Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 12 novembre 2012

La version officielle de la cause de la démission du chef de la CIA peine à convaincre


Officier brillant et jouissant d’une grande popularité aux Etats-Unis pour son action en Irak, le général David Petraeus annonçait, le 9 novembre, sa démission de la CIA, qu’il dirigeait depuis un peu plus d’un an, en raison d’une liaison extra-conjugale.

Mais est-ce là la vraie cause de ce départ dont l’annonce est venue trois jours après la réélection de Barack Obama à la Maison Blanche alors que le général Petraeus aurait été sollicité par Mitt Romney, le candidat républicain vaincu, pour éventuellement devenir son vice-président?

Membre de la majorité démocrate au Sénat et présidente de la Commission du renseignement, Dianne Feinstein a estimé, au lendemain de l’annonce du général Petraeus, qu’une “erreur n’aurait pas dû avoir mené à son départ.” Et même d’ajouter : “J’aurais préféré que le Président Obama refuse sa démission. Je voulais qu’il continue. Il était bon, il aimait son travail et a une maîtrise des questions de renseignement sans équivalent.”

En tout cas, l’histoire qui est à la base de cette affaire tient du vaudeville. Tout a commencé quand une certaine Paula Broadwell, la maîtresse du général Petraeus, qui est aussi sa biographe, a envoyé des courriels incendiaires à une autre femme, une employée de la base aérienne de Tampa en Floride, qu’elle voyait comme une rivale potentielle. Cette dernière est entré en relation avec le FBI pour faire cesser ce harcèlement.

C’est en analysant les courriels envoyés par Paula Broadwell que les agents fédéraux ont été mis au courant de la liaison qu’elle entretrenait avec la général Petraeus. Et comme elle semblait avoir accès au compte Gmail de ce dernier, ils se sont inquiétés d’une possible atteinte à la sécurité nationale. Finalement, l’enquête, commencée au printemps dernier, a conclu à l’absence de danger de ce côté là.

Cependant, plusieurs questions restent en suspens. Pourquoi le général Petraeus a cru bon de devoir démissionner en novembre alors que sa relation avec Paula Broadwell – qui a pris fin cet été – était manifestement connu étant donné qu’elle faisait même jaser à Washington, y compris entre les murs de la CIA?

Autre interrogation : comment se fait-il que le président Obama n’ait pas été tenu au courant d’une enquête fédérale concernant le chef de la pricipale agence de renseignement du pays? Le directeur du FBI, Robert Mueller, aurait-il perdu le numéro de téléphone de la Maison Blanche? Or, pour lancer ses investigations, le Bureau a obligatoirement dû obtenir le feu vert du procureur général, Eric Holder, lequel dirige le département de la Justice…

Cela dit, la commission du renseignement, au Sénat, n’a pas été informée non plus, alors qu’elle aurait dû l’être. Sa présidente a annoncé l’ouverture d’une enquête pour en déterminer les raisons.

Quoi qu’il en soit, la démission du général Petraeus a été acceptée alors qu’il devait être auditionné au Congrès au sujet de l’affaire de l’attaque du consulat américain de Benghazi, le 11 septembre dernier. L’ambassadeur des Etats-Unis en Libye y avait perdu la vie, de même que trois de ses compatriotes. Du coup, l’administration Obama a indiqué qu’il n’est plus question de faire témoigner le désormais ancien patron de la CIA.

Or, depuis le début, la Maison Blanche, et plus généralement les responsables américains en exercice, ont donné des versions contradictoires de cette affaire. Après avoir nié le caractère terroriste de l’attaque, ils ont été finalement amenés à le reconnaître. Cela n’a pas eu d’incidences sur la réélection de Barack Obama. Mais tout de même, des zones d’ombres subsistent et il est difficile de faire la part du vrai et du faux dans les déclarations des uns et des autres.

Et l’audition du général Petraeus par la commission du Sénat aurait permis d’éclaircir le rôle de la CIA dans cette affaire, laquelle disposait d’une annexe à seulement quelques mètres du consulat attaqué. La Centrale de Langley s’est récemment défendue des accusations de passivité portée contre elle. Et il est probable que son ancien patron ait eu à donner une version des faits différente de celle fournie par la Maison Blanche…