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mercredi 22 juillet 2009

Les otages français risquent un procès

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La milice islamiste somalienne d’Al Chabaab n’exclut pas d’organiser un procès pour juger les deux otages français

Les deux Français, en mission d’assistance en matière de sécurité, ont été capturés mardi dernier à l’hôtel Sahafi de Mogadiscio.

A Varsovie, Bernard Kouchner, a assuré que des contacts "multiples" avaient été noués pour obtenir leur libération. Mogadiscio a pourtant annoncé dimanche que les contacts avec les ravisseurs des Français étaient rompus.

Dimanche, sur Europe 1, le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, a assuré que "des messages" passaient entre la France et le groupe qui détient les deux Français, mais que des négociations n’étaient "pas engagées à proprement parler". M. Guéant a ajouté qu’il avait eu "des nouvelles rassurantes", et que les deux otages étaient "bien traités".

Du côté de Mogadiscio, le pessimisme était de mise : "Il semble que les espoirs de négociations pour libérer les otages français diminuent (...) car tous les contacts avec les ravisseurs sont rompus jusque présent et le gouvernement ne sait pas où se trouvent les deux" hommes, a expliqué un haut responsable des services de sécurité somaliens sous couvert de l’anonymat.

Un responsable de la police de Mogadiscio, Mohamed Adan, a indiqué n’avoir "pas plus d’information sur les otages" et croire "qu’ils ne sont plus à Mogadiscio ; tous les efforts pour joindre les ravisseurs arrivent à leurs fins en raison de la décision des ravisseurs d’amener les otages devant un tribunal islamique."


Les otages sous le coup de la charia

Les deux agents français enlevés mardi 14 juillet à Mogadiscio vont être "jugés et punis bientôt selon la loi coranique" (charia), avait affirmé samedi un haut responsable des extrémistes islamistes somaliens des shebab. "Les hommes que nous avons pris aidaient le gouvernement apostat (somalien) et leurs espions. Ils feront face au tribunal pour espionnage et être entrés en Somalie pour aider les ennemis d’Allah", a assuré ce dirigeant des insurgés islamistes.

"La décision sur leur sort dépendra (...) du tribunal islamique qui entendra les charges pesant contre eux", a-t-il ajouté. Les deux agents français, enlevés mardi dans leur hôtel à Mogadiscio, sont aux mains des insurgés islamistes qui mènent une offensive sans précédent pour renverser le fragile gouvernement somalien de transition soutenu par la communauté internationale.
Sur la tenue éventuelle d’un tel procès, Claude Guéant a considéré dimanche que "rien ne nous permet de le penser".

Le ministre somalien des Affaires sociales Mohammed Ali Ibrahim a quant à lui déclaré samedi sur France 24 que les otages français avaient été "éloignés" de la capitale Mogadiscio. "Ils ont été transportés hors de Mogadiscio dans une ville proche d’ici (la capitale) à Marka ou peut-être plus loin", a dit en arabe le ministre, selon une traduction en français de la chaîne. "Tant qu’ils étaient ici (à Mogadiscio, ndlr), il y avait des contacts. Des intermédiaires étaient en contact avec des shebab et nous savions qu’ils étaient en bonne santé. Mais depuis ce matin, ils ont été éloignés. il faut s’en préoccuper et prendre des initiatives fortes."

Vendredi, le même ministre somalien avait assuré que les deux otages étaient aux mains des shebab. Ce groupe, considéré comme un allié d’al-Qaida, avait exigé que les deux hommes, capturés initialement par une autre milice, lui furent remis.

Par le passé, la plupart des enlèvements de ressortissants étrangers se sont conclus par un versement d’argent en échange de la libération des otages.


Qui sont les deux Français ?

Selon le quai d’Orsay, les deux otages sont des "conseillers en mission d’assistance auprès du gouvernement somalien" qui "apportaient une aide en matière de sécurité au gouvernement fédéral de transition" du président somalien Cheikh Charif. "Dès que cette information a été connue, tous les services de l’Etat concernés se sont mobilisés", a précisé le Quai d’Orsay. Celui-ci ne donne aucune autre précision sur l’identité de ces deux hommes, le fait de savoir s’il s’agit de militaires ou de civils, leur corps d’origine, comme la durée de leur présence en Somalie.


Guerre civile

La Somalie subit une guerre civile depuis 1991. Les combats ont fait au mois 18.000 morts et des centaines de milliers de déplacés depuis l’intervention, en 2006, des forces éthiopiennes pour chasser de Mogadiscio le régime des Tribunaux islamiques. La rébellion islamiste n’a toutefois pas rendu les armes et contrôle toujours le sud du pays, plusieurs secteurs de l’Ouest et une partie de la capitale.


De nombreux enlèvements

Par ailleurs, trois employés étrangers d’une organisation humanitaire ont été enlevés dans la nuit de vendredi à samedi au Kenya, à la frontière somalienne, par des hommes armés qui les ont emmenés en Somalie, où les rapts d’étrangers se multiplient.

Des étrangers sont régulièrement enlevés en Somalie où le gouvernement fait face depuis début mai à une offensive sans précédent d’islamistes radicaux des shebab et de la milice Hezb al-Islamiya. Ils sont en général libérés sains et saufs contre rançon, au terme d’une période qui peut aller de quelques jours à quelques mois. Journalistes et humanitaires sont particulièrement visés.

La journaliste canadienne Amanda Lindhout et le photographe australien Nigel Geoffrey Brennan, enlevés le 23 août 2008, sont toujours détenus par leurs ravisseurs. De même, quatre employés européens de l’ONG française Action contre la faim et leurs deux pilotes kényans, enlevés début novembre, sont toujours séquestrés.


Les relations entre la France et la Somalie

La France a repris il y a moins de cinq mois, à la faveur de la lutte contre la piraterie maritime, de timides relations avec la Somalie. Un pays "dont le gouvernement est certes reconnu par la communauté internationale" mais qui reste à la tête "d’un non-Etat", a résumé un responsable français sous couvert d’anonymat.

Depuis le printemps, la France travaille à la mise sur pied d’une formation à Djibouti d’un bataillon somalien de 500 hommes. Les deux otages pourraient ainsi être un élément précurseur chargé par exemple de participer à la sélection des hommes qui doivent être formés à partir d’août à Djibouti. 2900 militaires français, ainsi que des avions de surveillance et de combat, stationnent à Djibouti.

Pour Paris, la lutte contre la piraterie maritime, qui s’est considérablement développée ces dernières années au large de la Somalie, passe notamment par une aide à sa reconstruction institutionnelle et économique.

Le dernier engagement important de la France en Somalie remonte à 1993 et à l’opération de paix Onusom II de l’ONU, forte de 28.000 Casques bleus. Déployés à Baïdoa et sa région, dans l’arrière-pays, 1100 militaires français avaient contribué à la sécurité de l’acheminement de l’aide humanitaire, au contrôle de la cessation des hostilités, à la saisie d’armes et au déminage.


Inquiétude des journalistes

Selon un policier somalien et la direction de l’hôtel, les deux otages s’étaient apparemment enregistrés à l’hôtel comme journalistes. Mais le ministère français des Affaires étrangères dément. "Etant en mission officielle, leur statut était également officiel et n’était pas celui de journalistes (...) nous n’avons aucun élément authentifiant l’indication initiale faite localement selon laquelle ils se seraient prévalus d’un autre statut que le leur", affirme un porte-parole du Quai d’Orsay, Frédéric Desagneaux.

Reporters sans frontières (RSF), la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) ainsi que la Fédération internationale des journalistes déplorent ces informations. "Ce subterfuge est de nature à compliquer l’accès à une information libre et indépendante et vient rendre encore plus aléatoire, voire dangereux, l’exercice de la profession dans ces pays", dénonce la CCIJP. "Être journaliste n’est pas une couverture. C’est un métier.

Ces deux conseillers, dont nous souhaitons bien sûr la libération rapide, étaient en mission officielle et n’avaient pas à recourir à ce procédé pour se couvrir. Leur attitude met les journalistes en danger dans une région où ils le sont déjà", a déploré pour sa part l’organisation Reporters sans frontières (RSF).

La Fédération internationale des journalistes a réagi dans le même sens : "La Somalie est déjà un pays dangereux pour les journalistes de profession, c’est malheureux que des gens se fassent passer pour des journalistes."
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France2.fr