Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 4 mai 2006

LA "FRENCH AMERICAN FOUNDATION"

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Constitution:

Cette "Fondation" doit son origine à trois éminents Américains: James G. Lowenstein, membre entre autres du CFR (Council on Foreign Relations); James Chace, directeur de la rédaction de Foreign Affairs, (la revue du CFR) et de Nicholas Wahl, professeur de science politique et fin connaisseur de la classe dirigeante française, ce qui lui permit d'avoir des contacts en privé, avec certains éminents hommes politiques français.

Au cours des années 70, ces trois hommes mirent en commun leurs relations françaises dans le domaine politique, économique, ainsi que dans celui de la presse et le milieu universitaire. Parmi ce réseau de connaissance, se trouvait Olivier Chevrillon, (l’un des fondateurs du magazine Le Point), Pierre Jouven (président de Péchiney), Jean-Louis Gergorin (futur membre du comité exécutif d'EADS) et Thierry de Montbrial (futur président de l'IFRI, l'Institut français des relations internationales, qui co-dirigeait à l'époque le Centre d'analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères). Ensemble, ils obtinrent l’appui officiel du président de la République Valéry Giscard d’Estaing. Ce dernier annonça, en accord avec le Président des Etats-unis Gerald Ford et le secrétaire d'État Henry Kissinger, la création d’une double fondation franco-américaine, lors d'un dîner à l’ambassade de France à Washington, le 18 mai 1976. Il fut décidé que la French American Foundation aurait un siège à New-York et un autre à Paris.

Objet officiel:

D'après les textes officiels: "L'objectif de la Fondation franco-américaine est de renforcer la relation franco-américaine considérée comme un élément essentiel du partenariat transatlantique".

Fonctionnement secret:

Pour accomplir cet tâche, les appuis ont été particulièrement nombreux. La branche Américaine a bénéficié d'aides inestimables. En raison de la liste impressionnante des participants, ce n'est pas possible de citer l'intégralité des contributeurs financiers. On peut cependant relever quelques noms parmi les membres (anciens et nouveaux) en 2007.
Pour commencer, John D. Negroponte, plusieurs fois ambassadeurs puis gouverneur d'Irak, superviseur de l’ensemble des services de renseignement des États-Unis et, actuellement, numéro 2 du Département d'État. Toujours présent, John Negroponte fut par le passé président de la FAF de New York.

Également membre du conseil d’administration, l'ancien président du patronat français et européen (le MEDEF et l'UNICE), Ernest-Antoine Sellière ainsi que l’ancien ambassadeur Américain en France, Félix G. Rohatyn et son homologue à Washington François Bujon de l'Estang. L'actuel président de la FAF de New York, Nicholas Dungan dont les activités se sont déployées au sein de la "Chatham House" (l'équivalent de la FAF au Royaume-uni).

Parmi les nombreux appuis financiers, on releve des noms prestigieux comme celui de David Rockfeller, (fondateur de la Commission Trilatérale et président honoraire du CFR). On trouve également l’ancien sous-directeur de la CIA et ancien Secrétaire à la Défense du président Reagan, Franck Carlucci. Par la suite, il a été le directeur du très puissant Groupe Carlyle (la société d'investissement commune aux familles Bush et Ben Laden très impliquée dans l’industrie de la défense).

Enfin, parmi les contributeurs financiers de la FAF ( la French American Fondation) de New York, figure EADS, l'Oréal USA ou encore la Société Générale.

La FAF française était dirigée à ses débuts par le président de Péchiney, Pierre Jouven. La Fondation est présidée depuis 1997 par Michel Garcin, directeur général de Hervé Consultants (spécialiste en accompagnement d’entreprises). Le Conseil de surveillance de la branche française réunit EADS France, BNP Paribas, la Caisse des dépôts ainsi que des représentants comme Yves de Gaulle (secrétaire général du groupe Suez), Jean-Louis Gergorin (vice-président de la coordination stratégique chez EADS, mais dont les activités ont cessé avec l'affaire Clearstream) ou encore Marwan Lahoud (PDG du leader européen dans le secteur des missiles MBDA dont EADS est actionnaire à 37,5% et dont le frère Imad Lahoud a connu quelques problèmes judiciaires en liaison avec Jean-Louis Gergorin dans l’affaire Clearstream).

Il faut savoir que la branche française est soutenue par plusieurs institutions gouvernementales, comme le Ministère des Affaires étrangères, le Ministère de l’Éducation nationale ou encore l’Institut d’études politiques de Paris.

Instigateurs et membres:

C’est dans le programme intitulé "Young Leaders" qu'une véritable sélection commence. Comme le disent les textes officiels: "Le programme phare des Young Leaders, piloté par les deux entités (New-York et Paris Ndt), vise à créer et à développer des liens durables entre des jeunes professionnels français et américains talentueux et pressentis pour occuper des postes clefs dans l’un ou l’autre pays".

Les textes officiels précisent que la sélection se fait en 3 phases :


1- La première phase consiste à présélectionner des candidats. Cette présélection se fait par l’intermédiaire du réseau de la French-American Foundation, par d'anciens "Young Leaders" ou des membres actuels du Conseil de surveillance. Récemment, un effort a été entrepris pour diversifier socialement et professionnellement les candidats, notamment par le repérage dans la presse des profils prometteurs.

2 - La deuxième phase consiste à recueillir formellement les candidatures. Les dossiers ainsi constitués contiennent la biographie du candidat et une lettre de recommandation. Des entretiens de motivation sont organisés.

3 - La dernière phase de la procédure est la sélection finale des candidats. Après avoir reçu le dossier de chaque candidat, le Comité de sélection se réunit. Ce Comité comprend environ 10 membres dont la majorité sont des anciens "Young Leaders". Les candidats ayant obtenu le plus de voix sont sélectionnés.

QUI EN FAIT-PARTIE ?

Les membres sélectionnés forment véritablement une "élite", ayant les mêmes objectifs et agissant par intérêt commun. Il est intéressant de connaître leurs noms.


Au sein de la sélection, c'est le professeur en science politique américain (et membre du CFR), Ezra Suleiman, qui fut le seul responsable de 1981 à 1984, puis de 1994 à 2001, du recrutement des "Young Leaders" en France. Après une sévère sélection, seuls 125 Américains et 126 Français composent les "Young Leaders" depuis 1981.

Pour la branche Américaine de la fondation, on peut citer les noms suivants avec la date d’admission :

Antony Blinken (1998, ancien conseiller en politique étrangère du président Clinton), Ian Brzezinski (2001, chargé aux affaires de défense de l’OTAN, fils du célèbre géopolitologue Zbigniew Brzezinski), le général Wesley K. Clark (1983, ex-commandant en chef des troupes de l’OTAN en Europe), le président Clinton (1984) et Hillary Clinton (1983, sénateur).

Pour la branche française de la fondation, on peut citer avec la date d'admission:

Philippe Auberger (1989, député UMP), Yves Censi (2003, député UMP), Jérôme Chartier (2003, député UMP), Nicolas Dupont-Aignan (2001, député UMP, Debout la République), Alain Juppé (1981, député UMP), Éric Raoult (1994, député UMP), Valérie Pécresse (2002, député UMP), Jacques Toubon (1983, député UMP), François Hollande (1996, député socialiste), Arnaud Montebourg (2000, député socialiste), Pierre Moscovici (1996, député socialiste), Alain Richard (1981, socialiste, ancien ministre de la Défense), Henri de Castries (1994, Directeur général du groupe AXA assurances), Emmanuel Chain (1999, journaliste), Jérôme Clément (1982, Président d’Arte), Annick Cojean (2000, journaliste au journal le Monde), Jean-Marie Colombani (1983, Directeur de la publication du journal le Monde), Matthieu Croissandeau (2002, rédacteur en chef adjoint du Nouvel Observateur), Jean-Louis Gergorin (1994), Bernard Guetta (1981, journaliste à France Inter), Erik Izraelewicz (1994, rédacteur en chef du journal Les Échos), Laurent Joffrin (1994, PDG du journal Libération), Jean-Noël Jeanneney (1983, président de la Bibliothèque nationale de France), Sylvie Kaufmann (1998, journaliste au journal Le Monde), Yves de Kerdrel (2005, journaliste aux journal Les Échos), Marwan Lahoud (1999), Anne Lauvergeon (1996, présidente de Areva), François Léotard (1981, ancien ministre de la Défense), Alain Minc (1981), Laurent Cohen-Tanugi (1996, du groupe Sanofi-Synthélabo et membre du conseil d’administration du think tank "Notre Europe" créé par l’ancien président de la Commission Jacques Delors), Christine Ockrent (1983, journaliste), Olivier Nora (1995, président des Éditions Grasset), Denis Olivennes (1996, président de la FNAC).

Un tel étalage de personnalités, souligne l’influence capitale qu'exerce dans de nombreux domaines la French-American Foundation dans les rapports franco-américains. (Vous l'aurez noté, surtout dans le domaine des médias et de la politique).

Influence:

La clef du système d'influence de la French-American Foundation est sa capacité à recruter des personnes appelées à occuper de hautes fonctions. Sa force est d'accueillir en son sein des représentants politiques issus de courants différents qui, du moins officiellement, s'opposent et sont antagonistes. Des socialistes à l’UMP en passant par le gaulliste Nicolas Dupont-Aignan ou le responsable de la communication de la campagne présidentielle de José Bové, Bernard Loche. Il faut souligner que les personnes approchées par la Fondation et qui ont accepté de la fréquenter n'ont pas pour autant toutes acceptées les offres de services qui leur furent présentées par la suite.

Ce que cherchent les participants:

De multiples rencontres ont lieu entre représentants français et Américains afin de discuter de sujets comme la défense, la politique, le journalisme, le syndicalisme...etc. En fait, il s'agit de "lisser" les points de vue afin d’aboutir à un consensus favorable au partenariat transatlantique. Toutes ces rencontres officielles et officieuses permettent de créer un système de pensée commune parmi les membres de la Fondation, qui appartiennent à des secteurs variés.

Cette fondation organise également différents colloques sur la défense, le journalisme, l’éducation ou la santé. On trouve parmi les participants, outre les personnes citées ci-dessus, des noms bien connus comme François Bayrou, Bernard Kouchner, Jean-François Copé (porte-parole du gouvernement Chirac en 2007), Michel Barnier (conseiller politique de Nicolas Sarkozy en 2007), Nicolas Beytout (Directeur de la rédaction du journal Le Figaro), le général Henri Bentegeat (chef d’état-major des armées)...etc.

Tous ces colloques poursuivent le même but, celui de protéger et de servir au mieux les intérêts des Etats-Unis, pour arriver à l'instauration d'un futur "Grand Marché Transatlantique". Sous le couvert bien-sûr d'un "rapprochement franco-Américain", qui serait profitable aux deux parties.

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