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dimanche 20 mai 2012

Drame de Carcassonne : un "dépôt clandestin" de munitions chez les commandos parachutistes


Drame de Carcassonne : un "dépôt clandestin" de munitions chez les commandos parachutistes


L'ordonnance de renvoi de six militaires du 3ème RPIMa, en date du 18 mai, contient des précisions sur l'arrière-plan du drame lors de la journée porte-ouvertes, au cours duquel 19 personnes ont été blessées, dont certaines très sérieusement. Un éclairage particulier est jeté sur la gestion des munitions par le Groupe de commandos parachutistes (GCP) du régiment. Voilà ce qu'on peut lire dans le document judiciaire (c'est nous qui soulignons):

"A l'occasion de l'enquête administrative de commandement réalisée à la suite de l'accident, le 2 juillet 2008, de nombreuses munitions étaient découvertes irrégulièrement stockées dans un local réservé au GCOP, dont des munitions d'exercice à blanc, mais aussi six caisses renfermant notamment 5200 munitions de guerre cal 5;56 en vrac. De l'aveu général du GCP, ce stock provenait de reliquats grappillés par les membres du commando au cours de divers exercices de tir, et ce depuis plus de cinq ans

Conformément à une pratique répandue dans les unités d'élite, ce dépôt clandestin avait été constitué, d'une part, pour éluder la lourde procédure militaire de réintégration de smuntions non-utilisées, d'autre part pour permettre aux membres du commando de disposer immédiatement pour certains exercices d'un supplément de munitions. A cette fin, à l'issue d'exercices de tir, les bulletins de mouvements des munitions, signés au GCP par le munitionnaire et le directeur du tir concernés, étaient mensongèrement renseignés, comptabilisant comme consommées des munitions en réalité non-utilisées et ainsi détournées.

Ce stock devait être toutefois replacé dans son contexte. Le 3ème RPIMa consomme de l'ordre de 500.000 munitions de guerre par an (et 35 millions par an pour l'armée de terre).
Selon l'enquête de commandement, la majeure partie des munitions saisies provenaient de perceptions faites à l'extérieur du 3ème RPIMa, le GCP étant souvent employé pour des missions au profit de la 11ème Brigade parachutiste.

La découverte d'un important stock illicite de munitions dans les locaux du GCP révélait un certain laxisme (...) Avaient été délibérément méconnues les consignes militaires permanentes et réitérées (...) La faute caractérisée consistait (...) à avoir favorisé dangereusement la dissipation des munitions de guerre et leur usage inadéquat".

Le document précise plus loin que "200 kilos" de munitions diverses ont été découvertes dans le local du GCP, qui se composait de 20 commandos.

Six militaires seront finalement jugés par le Tribunal correctionnel de Montpellier, sans doute à l'automne : le sergent Nicolas Vizioz (qui a tiré sur la foule), le lieutenant Christophe Allard et le capitaine Hugues Bonningues, cadre du GCP, le capitaine Jean-Baptiste Pothier (organisateur des démonstrations), le lieutenant-colonel Lionel Peyre (commandant en second) et le colonel Frédéric Merveilleux du Vignaux (chef de corps). L'adjudant-chef Claude Chocquet, munitionnaire du régiment, bénéficie d'un non-lieu.

Nicolas Vizioz a été révoqué de l'armée. Actuellement intérimaire, le juge d'instruction précise qu'il "ne cherche pas à fuir ses responsabilités mais les assume avec courage". Le lieutenant Allard a démissionné et le contrat du capitaine Bonningues n'a pas été renouvelé. L'adjudant-chef Chocquet (qui ne sera pas jugé) est parti à la retraite. Les trois autres officiers sont toujours en service actif.

Jean-Dominique Merchet
Secret Défense