Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 7 septembre 2009

Des écoutes mystérieuses

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Elles sont l’objet de tous les fantasmes… Les « grandes oreilles » de Tontouta, installées depuis six ans, sont visibles de tous. Un certain mystère réside en revanche sur leur raison d’être et leur fonctionnement, même si on sait qu’elles constituent de véritables « aspirateurs à ondes ».

Et qu’elles doivent écouter beaucoup de choses… Tentative de décryptage.

Faites un test amusant. Adressez-vous à n’importe quel officier supérieur et posez-lui cette simple question : « C’est quoi, ces grosses paraboles entourées d’une double barrière très haute avec des barbelés et des caméras partout, située derrière l’aéroport de Tontouta ? » Généralement, vous aurez droit à un sourire en coin ou à une moue dubitative suivie d’une réponse du type : « Honnêtement, je n’en sais rien. Sûrement une station d’écoute ou un truc dans le genre. »

Forcément, tout bon militaire sait qu’il y a effectivement un « centre de télécommunications militaire » (CTM, l’appellation officielle) à la Tontouta. Sans en savoir forcément plus. Car même si les installations sont visibles par tout un chacun, l’extrême discrétion qui entoure l’activité de cette unité fait partie d’un principe essentiel : la séparation de chacun des acteurs qui interviennent dans ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté du renseignement ». C’est à cette occasion-là que le surnom de « grande muette » peut s’appliquer le mieux à l’institution militaire…

La surveillance des ondes, l’interception et l’analyse de télécommunications depuis l’espace est une composante essentielle de ce travail de renseignement. C’est la fonction principale du CTM de La Tontouta, qui, à l’instar de plusieurs autres stations d’écoutes françaises, constitue un véritable relais aux « aspirateurs d’ondes » que sont certains types de satellites. Ils sont sans doute voraces de tous les types de télécommunications, du téléphone au mail en passant sans doute par les liaisons militaires dont très certainement celles d’autres pays que la France…

Car cette « quatrième dimension » participe désormais pleinement à la récolte du renseignement. A un point tel qu’en octobre 2003, dans un rapport parlementaire intitulé « Défense, espace, communication et renseignement », le député rapporteur Yves Fromion soulignait que « l’intro­duction de la dimension spatiale a progressivement révolutionné les techniques de communication et d’acquisition du renseignement, au point qu’il n’est pas exagéré de dire que l’espace a changé l’art de la guerre ».

« Même si un général veut aller y faire une petite visite, il y a de grandes chances pour qu’on lui en refuse l’accès »

Plus loin, le député indiquait que « les services de renseignement recourent de plus en plus aux nouvelles technologies de l’information et des communications ». Même si le décalage avec les Etats-Unis existe, cette présence stratosphérique reste une impérieuse nécessité pour une nation qui entend jouer les premiers rôles sur la scène mondiale. Et de ce point de vue-là, la présence française aux quatre coins du monde lui a permis d’installer ses stations d’écoute un peu partout sur le globe. Officiellement, il s’agit de « veiller aux intérêts nationaux ». Y compris et surtout en guettant ce qui peut se passer ou s’échanger chez son voisin…

Le CTM de La Tontouta fait ainsi partie de ce maillage de surveillance surnommé ironiquement « Frenchelon » par les Anglo-Saxons, en référence au réseau « Echelon » des Américains. D’après Claudine Guerrier, enseignante et chercheuse qui a publié un récent rapport sur les écoutes, cité par Le Figaro, la station d’écoutes de la Tontouta dépend directement de deux services phare du renseignement : la DGSE (Direction générale de la surveillance extérieure, « DG » pour les intimes) et la DRM (Direction du renseignement militaire), ce que confirme une source.

Du personnel militaire mais aussi en grande partie civil, soumis à des obligations bien particulières : celle notamment de se faire discret. Ces employés disposent par ailleurs d’un accès très réglementé à leur lieu de travail, qui reste soumis aux contraintes du « secret défense ». « Même si un général ou un haut fonctionnaire veut aller y faire une petite visite, il y a de grandes chances pour qu’on lui en refuse l’accès, On ne se rend sur le site qu’en cas d’obligation à agir », confie une source. Il y a donc peu de chance qu’une journée portes ouvertes y soit organisée un jour… D’ici là, les « grandes oreilles » de la Tontouta continueront donc d’alimenter leur part de fantasmes…
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Derrière l’aéroport de Tontouta, s’élèvent de grosses paraboles entourées d’une double barrière avec des barbelés et des caméras partout. Ce sont les grandes oreilles des services de renseignement.
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Pierrick Chatel