La nébuleuse islamiste vient d'intégrer le Front djihadiste al-Nosra. Un coup dur pour l'opposition, une aubaine pour le régime.
Des membres de la brigade islamiste Hamzah défilent à Deir ez-Zor avec des drapeaux du Front al-Nosra. © ZAC BAILLIE / AFP
Le rêve de Bachar el-Assad est-il en train de s'exaucer ? Le Front al-Nosra (Front de défense du peuple syrien), le groupe djihadiste armé qui inflige à son régime les plus lourdes pertes, vient d'être purement et simplement adoubé par al-Qaida. De quoi alimenter le discours du président syrien, selon qui ses opposants ne sont que des terroristes. "Il est temps de proclamer aux Levantins et au monde entier que le Front al-Nosra est en réalité une branche de l'État islamique d'Irak", affirme ce mardi, dans un message publié sur les sites djihadistes, Abou Bakr al-Baghdadi, chef de la principale organisation irakienne affiliée à al-Qaida.
En réponse, le chef du Front al-Nosra a indiqué mercredi dans un message audio qu'il n'avait pas été informé au préalable de l'annonce de la fusion. Abou Mohammed al-Joulani a cependant confirmé qu'il prêtait allégeance au chef d'al-Qaida, Ayman al-Zawahiri. Il a toutefois souhaité conserver son indépendance sur le terrain en refusant de se placer sous la coupe de la branche irakienne du réseau extrémiste. Un acte d'obéissance idéologique, en somme, mais pas de soumission opérationnelle sur le terrain.
Créé en avril 2011, après que Bachar el-Assad a décidé de libérer de prison la quasi-totalité des djihadistes syriens, le Front al-Nosra s'est fait connaître par ses attentats spectaculaires contre les intérêts du régime, sans pour autant épargner les vies civiles. Mais le groupe djihadiste s'est peu à peu mué en redoutable guérilla. Surtout, il a gagné le respect des populations syriennes locales, qui louent le courage et la générosité de ses combattants. Comment expliquer sa radicalisation ?
Pour Thomas Pierret (1), maître de conférences en islam contemporain à l'université d'Édimbourg, c'est l'inaction de la communauté internationale qui a favorisé l'émergence du djihadisme en Syrie. "Cela fait deux ans que des populations sont massacrées de façon ignoble par des avions et des missiles Scud", juge ce spécialiste de la Syrie. "Hormis les djihadistes, peu de gens sont prêts aujourd'hui à aider les Syriens", souligne-t-il. Le Front al-Nosra change de nature au cours de l'année 2012. L'organisation enregistre l'arrivée de plusieurs centaines de combattants étrangers, notamment en provenance du terrain irakien, profitant de la porosité de la frontière pour mener le djihad en Syrie.
"Désormais majoritaires (aux deux tiers) par rapport aux Syriens, ces djihadistes étrangers ont modifié la mission initiale du Front al-Nosra, qui était de faire tomber le régime alaouite (secte issue du chiisme, NDLR) de Bachar el-Assad, accusé de tuer des musulmans sunnites", souligne Mathieu Guidère (2), professeur d'islamologie à l'université de Toulouse-Le Mirail. "L'idéologie djihadiste des premiers combattants syriens est peu à peu devenue martyriste. L'agenda, tout d'abord national syrien, est devenu régional."
La proximité avec la nébuleuse islamiste se retrouve également au niveau opérationnel. "Kidnappings, exécutions spectaculaires, attentats-suicides ciblés et coordonnés, le Front al-Nosra a peu à peu adopté la quasi-totalité des techniques qu'al-Qaida utilise en Irak depuis 2004, note l'islamologue Mathieu Guidère. Peu à peu, le Front al-Nosra est devenu l'avatar d'al-Qaida en Irak." Ce constat a été établi dès décembre par les États-Unis qui, au grand dam de l'opposition syrienne, ont placé le groupe sur leur liste noire des organisations terroristes, en tant qu'émanation d'al-Qaida en Irak. Un présage, sans doute.
Inaction de la communauté internationale
Pour Thomas Pierret (1), maître de conférences en islam contemporain à l'université d'Édimbourg, c'est l'inaction de la communauté internationale qui a favorisé l'émergence du djihadisme en Syrie. "Cela fait deux ans que des populations sont massacrées de façon ignoble par des avions et des missiles Scud", juge ce spécialiste de la Syrie. "Hormis les djihadistes, peu de gens sont prêts aujourd'hui à aider les Syriens", souligne-t-il. Le Front al-Nosra change de nature au cours de l'année 2012. L'organisation enregistre l'arrivée de plusieurs centaines de combattants étrangers, notamment en provenance du terrain irakien, profitant de la porosité de la frontière pour mener le djihad en Syrie.
Combattants étrangers
La proximité avec la nébuleuse islamiste se retrouve également au niveau opérationnel. "Kidnappings, exécutions spectaculaires, attentats-suicides ciblés et coordonnés, le Front al-Nosra a peu à peu adopté la quasi-totalité des techniques qu'al-Qaida utilise en Irak depuis 2004, note l'islamologue Mathieu Guidère. Peu à peu, le Front al-Nosra est devenu l'avatar d'al-Qaida en Irak." Ce constat a été établi dès décembre par les États-Unis qui, au grand dam de l'opposition syrienne, ont placé le groupe sur leur liste noire des organisations terroristes, en tant qu'émanation d'al-Qaida en Irak. Un présage, sans doute.
État islamique
Dans un message sonore mis en ligne dimanche sur des sites islamistes, ce dernier avait appelé les djihadistes en Syrie et en Irak à s'unir contre le régime de Bachar el-Assad et ses alliés, l'Iran et le Hezbollah chiite libanais, pour rétablir le "califat islamique". La référence ne doit rien au hasard. Au VIIe siècle, c'est à Damas que la dynastie des califes Omeyyades (661-750) a établi son califat (État islamique sous l'autorité du calife, le successeur du Prophète), plus grand État musulman de l'histoire.
L'opposition, principale victime
Armin Arefi