Le soldat américain, accusé d'être la «taupe» de WikiLeaks, a raconté jeudi lors de son premier témoignage devant la justice militaire, «le stress», «la peur» et les humiliations auxquelles il a été soumis lors de son incarcération.
Fines lunettes sur un visage poupon, Bradley Manning vêtu de son uniforme militaire, a répondu d'une voix parfois tremblante, aux questions de son avocat sur le régime carcéral ultra-sévère qui lui a été imposé après son arrestation en mai 2010 en Irak.
«J'étais complètement perdu», «j'étais dans une situation de stress car je ne savais pas ce qui se passait», a-t-il déclaré d'un ton clair.
Agé de 24 ans, cet ancien analyste du renseignement en Irak est accusé d'avoir transmis au site internet WikiLeaks, entre novembre 2009 et mai 2010, des documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan, et 260'000 dépêches du département d'Etat.
«Mes nuits étaient mes jours»
Il encourt la perpétuité. Pendant ses premières semaines de détention au Koweït, il a eu droit à des livres, à quelques effets personnels et à trois coups de téléphone, dont l'un à sa tante et un autre à son compagnon de l'époque. Mais «j'ai perdu ce privilège très vite». «J'ai commencé tout d'un coup à m’effondrer», a-t-il confié, assis sur le banc des témoins du tribunal de la base militaire de Fort Meade (Maryland, est).
«Mes nuits étaient mes jours et mes jours étaient mes nuits», a-t-il dit, avec force gestuelle. «Je passais tout mon temps tout seul, mon monde s'est rétréci».
Son avocat, David Coombs, l'a ensuite interrogé sur ses conditions de détention extrêmement restrictives lors de son transfert à la prison militaire de Quantico, près de Washington. Bradley Manning demande au juge l'abandon de toutes les charges, arguant que ses 9 mois d'emprisonnement préventif, 23 heures par jour à l'isolement, constituent une «sanction illégale».
«J'avais très très peur»
Paradoxalement, «j'étais très heureux» à mon arrivée à Quantico, en juillet 2010, après plus de deux jours de vol, via Manheim en Allemagne, sans aucune notion du temps ni connaissance de sa destination.
«J'avais très très peur» sans savoir si «j'allais atterrir à Guantanamo», a ajouté le simple soldat. Quantico, évidemment, «ce n'était pas un environnement idéal, mais c'était le continent américain», a-t-il souri, «on m'avait dit que ma famille pourrait me rendre visite».
Mais il a vite déchanté. Dans un souci de reconstitution, sur le sol de la salle du tribunal a été tracée à la craie, sa cellule de Quantico de moins de 2 mètres sur 2,5. «Il n'y avait pas d'accès à la lumière naturelle, on ne pouvait pas voir la fenêtre au fond du couloir», a-t-il rapporté, parlant du plafond bas, du lit en métal et des toilettes «la première chose qu'il voyait le matin».
Traitements cruels et inhumains
Parce qu'il avait été placé sous «surveillance maximale anti-suicide», le soldat était «contrôlé toutes les cinq minutes», n'avait droit qu'à «20 minutes de soleil» par jour et s'était vu retirer ses lunettes de vue. Il devait réclamer son papier toilette, enlever tous les soirs ses sous-vêtements et dormir sur le dos avec une couverture rêche anti-suicide.
Des psychiatres ont témoigné lors de cette audience préliminaire prévue jusqu'à dimanche, que le soldat avait été victimes de traitements cruels et inhumains à Quantico où il a été incarcéré jusqu'en avril 2011.
Il est actuellement détenu à la prison de Fort Leavenworth dans le Kansas (centre) où plus d'égards lui ont été accordés.