Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 14 janvier 2013

Le fiasco de la DGSE à Bullo Mareer


C'est vrai, c'est un fiasco assure-t-on à la DGSE au surlendemain de l'opération visant à libérer Denis Allex, un agent du Service retenu en otage en Somalie depuis trois ans et demi. Ce matin, les services secrets français encaissaient le coup et il est rude : l'otage aurait été tué, ainsi que deux membres du commando. Un représentant de l'Elysée  s'est rendu ce matin à la "Centrale", porte des Lilas, pour y témoigner du soutien des autorités. Un hommage solennel, présidé par le directeur Erard Corbin de Mangoux, a été rendu aux morts.

Que s'est-il passé exactement dans la nuit de vendredi à samedi ? Le déroulement exact des faits reste et restera sans doute longtemps entouré de beaucoup d'obscurité.

L'opération a été préparé depuis plusieurs mois, à partir du moment où Denis Allex a été localisé dans une maison de Bullo Mareer, une ville située à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Mogadiscio, un peu à l'intérieur des terres. Les négociations avec les ravisseurs, le groupe Shebab al-Islami se sont révélées impossibles et il a été décidé de recourir à une opération spéciale. Le président François Hollande a donné son feu vert dans les dernières semaines, laissant à la DGSE et aux militaires le soin de déterminer le moment exact, en fonction de considérations techniques et météorologiques.

Comme l'a révélé Jean Guisnel, le commando est parti du BPC Mistral de la Marine nationale. Une cinquantaine d'hommes du Service Action de la DGSE, issu notamment du CIPS de Perpignan, ont été héliportés par des appareils du GAM-56 (DGSE) et du COS. Les armées ont fourni les moyens logistiques, mais il s'agit bien d'une opération de la DGSE, qui a été commandée par l'état-major du Service Action. Un spécialiste reconnait qu'il s'agit d'une "belle opération interarmées d'envergure. Une première". Des alliés, en particulier américains, ont fourni une aide technique (transmissions et écoutes).

Le commando a été déposé par quatre hélicoptères Caracal (avec un ou deux Tigre en soutien) à environ trois kilomètres de l'objectif : la maison dans laquelle était détenue Denis Allex. Que s'est-il alors passé ? On le sait pas exactement. Il semblerait que, arrivant discrètement à proximité de la maison,  les militaires français soient tombés, par hasard, sur des miliciens islamistes. Des coups de feu ont été échangés et l'alerte donnée. Les "shebabs" ont eu le temps de se renforcer. Plus d'effet de surprise et un parti adverse plus fort que prévu : l'opération était à l'eau.

Denis Allex aurait été exécuté par ses ravisseurs pendant l'assaut français. Deux autres militaires, dont un officier, ont été tués et le corps de l'un d'entre eux a été évacué par ses camarades, alors qu'il était grièvement blessé. Un autre était porté disparu et les services ont la certitude qu'il n'a pas été capturé vivant. 17 djihadistes auraient été tués.

L'identité des deux militaires français tués reste couverte par l'anonymat sous lequel servent les personnels du Service Action. Il en va de même de 'identité réelle de Denis Allex, connu uniquement sous ce pseudonyme.

Praticiens de la guerre psychologique, les islamistes somaliens viennent de mettre en ligne sur leur compte ...... (qui revendique près de 19.000 abonnés !)  les photos du cadavre d'un homme blanc, présenté comme le chef du commando ayant échoué à libérer samedi en Somalie l'otage français Denis Allex, prisonnier depuis 2009. Cette pratique irrespectueuse répond à celles tout aussi douteuses de soldats américains en Irak et en Afghanistan. Il fallait s'y attendre.

"Le commandant français tué durant l'opération de secours bâclée à Bulomarer", indique la légende de l' image, sur laquelle apparaît un jeune homme aux cheveux courts, portant des marques sur le visage, vêtu d'un pantalon clair et d'une chemise sombre.


"François Hollande, cela en valait-il la peine?" dit la légende de la photo sur laquelle le corps apparaît en plan plus large, à côté de matériel militaire, dont des armes, des chargeurs, un gilet pare-balles, un casque, un sac à dos et des optiques. Sur ses jambes sont posés une arme de poing et un fusil d'assaut, tous deux munis de silencieux et de couleur camouflage. L'homme décédé porte des chaussures de type militaire et un gant de protection à la main droite.


La photo montre son visage en gros plan. Du col de la chemise dépasse, vraisemblablement mises volontairement en évidence, une chaîne et une petite croix chrétienne argentées. "Retour des Croisades, mais la croix n'a pu le sauver du sabre", dit la légende.



Une photo décrite comme celle d'une "partie du butin récupéré des forces françaises en fuite" montre deux fusils d'assaut et une arme de poing, tous couleur camouflage et équipés de silencieux, et plusieurs chargeurs.

Dans un autre texte publié en même temps que les photos, les shebab affirment avoir jugé l'otage français et annoncent qu'ils communiqueront sous peu sur son sort.

On peut trouver cela choquant/irrespectueux/etc... (à juste titre, je ne cautionne pas la pratique loin de là: je la condamne). Mais regardons nous en face : combien parmi nous rêvaient de voir circuler sur ces mêmes réseaux sociaux une photo prise un certain 2 mai 2011 à Abbottabad, Pakistan?

Les réseaux sociaux ont des effets pervers dans les deux camps. Quand ils vont dans notre sens, on s'en félicite, mais à l'inverse...

Pour le moment, nous ne savons pas si le corps de ce soldat sera ou non restitué à la France. TF121 apporte son soutien à sa famille ainsi qu'à ses compagnons d'armes.

Beast89