Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 24 octobre 2010

Violons désaccordés à l’état-major des armées

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A Paris, le grand chef fanfaronne. A Kaboul, un général remet les pendules à l’heure.



L’amiral Edouard Guillaud,
Chef d’état-major des armées




Le Général Pierre Chavancy,
Commandant de la brigade française Lafayette engagée en Afghanistan


Alors que l’Assemblée n’a jamais été autorisée à se prononcer "pour " ou "contre" l’engagement français en Afghanistan, les Députés membres de la commission de la Défense ont eu le plaisir, le 6 octobre, de recevoir la visite de l’amiral Guillaud. et, en patron des armées qui se respecte, celui-ci leur a servi une version lénifiante de la guerre. A consommer avec modération.

"N’en déplaise aux Cassandres et autres défaitistes, a proclamé l’amiral, nous remportons des succès en Afghanistan.je ne dis pas que nous avons gagné [mais] que la stratégie que nous avons mise en place commence à porter ses fruits. Puis, emporté par son élan, le chef d’état-major en a rajouté: "Au sein des armées afghanes, les désertions reculent (sic;). Militairement (?), les taliban savent qu’ils ne peuvent plus gagner. Kaboul est aujourd’hui plus sûre que Bagdad ou New-York." Obama en sera flatté ?

Ce même 6 octobre, alors que l’amiral Guillaud discourait à l’Assemblée, le général Pierre Chavancy recevait à Kaboul Alissa Rubin, envoyée spéciale du "New York Times". Commandant les 2500 hommes de la brigade française Lafayette, engagée dans la province de Kapisa, le général Chavancy s’est montré plus franc que son patron Guillaud.

"Il n’y a pas eu beaucoup d’évolutions depuis les 2 dernières années et demie, depuis que l’armée française patrouille dans la zone, a-t-il confié à la journaliste américaine. Les filles ne sont toujours pas autorisées à aller à l’école, et tout déplacement, à plus forte raison tout voyage à l’intérieur de la région, peut être dangereux…."

En poste sur le front depuis 6 mois, ce général doit savoir de quoi il parle. Et nos chefs de guerre devraient accorder leurs violons avant de parler métier….

•700 milliards de dollars, c’est le budget annuel du Pentagone. Lequel a doublé ses dépenses depuis 2001, avec les guerres menées en Afghanistan et en Irak. Peut mieux faire encore, sans doute.
•1,3 million d’euros environ par jour de "surcoût" pour le contingent français en Afghanistan. Soit ce qu’il faut dépenser en plus quand les soldats quittent leur garnison pour aller combattre les talibans.
•Avions et drones américains mettent le paquet. Exemple: 25 bombes et missiles ont été déversés sur les insurgés chaque jour en septembre dernier. Objectif, béni par Obama: amener les talibans à négocier avec le gouvernement Karzaï, ou obtenir des ralliements, voire des désertions. Bombarder plus pour négocier plus ?
•A l’état-major français des armées, on cite cette confidence, sans précautions oratoires, de plusieurs collègues britanniques. selon eux, leur participation à la guerre d’Afghanistan prendra fin en 2015. Un voeux pieu ou un pari ?

Le Canard Enchaîné