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mercredi 9 septembre 2009

L’armée américaine a étudié la possibilité d’utiliser des substances radioactives pour des assassinats

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C’était l’un des plus vieux secrets de la Guerre froide : l’armée américaine a étudié la possibilité d’utiliser des substances radioactives pour assassiner des dirigeants civils ou militaires, selon de nouveaux documents "déclassifiés" obtenus par l’agence Associated Press.

Approuvée au plus haut niveau de l’armée en 1948, la stratégie s’inscrivait dans un "nouveau concept de guerre" visant à utiliser des matières radioactives issues de la fabrication d’armes atomiques pour contaminer des terres ou installations ennemies.

Les experts affirment n’avoir jamais vu la moindre preuve de recherches sur une arme destinée à assassiner dans le cadre de ce programme. Reste que de telles méthodes ont déjà été employées : l’an dernier, l’ex-agent du KGB devenu bête noire du Kremlin Alexandre Litvinenko est mort à Londres après avoir été empoisonné au polonium-210, une substance radioactive.

Aucun individu ciblé n’est mentionné dans les documents rendus publics suite à une demande de l’AP formulée en 1995 dans le cadre de la loi sur la liberté de l’information. Les archives vieilles de plusieurs décennies communiquées à l’AP ont été expurgées de nombreuses informations jugées sensibles, une censure qui dénote la crainte des autorités de voir des terroristes se doter de telles armes.

Les documents ne précisent pas si une arme radiologique destinée à frapper de hauts responsables a jamais été utilisée ou mise au point par les États-Unis, ni le degré d’avancement des recherches de l’armée dans ce domaine.

Le programme a en tout cas été autorisé en novembre 1948 et a commencé le mois suivant. Un mémorandum du 16 décembre 1948 estampillé "secret" décrit un projet visant à utiliser les matières radioactives à des fins militaires. L’étude sur une "arme subversive pour l’attaque d’individus ou de petits groupes" est toutefois présentée comme un but secondaire.

Les trois grandes priorités du projet portent, par ordre d’importance, sur des armes pouvant être larguées dans les airs pour contaminer "durablement des zones peuplées ou autrement stratégiques" ; des munitions radioactives et hautement explosives "pour provoquer simultanément des dégâts matériels et une contamination radioactive" ; des armes pouvant contaminer une zone de manière à la rendre inutilisable pour l’ennemi.

L’objectif affiché était de produire un prototype pour les deux premières priorités avant le 31 décembre 1950. Le 4e but recherché était la mise au point de "munitions pour des attaques contre des individus" utilisant des agents radioactifs pour lesquels il n’existe "aucun traitement".

"Cette catégorie de munitions est proposée pour l’usage des agents secrets ou des unités subversives dans des attaques létales contre de petits groupes d’individus importants, par exemple lors de réunions de dirigeants civils ou militaires", précise le mémorandum. Selon le projet, ces armes devaient permettre aux États-Unis de commettre des assassinats secrètement sans que leur implication puisse être démontrée.

Ce n’est qu’en 1976 que le président Gerald Ford a explicitement interdit l’assassinat de personnalités étrangères par des agents du gouvernement américain, quand il a fallu révéler que la CIA avait cherché dans les années 1960 à tuer le président cubain Fidel Castro, en l’empoisonnant notamment.

Le programme plus global de l’armée sur le potentiel offensif des armes radiologiques a pris fin apparemment aux alentours de 1954. On ignore s’il a été poursuivi par un autre organisme, comme la CIA, créée en 1947.

Les documents déclassifiés sont contenus dans les dossiers du Programme sur les armes spéciales des forces armées conservés par les Archives nationales américaines.
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Robert Burns