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vendredi 26 mai 2017

Par peur des attentats, un tiers des Suisses ne voyagent plus comme avant




Les actes terroristes déstabilisent les Suisses. L’étude annuelle de l’EPFZ sur la sécurité montre une tendance au repli sur soi et une certaine contradiction par rapport au principe de neutralité.

Nice, Paris, Bruxelles, Berlin, Stockholm, Manchester. Mais aussi Istanbul, Ouagadougou, Bamako, etc. Les Suisses ne sont pas insensibles aux attentats, leur répétition et leur barbarie. Selon l’étude Sécurité 2017 présentée vendredi matin à Berne par l’Académie militaire et le Centre pour des études sécuritaires de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), la lutte contre le terrorisme est devenue une priorité des Helvètes en matière de politique de sécurité: 89% soutiennent son renforcement. 29% des citoyens sondés disent aussi avoir modifié leur comportement en matière de voyages en raison des actes terroristes. Les femmes sont plus représentées que les hommes dans ce panel.

Les pays touchés et les grandes villes font peur

Qu’est-ce qui a changé? Parmi ces 29%, une forte majorité consulte désormais les conseils aux voyageurs de la Confédération avant de choisir une destination de voyage. 75% évitent les pays qui ont été touchés par un attentat récent et 40% ne sortent plus d’Europe. Les vacances au Portugal ou en Espagne sont privilégiées. 35% ont également peur de se rendre dans de grandes villes.

Pourtant, soulignent les auteurs de l’étude, si l’on se réfère au «Global-Terrorism-Index 2016», le nombre d’actes terroristes et de victimes a légèrement diminué en 2015. Le risque actuel lors de voyages en Europe est même qualifié d’«insignifiant» ou de «bas».

La neutralité oui, mais à quel prix?

Ce sentiment d’insécurité exacerbé par rapport à l’étranger se retrouve dans la perception qu’ont les Suisses de la situation mondiale. Comme l’an dernier, 73% des sondés se disent pessimistes quant à l’évolution future du monde, soit le niveau le plus bas depuis que l’étude Sécurité existe. En revanche, les Suisses ont une vision presque idyllique de leur propre pays. «La population se sent très en sécurité chez elle», relève Thomas Ferst, un des auteurs de l’étude. Avec 93% (+7), le sentiment de sécurité interne se situe à un niveau jamais atteint jusqu’ici.

Comment articuler la politique de sécurité et la politique extérieure de la Suisse dans ces conditions? Les sondés, assez logiquement, sont 95% à plébisciter le maintien de la neutralité helvétique. Mais l’application pratique de ce principe fait débat. Un Suisse sur deux pense que la neutralité ne peut plus être défendue de manière crédible avec l’armée helvétique, bien que cette dernière dispose d’une bonne cote de satisfaction. «On aimerait garder une armée forte, mais on remarque peut-être aussi qu’en cas de conflit, en étant seul, ce ne serait pas si facile de se défendre», analyse Tibor Szvircsev Tresch, un des éditeurs de l’étude.

Population divisée en trois blocs

Malgré cela, les Suisses ne sont pas prêts à davantage de collaborations institutionnalisées avec leurs voisins pour assurer leur défense. Ni une adhésion à l’OTAN, ni un rôle plus actif au sein de l’ONU ne les charment. Quant à l’Union européenne, une forte majorité des sondés souhaite s’en tenir à une bonne coopération économique avec elle. L’étude Sécurité 2017 montre ainsi une Suisse divisée en trois blocs: 26% plébiscitent l’ouverture (adhésion à l’UE, à l’OTAN, etc.), 37% tiennent à une neutralité stricte et, entre les deux, 37% témoignent d'une volonté d’ouverture modérée. Ces derniers aimeraient une coopération internationale maximale mais avec une perte de souveraineté la plus réduite possible.

L’étude Sécurité 2017 se base sur un sondage représentatif mené par l’institut LINK auprès de 1209 personnes en janvier de cette année. La marge d’erreur est de 2,8%.

Lise Bailat