Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 29 mai 2013

Émeutes : mais que s'est-il passé en Suède ?


Le paisible pays scandinave a été secoué par plusieurs nuits de violence dans la banlieue de Stockholm. Analyse.

Cent cinquante véhicules incendiés, des dizaines de bâtiments incendiés, dont des écoles et des commissariats, plusieurs policiers blessés par des jets de pierres au cours de véritables traquenards... La Suède sort d'une semaine de cauchemar. Rien à voir avec l'ampleur des émeutes dans les banlieues françaises ou anglaises, mais dans ce paisible pays scandinave plutôt bien portant ces émeutes sont un choc.

Tout commence le 13 mai dernier, lorsqu'un homme de 69 ans est abattu par la police à Husby, banlieue défavorisée à forte population immigrée au nord-ouest de Stockholm. Selon la version de la police, cet homme aurait menacé les forces de l'ordre avec une machette. Reste que le policier en question est aujourd'hui soupçonné d'homicide involontaire.

Quoi qu'il en soit, la colère gronde. Dès le 19 mai, plusieurs nuits durant, ce quartier défavorisé s'enflamme. Car la mort de cet homme met en exergue l'énorme ségrégation qui frappe la capitale suédoise. Dans des banlieues comme Husby, la moitié des écoliers n'ont pas le niveau pour entrer au lycée. La réforme du système scolaire explique en partie ce résultat catastrophique. Par manque d'élèves, certaines écoles de banlieue ont moins de ressources et les profs restants sont surchargés de tâches, au détriment des élèves. Le chômage des jeunes est très important et les perspectives sont inexistantes pour des jeunes nés en Suède mais dont les parents souvent mal intégrés sont parfois eux-mêmes en situation d'échec et peu à même de jouer leur rôle de parent. Ces jeunes-là, désoeuvrés, deviennent des proies faciles pour les bandes qui cherchent de la chair à canon pour leurs larcins. Rien de propre à la Suède.

Silence du gouvernement

Mais les habitants de ces banlieues sont également nombreux à témoigner du désengagement des services publics dans certains quartiers laissés en friche, en dépit de quelques initiatives cosmétiques. De ce point de vue, le modèle suédois a vécu. Depuis l'arrivée au pouvoir en 2006 du gouvernement de droite, ce mouvement de désengagement a été marquant et de nombreux services publics ont été fermés et déplacés vers des banlieues voisines. Husby, 12 000 habitants, avec un des taux de chômage les plus importants de Suède, n'a pas d'agence de l'emploi, pas de distributeur de billets (une machine vient d'être installée, mais elle ne marche pas tout le temps), aucun représentant de l'administration publique. Ce sentiment d'abandon fruste de nombreux habitants.

Hormis l'appel lancé aux habitants pour ramener eux-mêmes le calme, le gouvernement a été plutôt silencieux. Devant une discrimination structurelle et une politique d'intégration qui a brillé par son absence, quels que soient les gouvernements, le Premier ministre conservateur ne serait pas hostile à un retour des petits boulots non qualifiés qui permettent aux gens d'origine étrangère d'entrer sur le marché du travail. Cela n'aurait rien d'étonnant dans ce pays qui, selon une enquête récente, est celui de l'OCDE où les disparités salariales ont grossi le plus vite depuis quinze ans. Ce serait un changement de cap radical dans une Suède où les syndicats surpuissants veillent toujours au grain.

Olivier Truc