Les policiers turcs, qui ont effectué deux perquisitions dans le consulat général d'Arabie saoudite depuis le meurtre de Jamal Khashoggi le 2 octobre, n'ont pas reçu la permission de fouiller le jardin de la mission diplomatique et le puits qui s'y trouve, selon Anadolu.
Le président Recep Tayyip Erdogan, qui parle d'un meurtre soigneusement «planifié», a déclaré mardi que des agents saoudiens avaient effectué des repérages dans une forêt près d'Istanbul et une ville du nord-ouest, suggérant qu'ils cherchaient un lieu où cacher le corps.
Les enquêteurs turcs ont par ailleurs fouillé mardi un véhicule portant une plaque diplomatique saoudienne retrouvé dans un parking d'Istanbul. Ryad avait dans un premier temps refusé d'autoriser sa fouille.
Le véhicule a été retrouvé dans un parking lundi dans le quartier de Sultangazi à Istanbul. Selon un journaliste de Reuters, une équipe saoudienne accompagnait les enquêteurs turcs quand ils ont effectué la fouille.
Sur son site internet, CNN Turk indique que les enquêteurs ont trouvé dans la voiture un ordinateur et des documents qui ont été présentés comme appartenant à Khashoggi.
Erdogan révèle toutes ses informations
Il avait promis de révéler «toute la vérité» ; le 23 octobre devant le Parlement turc, Recep Tayyip Erdogan a affirmé que le meurtre du journaliste saoudien dissident Jamal Khashoggi dans le consulat d'Arabie saoudite à Istanbul, avait été «planifié» plusieurs jours à l'avance.
«Il y a eu une feuille de route, un plan établi préalablement», a notamment déclaré le président turc. «Le système de vidéosurveillance du consulat saoudien avait été désactivé le jour du meurtre», a-t-il précisé, détaillant en outre les allées et venues, notamment de deux équipes entrées séparément et constituées au total de 15 personnes, au consulat saoudien durant la journée du 2 octobre.
Recep Tayyip Erdogan a qualifié l'assassinat du journaliste de «barbare», demandant ce qu'étaient venues faire les 15 personnes des équipes saoudiennes, impliquées dans le meurtre, ce jour-là à Istanbul. Le dirigeant a demandé à ce que ces individus soient jugés à Istanbul, justifiant : «C'est [là] que ça s'est passé». Il s'est dit «confiant» que le roi Salmane d'Arabie saoudite coopérerait à l'enquête, ajoutant que «tous ceux qui ont joué un rôle d[evaient] être punis».
«Qui a donné les ordres [aux tueurs] ?», a encore demandé le dirigeant. Le président turc s'est interrogé sur une autre inconnue : l'endroit où a été mis le cadavre. «On nous dit qu'il a été remis à un collaborateur national. Où est-il ? [...] De qui s'agissait-il ?», a lancé le leader turc.
Ankara a partagé audio et vidéo du meurtre de Khashoggi avec la CIA
Un journal proche du pouvoir turc a rapporté que les services de renseignement d’Ankara avaient partagé avec la directrice de la CIA les éléments de l’enquête sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
D’après Sabah, l’un des principaux quotidiens qui publient les «fuites» turques depuis le début de l’affaire Khashoggi, les services de renseignements turcs (MIT) ont «briefé Gina Haspel sur les preuves liées» au meurtre du journaliste saoudien.
Le journal avance notamment que le MIT a «montré» à la directrice de la CIA «des images vidéo et des enregistrements audio», et «partagé» avec elle «les éléments obtenus lors de la perquisition du consulat général et de la résidence du consul d’Arabie saoudite (à Istanbul)».
Selon Sabah, Gina Haspel, une espionne de carrière, turcophone et qui a pris la tête de la CIA en avril, a par ailleurs eu «des entretiens à haut niveau» à Ankara où elle a atterri mardi.
Madrid dans l'embarras
Le chef du gouvernement socialiste espagnol Pedro Sanchez a défendu mercredi dans ce contexte les ventes d’armes à Ryad dans un exercice d’équilibriste politique et diplomatique lors duquel il a dénoncé le «terrible assassinat» de Jamal Khashoggi.
«Si vous me demandez où je dois me situer aujourd’hui et ici, c’est dans la défense des intérêts de l’Espagne, du travail de secteurs stratégiques pour la plupart situés dans des zones très affectées par le drame du chômage», a-t-il déclaré devant la chambre des députés.
Les chantiers navals Navantia, qui ont reçu d’Arabie saoudite une commande de cinq navires de guerre pour 1,8 milliard d’euros, sont situés en Andalousie, bastion socialiste durement frappé par le chômage où auront lieu des élections régionales en décembre.
Les partis indépendantistes catalans et la formation de gauche radicale Podemos, alliés du parti socialiste de Pedro Sanchez sans qui il n’a pas de majorité au Parlement, l’avaient pourtant appelé à suspendre les ventes d’armes à Ryad pour protester contre le meurtre de Jamal Khashoggi.
En septembre, le gouvernement espagnol avait suscité de vives critiques pour avoir décidé de maintenir la livraison de 400 bombes à guidage laser à l’Arabie saoudite après avoir tenté d’y renoncer en raison de bombardements saoudiens qui ont tué des dizaines d’enfants au Yémen.
Dimanche, la chancelière allemande Angela Merkel a prévenu que Berlin n’autoriserait pas en l’état d’exportations d’armes vers Ryad. Elle a appelé les autres pays européens à faire de même.
Londres et Washington révoquent les visas des suspects
Les Etats-Unis ont engagé mardi la révocation des visas des Saoudiens impliqués dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi au consulat de son pays à Istanbul. «Ces sanctions ne seront pas les dernières sur ce dossier», a averti le chef de la diplomatie américaine.
Cette mesure, la première décision concrète annoncée par Washington à l'encontre de son allié de longue date, vise 21 personnes, qui se voient révoquer leur visa ou qui deviennent inéligibles à de futurs visas, a ensuite précisé Heather Nauert, la porte-parole du département d'Etat. Ces personnes sont issues «des services de renseignement, de la cour royale, du ministère des Affaires étrangères et d'autres ministères saoudiens».
Selon M. Pompeo, les autorités américaines examinent également l'opportunité d'agir en vertu de la loi dite Magnitsky, qui restreint la liberté de mouvement et gèle les avoirs aux Etats-Unis des individus et entités accusés d'enfreindre les droits de l'homme.
Londres a annoncé mercredi l'annulation des visas britanniques éventuellement détenus par les suspects du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
«Le ministre de l'Intérieur prend les mesures nécessaires pour empêcher les suspects d'entrer au Royaume-Uni», a affirmé la Première ministre britannique Theresa May devant le Parlement. «Si ces individus disposent de visas, ces visas seront révoqués aujourd'hui», a-t-elle ajouté, précisant qu'elle parlerait «dans la journée» avec le roi Salman.
Ryad promet de «punir» les personnes impliquées
Le gouvernement saoudien a déclaré mardi que toutes les personnes impliquées dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi au consulat du royaume à Istanbul devront rendre des comptes, «peu importe qui elles sont».
Cette déclaration a été publiée peu après que le président turc Recep Tayyip Erdogan a appelé au jugement à Istanbul des meurtriers présumés de Jamal Khashoggi et insisté sur le caractère soigneusement «prémédité» du crime, contredisant la version avancée par Ryad ces derniers jours.
«La conscience internationale ne sera apaisée que lorsque toutes les personnes impliquées, des exécutants aux commanditaires, auront été punies», a déclaré M. Erdogan.
AFP