par un drone ainsi qu'une dizaines d'autres personnes parmi lesquelles un de ses fils de dix-sept ans.
Le New York Times écrit au sujet du président qui a pris l'habitude de regarder une sorte de grand agenda sur lequel figurent des photos accompagnées de biographies : « Il avait promis de mettre la lutte contre Al-Qaïda en conformité avec les valeurs américaines; l'agenda, présentant les personnes dont il devrait bientôt donner l'ordre de les exécuter ou de les capturer, met en relief ce qu'est un dilemme moral et juridique. M.Obama est le professeur de droit libéral qui a fait campagne contre la guerre en Irak et la torture, et qui a ensuite insisté pour approuver lui-même chaque nom sur une nouvelle "kill list" plus étendue, penché sur les biographies des suspects terroristes suspectés, sur ce que l'on appelle les «cartes de baseball», nom macabre d'une guerre non conventionnelle. Quand une occasion rare pour un attaque de drone contre un terroriste se présente - et que sa famille est avec lui - le président se réserve lui-même le calcul final. »
Un tacticien hors pair
Le livre de Daniel Klaidman apporte la confirmation de ce que beaucoup laissaient filtrer depuis quelques mois dans les milieux informés de Washington. Son adoption de la ligne la plus dure qui soit en matière de sécurité nationale et extérieure, a assez rapidement engendré une ligne de fracture et scindé en deux blocs son entourage de conseillers. Les tensions n'ont cessé de s'intensifier au cours des quatre dernières années. Le journaliste relate des incidents violents survenus dans les couloirs même de l'aile Ouest de la Maison Blanche, et opposant parfois ministres et conseillers. Chaque fois qu'il y allait de son intérêt, le président n'a pas hésité à couper des têtes.
L'un des exemples les moins connus dont Daniel Klaidman ne parle pas dans son ouvrage et que nous avions rapporté ici, est la manière dont Obama a « exilé » le directeur de son staff et pourtant très influent - trop - Rahm Emanuel (tant sous sa présidence que sous la présidence Clinton), en utilisant le malaise suscité par celui-ci auprès des équipes de la Maison Blanche à cause de sa trop forte autorité. Obama a monté de toutes pièces avec le maire de Chicago, Richard M. Daley, surnommé dans cette ville "le boss", cinq fois réélu tout comme son oncle et régnant sur la ville en véritable parrain intouchable, l'annonce surprise de sa fausse « retraite » en septembre 2010. La presse, y compris locale, n'y a vu que du feu durant des semaines, bien que l'explication officielle donnée par Daley ne fut pas dans la nature de sa famille régnante, « motifs personnels » avait-il dit alors, en ajoutant qu'il n'y avait pas que la politique dans la vie... Or, peu de temps après, Obama avait laché Emanuel, lui offrant, en accord avec Daley et sur un plateau, la mairie de Chicago. Impossible à refuser, quasiment impossible à perdre. Peu après l'entrée officielle d'Emanuel dans la course électorale, on apprenait la nomination de Daley comme chef du staff d'Obama à la Maison Blanche. Un épisode qui durera onze mois, après quoi Daley est revenu tranquillement à Chicago, reprenant les rênes à sa manière, c'est à dire pour préparer la réélection d'Obama dans l'Etat de l'Illinois qui est un enjeu important. Une rare leçon de tactique politique.
Une popularité protégée par l'impopularité de Bush
Si l'on ne peut pas ressortir indemme de la lecture du livre de Daniel Klaidman, une question demeure cependant irrésolue. Celle de savoir par quels mécanismes de l'opinion publique américaine ce président demeure, à ce jour, en position de se voir réélire en novembre prochain mais également quels sont les ressorts de sa relative popularité parmi les opinions occidentales. Car dès le début de sa présidence, il est apparu évident que l'homme était l'un des plus fins tacticiens à avoir jamais habité à la Maison Blanche, en dehors, peut-être, de John-Fitzgerald Kennedy, de Lyndon Johnson et de Richard Nixon. A côté de lui, les Carter, Reagan, Bush père et fils et Clinton finissent par apparaître comme modérés sur bien des points. Bush? Oui, Bush également.
Dans le Wall Street Journal, dès le 19 octobre 2009, le journaliste Brett Stevens avait relevé les symptomes de la réalité cachée de la présidence Obama. Au sujet de la Chine, il notait qu'en février 2009, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton avait atterri à Pékin « avec un message conciliant au sujet de droits de l'homme ». «Notre soutien aux droits de l'homme ne peut pas interférer sur la crise économique mondiale, la crise du changement climatique mondial et la crise de la sécurité», avait-elle dit. « En fait, évrivait alors Brett Stevens, il n'y a pas eu quelque pression que ce soit sur les droits de l'homme. Le président Obama a refusé de rencontrer le Dalaï-Lama le mois dernier (en septembre 2009, NDA), sans doute afin de ne pas froisser les gens qui vont maintenant finaner ses dettes ». Au sujet du Soudan, le journaliste relevait qu'en 2008, le candidat Obama avait publié une déclaration insistant sur le fait qu'« une réelle pression devait être exercée sur le gouvernement soudanais Nous savons par expérience que cela prendra beaucoup pour les amener à bien agir... Le Conseil de Sécurité de l'ONU devrait imposer des sanctions sévères sur le gouvernement de Khartoum immédiatement.» « Exactement », écrivait Stevens, pour relater aussitôt: « Hier, le Département d'Etat a mis en œuvre sa nouvelle politique en direction du Soudan, sur la base d'un « catalogue de mesures incitatives et dissuasives » contre le gouvernement génocidaire du Soudan d'Omar el-Béchir. C'est le genre de menu que M. Bashir contemplera tranquillement jusqu'à ce qu'il meurt comfortablement dans son lit. »
Sur l'Iran: « M. Obama a gardé le silence toute la semaine sur les «affaires intérieures» de l'Iran qui concernent la réélection frauduleuse de Juinqui a été largement soulignée. Pas si largement, lorsque l'on note les tentatives de l'administration pour mettre une distance maximale entre elle-même et et les groupes de travail sur les droits de l'homme en Iran. Plus tôt cette année, le Département d'Etat a rejeté une demande de subvention du Centre de Documentation sur les Droits de l'Homme en Iran, basé à New Haven, Connecticut. Le Centre maintient peut-être les archives les plus importantes sur 30 ans de brutalité en Iran. Le refus de subvention n'était pas isolé: l'administration a également mis fin brutalement à un financement pour le projet de Freedom House Gozaar, un service en ligne en persan et en anglais pour discuter des questions politiques. Il est facile de voir pourquoi Téhéran voudrait voir ces groupes privés de financement et s'arrêter.»
Sur la Birmanie: « En Juillet, M.Obama a renouvelé les sanctions contre la Birmanie. En Août, il a qualifié la condamnation du leader de l'opposition (et comme lui Prix Nobel de la Paix) Aung San Suu Kyi une violation du "principe universel des droits de l'homme." Pourtant, comme avec le Soudan, la nouvelle politique de l'administration est «l'engagement», sur la théorie que les sanctions n'ont pas fonctionné. Peut-être. Mais qu'est-ce qui prouve que l'engagement sera un meilleur sort? En mai 2008, la junte birmane a empêché la livraison de l'aide humanitaire aux victimes du cyclone Nargis. Quelque 150 000 personnes sont mortes sous les yeux de "l'opinion mondiale" par ce qui équivalait à une politique de famine forcée. Laissez de côté le côté nauséeux de traiter avec les auteurs de cette politique.»
Brett Stevens concluait son papier avec cette anecdote: « Dans le Massachusetts, il n'y a pas si longtemps, je me suis retrouvé derrière une voiture qui portait sur sa vitre arrière trois autocollants, "Tibet libre", "Sauvez le Darfour", et "Obama 08". Je me demande s'il viendra jamais à l'esprit du propriétaire de cette voiture qu'au moins un de ces autocollants ne lui appartient pas. »
Le droit de tuer
Depuis cet article de Brett Stevens, l'administration Obama a fait son chemin. Un exemple sanglant vient d'en être offert par l'actualité de ces derniers jours. On se souvient de la vive crispation qui avait entourée la venue du président pakistanais au Sommet de l'OTAN à Chicago le 20 mai dernier. Dans un premier temps, Obama avait fait savoir qu'il ne rencontrerait pas son homologue. Puis, de manière très surprenante, un bref entretien, public, assorti d'une poignée de main pour les photographes, s'est produit entre deux réunions. Mais la résistance pakistanaise à la réouverture de ses routes vers l'Afghanistan pour les besoin des forces de l'OTAN a fait l'objet, selon nos informations, d'un très vif échange entre l'un des conseillers du président américain et le ministre des Affaires étrangères pakistanais. Les Etats-Unis auraient en effet fait savoir au Pakistan que son refus serait brisé au prix du sang.
Or, les drones américains ont tué 27 personnes dans le nord du Pakistan au cours des trois derniers jours et les attaques aériennes sans pilote ne montrent aucun signe de ralentissement. La dernière attaque a tué 15 personnes ce lundi, lorsqu'un repaire présumé de combattants a été frappé au Nord-Waziristan. Selon la BBC, un missile a tué trois personnes avant qu'un second missile en frappe 12 de plus lorsqu'ils sont arrivés sur la scène plus tard. Les responsables américains ont en fait augmenté l'utilisation de drones alors même que de nombreux Pakistanais appellent à leur pays pour rompre les liens avec les États-Unis et que le président pakistanais se retrouve dans une situation de plus en plus dangereuse. Le message d'Obama est on ne peut plus clair: les voies d'approvisionnement de l'OTAN qui traversent la région pour livrer des fournitures aux troupes en Afghanistan, fermées depuis Janvier après une frappe américaine qui a tué par erreur 24 soldats pakistanais et pour laquelle le président réclame toujours des excuses, doivent être rouvertes sans tarder. Le bombardements de lundi est le résultat de la septième attaque de drone au cours des deux dernières semaines.
Ce qui a pu conduire Paul Craig Roberts, l'ancien vice-Secrétaire du Département américain du Trésor, le 15 février dernier: « Les préoccupations de Washington concernant les droits de l'homme ne s'étendent pas au-delà de la sécurité des aéroports où les petites filles et les grand-mères sont palpées jusque dans leurs parties intimes. Les militants pacifistes voient leurs maisons envahies, leurs effets personnels emportés, et un grand jury est convoqué pour les enfermer dans des accusations de terrorisme. Le soldat américain Bradley Manning est détenu depuis deux ans, pour violation de la Constitution des États-Unis alors que le gouvernement droits de l'homme concocte de fausses accusations pour le punir pour avoir révélé un crime de guerre des États-Unis. Julien Assange, de WikiLeaks, est harcelé sans cesse dans le but de le traduire. Les critiques des politiques inhumaines de Washington sont surveillés et espionnés. Washington est le pire violateur des droits de l'homme à notre époque, et Washington ne fait que commencer. Qui va libérer les Américains des griffes de Washington? »
Cette autre histoire de l'Amérique sous Obama n'en est qu'au tout début de ses révélations. Mais les faits sont indiscutables. Jamais président des Etats-Unis n'est allé aussi loin dans la pratique occulte du pouvoir dans la plus parfaite indifférence de l'opinion du pays et des opinions des pays occidentaux.
Stéphane Trano