Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 26 novembre 2017

« El Chapo » et les avions 10


Voilà, il est temps d’évoquer la fuite d’El Chapo, enfin, la seconde, la première ayant bénéficié de complicités à l’intérieur de la prison où il était incarcéré.  A peine sorti de son tunnel (habituel, chez lui, on l’a vu), le voici qui s’envole… en Cessna, à partir d’un tout petit terrain d’aviation partagé entre l’épandage agricole et le parachutisme, comme on va le voir, emmené par son pilote le plus fidèle, enfin l’un de ceux à ne pas avoir été arrêté, en tout cas, à l’époque.  A l’occasion, on va faire un rapide inventaire de la flotte aérienne d’El Chapo… au cas où il aurait eu envie de s’éloigner un peu plus de sa terre natale, qui sait…

Le 28 octobre 2014, Jorge Martin Torres et sa femme, décollent de Guadalajara, au Mexique, pour se rendre à à San Antonio, au Texas et y prendre quelques vacances, l’homme semblant bien certain de lui.  Mal lui en prend ; il est aussitôt été arrêté sur place sur plainte de blanchiment d’argent déposée trois jours plus tôt seulement à Chicago !  On le soupçonne en effet depuis des années d’être la vraie machine à laver les billets du Cartel de Sinaloa, et on n’attendait que l’occasion pour le pincer aux USA.  On a fait vite, car l’affaire est grave : un juge américain, renseigné par Patrick Curran, un agent de la DEA, vient de constater que Torres a nommé deux de ses fils, Ismael Zambada-Sicairos, alias « Mayito Flaco », et Ismael Zambada- alias « Mayito Gordo » comme les acheteurs, outre de voitures de sport luxueuses – deux Lamborghinis, une Mercedes et une Nissan – d’un petit Cessna en bon état, un  Cessna Turbo 210 de 1982 alors dans l’Ohio au moment de l’achat. 


Vendu chez le « broker »connu, Lane Aviation, de Colombus. L’appareil, immatriculé N1218U,  portant le numéro de série 21064675 était devenu au Mexique le XB-NKY.  On remarque qu’il était muni de pneus basse-pression, permettant de se poser plus facilement sur des pistes de terre.


Si l’affaire a été accélérée, c’est que le juge vient de découvrir que les fameux « acheteurs » s’appellent en réalité d’Ivan Arichibaldo Guzman-Salazar et son frère Jésus Alfredo Guzman-Salazar.  Et ce sont bien les deux fils d’El Chapo Guzman !!!  Le limier de la DEA a en effet constaté que »le paiement et l’entretien du Cessna avaient été réglés par Gasoestacion Ecológica Prime, SA de CV, en banlieue de Guadalajara, selon sa déposition fédérale.  Le dernier propriétaire enregistré de l’avion dans la chaîne de transfert avant d’être exporté vers le Mexique était Aviation Parts & Services Co. à El Paso, a déclaré le même document ».



Dans l’accusation on constate que l’affaire (Torres) était suivie depuis… 2005.  Les fils achetant un avion, alors que leur père était toujours fugitif mais se déplaçait, visiblement, comme tout le monde se doutait, avouez qu’il y avait de quoi en effet attirer l’attention des magistrats et des enquêteurs :  le 22 février 2014, la marine mexicaine l’avait arrêté dans sa propriété à Mazatlán au Sinaloa;  mais on craignait déjà qu’il ne tente à nouveau de s’échapper… ce à quoi aurait pu servir l’appareil !  L’un des frères avait aussi posé devant un appareil dont je vous avais retrouvé la trace…  Car Torres essaiera aussi d’acheter un autre appareil : un AeroCommander N690WT, vendu en mai 2014 pour 940 000 dollars par un broker de Lambertville, près de Detroit.  La vente s’était effectuée, mais le FBI l’avait ensuite bloquée !!!  Sinon, un deuxième appareil était donc prêt… en attendant sa future évasion !

Echappé… en avion !


Coup de théâtre le  le 11 juillet 2015 :  El Chapo s’est échappé de la prison fédérale dite de l’Altiplano. Automatiquement, on cherche par où : et pas vers le tunnel, tant on sait qu’il en construit partout où il réside, et que c’était certes en prison, mais il quand même recommencé à en faire fabriquer un.  Juste après avoir été repris, en prime !!!  En construisant même une maison (isolée) exprès pour ça (cf ci-dessus)… Un atavisme ? 

Il ne s’est ainsi quand même pas échappé jusqu’au bout du monde !!!  Non, ce qui est intéressant à découvrir, c’est plutôt comment il a réussi à s’éloigner de là… Et dans quel avion il a réussi à fuir, plutôt…  Et là, très vite on a une petite idée.  Le premier à l’avoir exprimée est le procureur général  Arely Gómez qui, le 15 octobre révèle des éléments dans ce sens, accusant des complicités chez l’administration de la prison, mais affirmant surtout qu’il avait même fait arrêter son pilote, sans pour autant en révéler le nom.  Selon lui, le 9 octobre, l’arrestation de 24 complices de l’évasion s’était montrée fructueuse.  «Nous avons travaillé intensivement, de nombreuses déclarations ministérielles ont été recueillies et, à partir d’aujourd’hui, nous avons 23 anciens fonctionnaires détenus selon diverses sanctions très dangereuses», a déclaré Gómez.  Au total, il y a 24 personnes listées (accusées et mises à la disposition d’un juge), « mais l’un d’eux n’est pas un fonctionnaire, et je le dis, c’est un pilote qui a transféré cette personne », avait-il affirmé. 

Une précision supplémentaire arrivait juste après : « selon le journal mexicain Excelsior, après que Guzmán ait quitté son tunnel, il est monté à bord d’une camionnette à Almoloya de Juarez, une ville de l’État du Mexique, puis s’est rendu dans une «piste clandestine» dans l’état de Querétaro, qui borde l’État du Mexique au nord. »   Reste à savoir comment, et pour quelle destination, il se serait envolé…  Mais avant, il convient de revenir du goût d’El Chapo pour les transports aériens, à défaut des tunnels…




Remarque sur le coup du tunnel



Peu de gens l’ont remarqué, mais le coup de l’évasion d’El Chapo avait eu un prédécesseur.  C’est Business Insider qui le fait remarquer le 30 juillet 2015 avec un étonnant article.  Les autorités pénitentiaires mexicaines ont commis une terrible erreur (en plus de l’angle mort de la caméra dans sa cellule).  L’article décrit en effet une évasion en plusieurs points égale, celle du trafiquant du même cartel  Adelmo Niebla González, survenue 14 mois avant.



« Compte tenu de la compétence de Sinaloa dans les tunnels – le groupe a creusé des dizaines de passages sous la frontière entre les États-Unis et le Mexique – et cette évasion antérieure, le placement de Guzman dans une cellule au rez-de-chaussée était manifestement mal conseillé.  Si vous savez que le mode opératoire du cartel de Sinaloa implique un tunnel, vous ne mettez pas ce gars dans le rez-de-chaussée de la prison », a déclaré le sénateur mexicain Alejandro Encinas, selon The Wall Street Journal ».  On ne saurait mieux dire !

Une belle collection personnelle


Sorti du tunnel, El Chapp a pris l’avion.  Il a toujours adoré les avions, en fait : il en acheté pas mal (est cité un peu partout le chiffre de treize exemplaires, rien qu’à titre personnel). Il avait démarré tôt ce goût pour les avions en En Colombie, le 11 septembre 2005, jour où l’armée de l’air colombienne avait détecté un appareil King Air 65-C90 immatriculé N193A, se dirigeant vers  l’île de San Andrés, lieu où sera arrêté le pilote avec 300 kilos de coke à bord.  L’avion avait été acheté à Powell Aircraft Title Services. 415 000 dollars, par le biais de six transferts électroniques effectués par Angelina Huerta García, David Alejo Lázaro, Édgar García Roa, Esteban García Campos et Tania Martínez Rodríguez les 25 et 26 juillet 2005, par l’intermédiaire de la branche de la Casa de Cambio Puebla.


Les transferts d’argent avaient été envoyés au compte 00-28680-48493 de la succursale de Bank of America de New York !!!  Casa de Cambio Puebla allait tomber plus tard avec la gestion de d’argent pour l’achat d’avions américains  pour le cartel de Sinaloa,  après la saisie au Guatemala en octobre 2003 de près de 2 tonnes de cocaïne à bord d’un avion Beach Craft King Air 200, numéroté N694FC, (ex Guatemalan Air Force) posé près de la rivière Usumacinta.  L’avion avait été acheté par par Jorge Milton Cifuentes Villa alias « Jota » ou  » J »,par 20 transferts électroniques d’une valeur total de 1, 289 million de dollars.  Les noms utilisés ayant été Juan Granados Patiño, Fernando Camargo López, Raquel Aguirre Reséndiz y María Aurelia Trejo Valle.  Le 19 août 2005, le N193A, confisqué, passait chez l’armée colombienne sous l’appellation FAC5730.

Le tas de billets de Mr Gon


Continuons par le Beechcraft  Super King Air 200, d’enregistrement original N25MR (ici à droite) mais portant  le faux numéro d’immatriculation N14-TF5, qui avait été saisi le 28 décembre 2007 sur  l’aéroport de Cuernavaca, Morelos au Mexique.  Seuls des restes de cocaïne – on présume qu’il y en avait eu près de 5,6 tonnes de drogue  à bord –  avaient été découverts, de la cocaïne transportée à partir du Venezuela au Mexique.  Un avion acheté tout ce qu’il y a de plus officiellement. Le procureur de la PGR va vite découvrir les transactions bancaires effectuées pour l’acquisition de ce N25MR:  « elles ont en effet effectuées par les dépôts effectués par les sociétés Grupo Rahero, SC et Grupo ETPB, Société Anónima de Capital Variable, dans deux comptes 8007387418 et 8000535823 ouverts en dollars à la banque HSBC, mais domiciliée dans les îles Caïman ».

Il découvrira aussi « que des transferts effectués par la société de Pedro Alfonso Alatorre Damy, (Pedro Barraza Urtusuástegui, alias“El Piri”), sont allés directement à la société américaine Assured Aircraft Title Service, Inc., qui a reçu le paiement du numéro de compte 0717213717, ouvert à la succursale d’Oklahoma City de la Banque Intercontinentale de Commerce ».  Damy sera arrêté le 8 novembre dans sa maison de Huixquilucan, dans l’Etat de México et envoyé en prison à Villa Aldama, à Veracruz.  On saisira aussi chez Damy selon le journal Reforma, un avion modèle Turbo Commander 690 de 1973, ainsi que près de 14 millions de dollars en comptes bancaires divers.  Damy était en fait le financier des Cartels de Sinaloa et del Norte.  Extradé aux USA, il n’a été condamné le 11 avril 2013 qu’à 65 mois de prison…  et il est sorti rapidement, sans surveillance de bracelet électronique comme le noteront des journalistes, passablement étonnés, les USA ayant en prime refusé son extradition dans l’autre sens alors qu’il était demandé par le Mexique et risquait là-bas 20 ans de prison.


Pourtant, comme l’a noté 13 octobre 2007, El Universal une liste embarrassante de 8 institutions financières qui auraient blanchi 90 millions de dollars de l’homme d’affaires chinois, naturalisé mexicain, Zhenli Ye Gon, avait été découverte chez lui.  Toutes était dirigées précisément par « House of Change Puebla », dont le responsable s’appelait… Alatorre Damy !!!   Zhenli Ye Gon étant soupçonné d’être le roi de l’éphédrine et un précurseur dans le genre, d’ailleurs.  En mars 2007 avaient été trouvés des millions de dollars en cache à son domicile de Lomas de Chapultepec un faubourg de Mexico.  La photo de l’énorme tas d’argent avait vite fait le tour du monde… incroyable amas de billets !

Une flotte éclectique


El Chapo possède aussi un Falcon-20 bien connu, l’enregistré XB-IYK, vu aussi à  Campeche… resté célèbre en train d’attendre ce qu’allait faire le DC-9 rempli de 128 sacs de cocaïne qui avait fait couler tant d’encre (pour le rôle qu’avait joué la CIA dans l’histoire (1).  A bord devait monter le pilote Otto Roberto Herrera Garcia qui une fois déguisé en policier était tranquillement sorti de l’aéroport, dans le Ford Lobo du chef des gardiens Alfredo Cazares.  Otto Herrera était alors recherché aux États-Unis (par la DEA) qui offrait 5 millions de dollars en récompense pour sa capture (le gouvernement mexicain promettait 2 millions de dollars).


L’avion, gris, est devenu tout noir sous l’immatriculation XC-HID (PF-203), et appartient désormais à la Police mexicaine, après avoir été XC-DIP de la Banco Nacional de Crédito Rural et le fameux YB-IYK… Un autre jet, un gros porteur, étant immatriculé N196AJ de 1974 (photographié ici à l’abandon à Chino en 2015) : un Boeing 727 ancien Amerijet (Ex. Braniff, People Express, Pan Am, and Delta) .  Un « habitué » des saisies : cet ancien Rapid Air & Spa Services NC enregistré en 2006 avait été saisi le 18 février 2007 par l’US Department of Justice (à Landover dans le Maryland) et être vendu ensuite à Zangeneh Aeronautics Consulting Inc.  le 29 septembre de la même année.  Guzman avait choisi ses collaborateurs mais aussi ses pilotes, en prenant en ce qui les concerne des gens d’expérience.  On découvrira aussi qu’un pilote né à Sinaloa, il y a 80 ans, appelé Jorge Castro Barraza, avait été l’intermédiaire principal dans l’achat d’avions pour les cartels.

D’où il a décollé pour s’échapper




Mais revenons donc à sa fuite, pour savoir quel appareil allait dont l’emmener plus loin…. Voilà donc notre trafiquant sorti de son tunnel le 11 juillet 2015.  Le procureur général  Arely Gómez l’a expliqué plus ou moins, en affirmant comme on l’a vu qu’il avait réussi à capturer son pilote.  Sans en dire davantage.  Aussi faut-il un peu chercher pour savoir comment El Chapo a pu quitter le Mexique, ce à quoi tout le monde s’attendait, ou en tout cas à mettre de la distance entre la prison et lui.  On songe bien sûr à un coup de main de son fiston, à bord de son Cessna XB-NKY.



Pour ça, il faut en fait examiner les environs, et chercher… une piste de décollage la plus proche possible.  Le 30 janvier 2016, on en apprend un peu plus : « dans un message adressé aux médias le jour où le trafiquant de drogue a été retrouvé, le procureur Arely Gómez a déclaré qu’une fois que El Chapo avait quitté le tunnel, il a été transféré par terre dans une municipalité de Querétaro et que deux avions ont décollé d’une piste.  Dans l’un d’entre eux, Guzmán Loera a voyagé avec son beau-frère et son pilote de confiance.



L’avion, selon le journal La Jornada l’année dernière, a atterri à Culiacan, la capitale de l’État de Sinaloa et le lieu de naissance de l’entente dirigée par Guzman.  Là, le « capo » et ses compagnons se sont déplacés vers Bastantitas, une ville de Durango, située au fond d’un ravin dans la chaîne de montagnes occidentale ». 

La piste, il faut donc la chercher.  A l’aide de clichés montrés par la presse de son entrée, on la localise assez vite.  A l’est de El Sauz, perdue dans un champ.  C’est une piste utilisée parfois par un club local de parachutistes, qui s’intitule « Paracaidismo Querétaro » mais qui ne possède même pas de hangar propre (mais s’est fabriquée un site fort « jeune » et des vidéos You Tube).  Elle est au milieu des champs, et on ne distingue que trois petits avions sur cette base fort modeste, dont un rouge qui semble abandonné et un Cessna blanc au capot rouge.  L’un d’entre eux, à cockpit étroit et aile basse, pourrait très bien être un avion de « fumigation » (d’épandage agricole).  La piste semble davantage une piste de ce type qu’une structure établie pour le parachutisme.  Mais sur le net, le gérant du groupe de parachutistes en fait son propre aérodrome :



 La piste, c’est à remarquer,  n’existait pas en 2013 en tout cas, elle a été créée en 2014. Sa plus forte activité est enregistrée par Google Earth au 18 avril 2015, avec un avion plus grand que d’habitude prêt à décoller et de nombreuses voitures sur la base (on en répertorie 17). Une compétition de parachutisme en cours, sans doute (un ULM pendulaire se distingue aussi). Le Cessna 180 de l’équipe de parachutistes aperçu étant le XB-NZI (ci-dessus).Est-ce celui qui a emporté El Chapo ? L’activité avait-elle été liée à des préparatifs ? En tout cas, ce ne pouvait qu’être qu’avec l’avancée du creusement du tunnel !!! « Les avions ont été historiquement le moyen de transport préféré pour le chef du cartel de Sinaloa »a-t-on pu lire… nul doute qu’il se soit échappé ainsi !!!

Parachutisme, ou travail agricole ?



En fait, ce n’est pas le Cessna des parachutistes qui a servi, ni le XB-NKY de son fils.  Le 8 juillet, raconte ici un blog, MundoNarco.com, un Cessna 206 immatriculé XB-AWL a atterri le 8 juillet dernier à 11h00 sur la piste de la société « Aerofumigaciones de Querétaro« , à Pedro Escobedo, sans aucune autorisation préalable. C’est notre fameuse piste de parachutistes qui est bien une piste de travail agricole aérien au départ.


L’appareil avait déjà le 27 avril 2012 réalisé un atterrissage forcé de nuit à El Sol.  Mais là il marchait très bien ce jour-là, semble-t-il.  Le patron de l’entreprise de « fumigacion » propriétaire véritable de la piste, Fernando Javier Palos Cuellar avait alors appris, fort étonné de l’arrivée de cet appareil à cet endroit, qu’un acheteur devait arriver le lendemain pour entrer en possession de l’avion.



On ne précise pas s’il avait retiré ses protège-roues pour atterrir sur la piste en herbe, restée bien rustique.  Le lendemain, un autre Cessna portant cette fois l’immatriculation XB-HCM, était effectivement arrivé, mais pas avec l’acheteur prévu :  le futur acheteur aurait ainsi le choix entre deux appareils lui avait-on expliqué.

Double surprise pour lui !  Son pilote était Romano Lanciani Llanes, un pilote d’avions de « fumigación » (épandage) à La Palma-Navolato. Un métier dangereux : en 2011, un avion de ce type, un Piper Pawnee, immatriculé XB-EWR, s’était écrasé en plein champ à Navolato, piloté par un homme expérimenté âgé de 60 ans, et d’autres appareils chargés de drogue sont aussi tombés dans le secteur.



Les accidents en épandage sont fréquents.  Très fréquents même).  Ici à gauche on peut admirer le profil Facebook du propriétaire de la société d’épandage à bord de son Pawnee 235 (ici le même appareil à Ciudad Insurgentes en Baja California). 


Notre homme vient de changer récemment de profil et de photo Facebook  (cf ici à gauche), car auparavant il affichait celle du XB-JUL blanc, bleu, gris et rouge (ici, très certainement celui distingué par Google Earth).  L’avion semble donc un modèle fort récent, non photographié ailleurs et décoré de façon inhabituelle dans le milieu du travail agricole (les Pawnee ne sont plus produits par Piper mais par Aviasa, en Argentine). Fernando Javier Cuellar Palos, il faut le noter, est aussi l’ancien responsable de la « Escuela de Aviación Cap. Francisco Sarabia” (du nom d’un célèbre aviateur mexicain, pilote de Granville-Miller R-6H, qui avait piloté le XB-15) et c’était aussi le « Président de la Fédération des associations de pilotes agricoles de la République mexicaine« , et le « Président de l’Association des pilotes agricoles de Bajío A.C ».  C’est aussi quelqu’un d’impliqué en politique.  Un site fermé depuis lui reprochait en 2008 d’avoir été nommé responsable à la mairie de Corregidora, dirigée par Germán García Borja, « gérant 300 millions de pesos de budget annuel ».  Borja, député de de 2012 à 2015 étant aujourd’hui directeur de l‘Institut du logement de l’Etat de Querétaro et en 2013 président de la commission locale de la famille (Instituto de la Vivienda del Estado de Querétaro).   Fernando Javier Cuellar dirigeait aussi « Air Fumigation Espinoza » selon le même site.

Deux avions à 1h30 du matin

Mais le soir même, c’est une camionnette pick up Cheyenne et un Honda CRV de couleur grise qui sont arrivés vers une heure du matin.  Un homme est alors monté à bord du Cessna XB-AWL, qui a décollé vers 1:35 le matin.  Deux avions avaient en effet décollé ce soir-là.  A bord du second, il  y avait « El Chapo » Guzman, son beau-frère, Edgar Coronel Aispuro, et un garde du corps, le pilote de l’appareil étant Héctor Ramón Takashima, « El Cachimba »,  le pilote attitré de El Chapo (ci-dessous).  Le premier avion; le XB-HCM, était un leurre, au cas où :  tout avait été prévu et savamment organisé.



On apprendra plus tard que c’était  Takashima en personne qui avait carrément loué le petit aéroport au propriétaire ; en disant « que son patron était un homme d’affaires puissant qui aimait la discrétion. Alors ils ne voulaient personne d’autre sur la piste. En échange de ces services exclusifs, ils ont offert 150 000 dollars ».  Ce qui ce refuse difficilement (c’est le prix de 2 Cessna d’occasion !!!).  L’histoire est racontée ici, et là également.  Le 27 octobre 2015, le juge chargé de l’affaire confirmait tout cela en inculpant un trio comprenant « Héctor Ramón Takashima Valenzuela, Cachimba, pilote historique du Cartel del Pacífico, et le deuxième aviateur utilisé pour l’évasion, Romano Lanciani Llanes.  Julio César Takashima Valenzuela, frère de Héctor Ramón, est un mécanicien d’aviation qui a réparé l’avion de Romano Lanciani Llanes, qui a été utilisé le jour de l’évasion ». 

Le récit raconte également que dès le décollage effectué, un message a été échangé par téléphone Blackberry avec l’aéroport de La Palma, à Navolato, dans le Sinaloa.  Sur place ont alors été données les coordonnées GPS d’une piste clandestine près d’El Tamarindo à Culiacan.  Après trois heures de voyage l’avion s’est posé sur la piste de terre, et là, nouvelle organisation :  El Chapo est en effet descendu de l’appareil et en a emprunté un autre, un Cessna 206 toujours.  Le premier étant laissé sur place, abandonné !  Un de plus !  Pour beaucoup, ce soir-là, El Chapo allait s’envoler, c’est sûr, vers le Honduras…

Une prise fondamentale en avril



Reste à trouver maintenant comment il a été repris et où exactement.  A cette époque, tout le monde songe à une fuite… au Honduras, ou plus exactement sur l’île de Roatan.  Ou en tout cas une fuite en avion, et plutôt même en Cessna.  Si l’on connaissait toutes les pistes clandestines, on aurait plus de chances de le coincer.  Or, en ce cens, une arrestation primordiale s’était produite le 10 avril 2015 au Mexique (el Chapo s’est évadé le 11 juillet).  Ce jour-là, les mexicains avaient pourtant arrêté en plein boulevard Kukulcán Boulevard à Cancun un personnage fondamental : César Gastélum Serrano, attrapé à sa sortie de son pick up Wolkswagen Amarok alors qu’il s’apprêtait à s’engouffrer dans une BMW.  Sur lui, il avait un calibre .38, 16  cartouches, deux téléphones portables et deux paquets de 700 et 200 grammes de coke.



Ce n’est pas pour ces paquets qu’il est arrêté : c’est parce que c’était lui, désormais, le « directeur des vols » des avions d’El Chapo.  Ceux passant par  le Honduras, la Colombie et le Venezuela.  Ceux que filmaient eux-mêmes, parfois, les trafiquants, certains de leur impunité, dans des vidéos dignes de la propagande d’Al Qaida (ici à gauche, à moins que ce ne soit une séquence de Narcos, ce que je n’aurais pas retrouvé !).  Celui qui savait tout de ces atterrissages d’avions bourrés de cocaïne : « el mayor proveedor de cocaína en Centroamérica » titrait même Animal Politic à son égard (ici le même événement posté sur Pinterest, vu d’un angle différent ce qui laisserait croire à sa véracité).



Un homme bien aidé par ses quatre frères Alfredo, Jaime, Guadalupe Candelario, et Francisco Javier.  Né à Culiacán, dans le Sinaloa il a souvent été vu en compagnie des frères Valle à de San Pedro Sula au Honduras.  Surnommé « La Senora » (la Dame) c’est aussi le « confrère » d’Ismael “Mayo” Zambada, et de Dámaso López, deux autres trafiquants notoires.  Dès le 23 décembre 2014, le département d’Etat US avait gelé tous ses biens et ceux de ses frères.  L’homme a été extradé plutôt de façon expéditive:  les USA souhaitaient alors entendre le plus rapidement ce qu’il savait des trajets en avion du Cartel, et aussi de ceux de son supérieur El Chapo.  Le 15 novembre 2015, il est donc déjà dans l’aéroport de Toluca en voie d’être extradé aux USA. A peine arrivé aux USA, on perd sa trace.  Le  système pénitentiaire fédéral des États-Unis (BOP) ne répond pas quand on lui demande où il a été incarcéré.  Selon Notinarco, c’est justement « parce que Gastélum Serrano connaît tous les  pistes d’atterrissage clandestins du pays, qu’il doit savoir celles qu’à utilisées Chapo ces derniers jours, quand il a été établi qui il avait fui du Mexique, de sorte que le gouvernement américain a accéléré l’extradition pour parvenir à un accord avec lui.  Cela aurait été la principale raison pour laquelle le procès La Dame a été scellé et sa localisation inconnue ». Selon Notinarco, le « seigneur du ciel » de Guzman serait donc devenu une sorte de repenti protégé… ayant renseigné sur comment donc El Chapo aurait pu quitter (ou non) le pays… une sorte D’Ali Mohamed, on va dire...





(1) celui-là est devenu lui aussi tout blanc, avec des bandes bleues (ci-dessus) et a reçu l’inscription XC-LJZ, pour travailler un temps au nom de la PGR.  En 2009 il a été mis en vente pour seulement 242 000 dollars, a bien été vendu et a reçu l’enregistrement XA-UNZ chez Abakan-Avia, qui pour l’instant le stocke toujours au Mexique.  La société, russe (?) fait plutôt dans l’Ilyushin IL-76T  habituellement, mais pas que… Abakan, associée au tour operator russe Coral Travel  et est devenue Royal Flight Airlines le 11 juillet 2014.  Ces Ill-76T sont très utilisés par l’ONU et le World Food Programme :


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