Eric Harroun, ancien soldat américain devenu combattant djihadiste en Syrie. © Facebook
Sur le champ de bataille, on l'appelait l'"Américain". Eric Harroun, ancien soldat de l'armée américaine, n'avait jamais eu l'occasion de se battre au-delà de ses frontières. Il a enfin accompli son rêve en janvier dernier... "Bachar el-Assad, tes jours sont comptés... Où que tu ailles, nous te retrouverons et te tuerons", peut-on l'entendre dire dans une vidéo, vêtu d'un keffieh noir et blanc, aux côtés de combattants du Front Al-Nosra (Le Front de défense du peuple syrien). L'Américain se trouve alors en Syrie, en compagnie de djihadistes radicaux.
Créé en avril 2011, le Front Al-Nosra, un groupe djihadiste composé de quelque 4 000 combattants, dont deux tiers d'étrangers, est devenu le pire cauchemar du régime syrien. Ses combattants, en majorité des citoyens arabes du Golfe, sont arrivés durant l'année 2012 avec armes et fonds pour défendre leurs frères sunnites (confession majoritaire en Syrie, NDLR), massacrés par le régime alaouite (secte issue du chiisme, NDLR) de Bachar el-Assad. Ils ont également reçu le soutien d'une minorité de citoyens occidentaux, dont une centaine de Britanniques et "quelques dizaines" de Français, selon le ministre français de l'Intérieur, Manuel Valls.
Émanation d'al-Qaida
Considérant le Front Al-Nosra comme une émanation d'al-Qaida en Irak, les États-Unis ont décidé de placer le groupe en décembre dernier sur leur liste noire des organisations terroristes. Un ex-GI aux côtés des ennemis de Washington ? Eric Harroun n'était pourtant pas prédisposé à un tel sort. Issu d'une famille chrétienne de Phoenix, habitant les États-Unis depuis plusieurs générations, ce jeune homme de 30 ans a servi trois ans, de 2000 à 2003, dans la 568e compagnie du corps des ingénieurs de l'armée américaine, basée à Fort Riley, dans le Kansas.
Mais un accident de voiture met fin à ses rêves de carrière. Le première classe s'en sort avec une plaque d'acier dans le crâne. "Il souffrait déjà de dépression avant, et l'accident n'a fait qu'empirer cet état", raconte son père, Darryl Harroun, à la chaîne américaine Fox News. De retour à l'université, à Tucson, il se lie d'amitié avec deux frères américano-irakiens, Maadh et Hayder Ibrahim. À leur contact, il se familiarise avec l'islam et devient musulman sunnite. Mais la nouvelle obédience d'Eric Omar Harroun ne parvient pas à réfréner son goût prononcé pour la bière... et les filles. "Harun al-Rachid (1) était calife de Bagdad et coureur de jupons", se défendra-t-il auprès du site Foreign Policy.
Une cause juste ?
Désormais employé d'une société d'hypothèques à Phoenix, Eric Omar Harroun, qui bénéficie également d'une pension d'invalidité totale par l'armée, effectue de multiples allers-retours en direction du Moyen-Orient. "Il adorait cette partie du monde", confie son père, Darryl Harroun, à Fox News. L'avènement du Printemps arabe va ressusciter son rêve d'en découdre. Après avoir assisté à la révolution égyptienne contre Hosni Moubarak, l'ex-GI décide de partir combattre le régime syrien.
L'Américain a trouvé sa cause : il veut devenir "combattant pour la liberté" et ainsi venir en aide à une population syrienne entièrement délaissée par la communauté internationale. Parti pour la Turquie en novembre, l'Américain franchit la frontière syrienne le 7 janvier dernier. Il s'engage tout d'abord à Alep aux côtés de la Brigade Amr Ibn Al-Aas, un groupe salafiste affilié à l'Armée syrienne libre.
"Traité en héros"
"Il nous a raconté avoir été traité en héros", affirme son père à Fox News. Mais le conte de fées tourne court. D'après Eric Omar Harroun, le groupe rebelle aurait été ensuite décimé dans une bataille, ce dont auraient profité les radicaux du Front Al-Nosra pour s'attacher ses services. Le plus grand flou entoure cet épisode. L'Américain affirmera tout d'abord avoir été fait prisonnier par le groupe djihadiste, avant de témoigner par la suite à Fox News d'une envie certaine de le rejoindre. "Entrer dans Al-Nosra n'est pas sorcier. Il suffit d'avoir des c... et un cerveau", a-t-il notamment déclaré.
En un temps record, l'Américain est formé au maniement des armes : fusil d'assaut kalachnikov, lance-roquettes RPG. Eric Omar Harroun affirmera avoir mené pour Al-Nosra "sept à dix batailles" pendant 25 jours, au sein de l'unité RPG. Le néo-djihadiste déclarera avoir tiré sur une dizaine de personnes, sans pour autant préciser combien d'hommes il a réellement tués. S'il fait preuve d'un courage certain sur le terrain, ses multiples posts sur Facebook trahissent son amateurisme. Le moindre de ses faits de guerre y est relaté. Il y publie notamment la vidéo de la carcasse d'un hélicoptère syrien. Au bas de celle-ci, il se vante d'avoir abattu l'appareil, puis de l'avoir pillé.
Antisioniste
Sur Facebook, il évoque également sa possible prochaine destination : les Territoires palestiniens. Citant les "atrocités" commises par Israël sur les Palestiniens, il verse dans l'antisionisme extrême : "Un bon sioniste est un sioniste mort", écrit-il. Allègrement partagées sur la Toile, ses "prouesses" attirent bientôt l'attention des agents du FBI. De retour en Turquie en mars, Eric Harroun est interrogé à plusieurs reprises. Il leur avoue avoir combattu aux côtés du Front Al-Nosra et admet avoir utilisé un RPG.
Cette révélation causera sa perte. À son arrivée au pays, mercredi, à l'aéroport Dulles de Washington, il est arrêté pour utilisation d'une arme de destruction massive en association avec une organisation terroriste affiliée à al-Qaida. L'ex-GI risque désormais la prison à vie.
Eric Harroun, ex-GI, menace Bachar el-Assad aux côtés de djihadistes :
(1) Harun al-Rachid (765-809 après J.-C.) est le 5e calife abbasside de Bagdad.
Armin Arefi