Redoine Faïd
La police savait que l'ennemi public numéro un était en région parisienne depuis trois semaines. Mais elle a tout fait pour qu'il croie le contraire.
Les enquêteurs l'ont laissé croire par le biais des télévisions européennes qu'ils le pourchassaient au-delà de nos frontières. Après sa spectaculaire évasion de la maison d'arrêt de Sequedin, le signalement de Redoine Faïd, 40 ans, avait été transmis, dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen, à toutes les polices de l'espace Schengen (comprenant les territoires de 26 États européens). Redoine Faïd racontait lui-même qu'il utilisait régulièrement la Suisse comme une "excellente couverture pour aller à l'étranger" avec de "faux papiers" .
Redoine Faïd quelques heures avant son arrestation
Un contact avec sa famille ?
Il aurait été localisé après avoir contacté des membres de sa famille, selon les informations de France 2. Audrey Goutard, spécialiste de la police et de la justice à la rédaction de France 2, explique dans cette vidéo que la police avait tendu "un filet" autour du braqueur en cavale et de ses proches pour l'attraper avec vidéosurveillance, surveillance, écoutes téléphoniques. La police pensait et espérait qu'il reprendrait contact avec ses proches. Et que cela le perdrait...
"Quand on a un évadé comme ça, on travaille bien évidemment sur son relationnel, sur sa famille. Il faut savoir que lui aussi sait comment on va travailler. Il sait très bien qu'on va travailler sur sa famille, sur sa relation. Ce qui explique sans doute que celui qui était avec lui" au moment de son interpellation "ne faisait pas partie de son paysage habituel", selon Christian Lothion, Directeur central de la police judiciaire (DCPJ).
"Il a été surpris de nous voir débarquer", affirme un enquêteur au Point.
Des plaques d'immatriculation pour remonter sa piste ?
Redoine Faïd a pensé pendant sa cavale à de nombreux détails mais les voitures qu'il utilise comportait des fausses plaques d'immatriculation. Des immatriculations trouvées sur internet via des sites de vente de voiture. Un détail qui, selon nos informations a permis à la police, grâce à un travail de fourmi de remonter jusqu'à son complice.
Manque d'argent ?
"Lorsque l'on est en cavale, il faut avoir d'une part beaucoup d'argent, et d'autre part il faut se séparer de tous ses proches. Je pense que ces deux conditions n'étaient pas réunies", a expliqué Frédéric Fèvre lors d'une conférence de presse, tout en refusant de donner plus de détails sur la manière dont le braqueur a été localisé.
Avait-il changé son apparence ?
Oui, selon RTL, il portait notamment des lunettes. De fausses barbes et des perruques ont aussi été découvertes. Lors d'une précédente cavale, il portait déjà une perruque au moment de son arrestation.
"Il était perruqué, barbu et portait des lunettes. On aurait pu le croiser dans la rue, même devant Nanterre, personne ne l'aurait reconnu", a précisé M. Lothion.
Une réceptionniste de l'hôtel assure qu'elle ne savait pas qui était cet homme si recherché. Elle a notamment expliqué que les clients n'ont pas besoin de présenter de justificatif d'identité.
Où était-il ces 6 dernières semaines ?
«Redoine Faïd a à l'évidence beaucoup circulé durant ces six semaines», a déclaré le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, lundi sur i>Télé, qui a ajouté que le braqueur était «tracé depuis plusieurs jours».
Selon Le Point, la police savait que l'ennemi public numéro un était en région parisienne depuis trois semaines. La police aurait laissé croire sciemment que l'enquête se faisait "au niveau mondial", selon les termes du ministre de l'Intérieur Manuel Valls. Selon une source proche de l'enquête contactée par Le Point.fr, sa localisation dans cet hôtel de Pontault-Combault en Seine-et-Marne, où il a été interpellé, s'est faite peu avant son arrestation. Mais bien avant, il avait été pris en photo en région parisienne, alors qu'il était grimé avec un postiche et des lunettes.
Depuis quand était-il dans cet hôtel ?
L'hôtel, sans accueil de nuit, de la marque B&B Hôtel, est situé à quelques mètres de la Francilienne, près d'un Buffalo Grill et en face d'un hangar comprenant des magasins de motos, de vélos et de golf.
Selon des sources policières, les deux hommes seraient arrivés samedi dernier et auraient payé quatre nuits d'avance. Ils avaient demandé au personnel de l'hôtel de ne pas entrer dans la chambre. Le ménage a tout de même été fait lundi. "Les filles n'ont rien remarqué de spécial. Tout était bien rangé. On aurait dit deux commerciaux", a expliqué sur Europe 1 la gérante de l'hôtel.
Les enquêteurs ont acquis au "cours des dernières 24 heures", "la quasi-certitude" que Redoine Faïd se cachait dans l'hôtel de Seine-et-Marne où il a été cueilli dans la nuit, a indiqué jeudi à la presse le Directeur central de la police judiciaire (DCPJ) Christian Lothion. Il était rentré dans sa chambre vers 22h40.
Etait-il armé ?
Redoine Faïd a été surpris en plein sommeil, à 3 heures du matin. Il n'a pas eu le temps de réagir à l'arrivée des policiers. Il n'a pas pu se servir de son arme déposée au pied du lit. Un complice à ses côtés, non armé, a également été interpellé.
Un pistolet automatique dans la chambre et deux armes de poing dans une voiture garée près de l'hôtel ont été saisis.
Quels moyens pour l'arrêter ?
Depuis hier mardi, de gros moyens étaient mobilisés autour de l'hôtel de Pontault Combault : Brigade de recherche et d'intervention, brigade des fugitifs...
Au total une soixantaine de policiers ont été mobilisés pour l'intervention.. Une quarantaine de véhicules banalisés ont pris place vers 2 heures du matin sur le parking de l'hôtel où le fugitif résidait depuis plusieurs jours avec un complice. C'est à l'intérieur des fourgons que les policiers de la brigade de recherche et d'intervention ont revêtu leur panoplie avant de passer à l'action : cagoules, épaulettes, gilets pare-balles...
Les hommes de la brigade de recherche et d'intervention ont surpris le malfaiteur en plein sommeil, "le visage hagard", un 9 mm automatique à ses côtés. Plusieurs armes seront saisies lors de l'arrestation, de même qu'une voiture. Les enquêteurs de l'Office central de lutte contre la criminalité organisée (Oclco) se demandent si Faïd ne s'apprêtait pas à "remonter au braquage". "Il a été surpris de nous voir débarquer", raconte un enquêteur pour qui le "complexe de supériorité" de Redoine Faïd l'a finalement trahi.
Son complice de 29 ans lui servait d'"éclaireur" dans ses déplacements. Pour ne pas être repéré, Redoine Faïd sortait grimé, coiffé d'une perruque, et s'était laissé pousser la barbe : il était méconnaissable.
Redoine Faïd va retourner derrière les barreaux, mais l'enquête n'est pas terminée pour autant. Elle devra, en effet, établir les complicités dont il a bénéficié durant sa fuite, mais aussi pour une évasion visiblement minutieusement préparée.
Jamila Aridj
Jean-Michel Decugis
Christophe Labbé