Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 16 novembre 2025

L'Ukraine, un terrain de jeu pour les cartels de drogue

 

Philippe Marques Pinto ressemble à de nombreux mercenaires en Ukraine: crâne rasé, tenue de combat, une expression sérieuse. Mais son cas est particulier. Dans la vidéo de recrutement du ministère ukrainien de la Défense, le Brésilien se tient devant un mur de briques, un regard grave en direction de la caméra, et raconte ses missions de soldat de défense aérienne sur le front. Chez lui à Rio de Janeiro, il travaillait comme «spécialiste de la sécurité» avant de partir combattre en Ukraine en 2023.

Mais la vidéo ne montre qu'une demi-vérité. Dans les favelas de la métropole brésilienne, Philippe Marques Pinto s'est fait un nom en tant que chef du gang «Comando Vermelho» (traduit par «Commando rouge»): une bande brutale de trafiquants de drogue et d'extorqueurs. Le mercenaire ne s'est pas rendu en Ukraine par conviction, mais avec un plan très précis. Au Brésil, les premières victimes sont déjà tombées. 

Nouvelles techniques de guerre

Le Brésilien serait venu en Ukraine pour y apprendre de nouvelles techniques de guerre telles que l'utilisation des drones: des compétences qu'il souhaiterait utiliser chez lui, à Rio, pour lutter contre les forces de l'ordre, selon les déclarations de la police brésilienne à la plateforme d'information ukrainienne «Kyiv Independent».

L'un des collègues mercenaires de Philippe Marques Pinto a confirmé à la télévision brésilienne que ce dernier était revenu plusieurs fois au Brésil depuis 2023. Et ce, pour transmettre les méthodes de combat qu'il avait apprises en Ukraine à ses collègues du cartel «Commando rouge».

Guerre des drones dans les favelas

Philippe Marques Pinto n'est pas un cas isolé. Les cartels latino-américains utilisent depuis un certain temps la guerre en Ukraine pour former leurs propres membres, comme l'a révélé le portail français «Intelligence Online». Les cartels les envoient comme mercenaires sur des fronts étrangers, où ils sont formés à l'utilisation d'équipements militaires parfois ultramodernes. Des connaissances qui leur sont utiles dans leurs «guerres» sanglantes contre la loi et l'ordre, dans leur propre pays d'origine.

Une opération policière brutale menée fin octobre contre le «Commando rouge» dans une favela de Rio de Janeiro – qui a fait plus de 100 morts – montre à quel point le transfert de connaissances du front ukrainien vers les favelas peut être meurtrier. Au cours des combats entre les membres du cartel et la police, des drones auraient été utilisés pour larguer des mini-bombes artisanales sur les forces de l'ordre. Une tactique sur laquelle les forces spéciales ukrainiennes et russes misent depuis des années. On estime que 70% des soldats tués sur le front ukrainien meurent lors d'attaques de drones.

L'armée ukrainienne, qui compte dans ses rangs des milliers de Colombiens, de Brésiliens et de Mexicains, fait désormais preuve de prudence lorsqu'il s'agit d'autoriser des soldats étrangers à suivre une formation sur l'utilisation des drones, confirme le mercenaire brésilien Everson Neves au «Kyiv Independent». Selon lui, l'armée aurait compris ce que certains mercenaires latino-américains recherchent réellement. 

Comment la Suisse pourrait en profiter

Les cartels de drogue ne sont pas les seuls à faire former leurs hommes au maniement des drones par les spécialistes ukrainiens. Le Danemark, par exemple, a déjà invité des officiers ukrainiens à venir montrer aux Danois ce qu'ils ont appris en près de quatre ans de guerre sur la technologie des drones et les moyens de défense contre ceux-ci. 

Les survols de drones qui ont forcé la fermeture de plusieurs aéroports en Europe cet automne rappellent l’ampleur du défi. En Suisse aussi, l’armée aurait tout intérêt à renforcer ses connaissances et ses capacités dans ce domaine.

Samuel Schumacher

blick.ch

Swiss Raid Commando devient le concours d'armée

 

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Il s'agira de "s’aguerrir, d’éprouver son endurance physique et mentale ainsi que ses savoir-faire", détaille l'armée dans un communiqué. Le concours réunira 320 militaires volontaires issus de toutes les formations, qui s'activeront en groupes de quatre.

Avant de chercher la victoire dans la "phase de mission", les patrouilles devront passer par les étapes de l'entraînement et de l'instruction. Toutes deux entendent renforcer les connaissances et compétences militaires.

La compétition se déroulera en conditions réelles, dans la rigueur du climat de novembre. Il s'appuiera sur le terrain, les infrastructures et les environnements réels de plus de quinze communes vaudoises et valaisannes. Les espaces reflètent ainsi ceux "dans lesquels l'armée devrait intervenir en cas de menace".

Premier concours en 1986

L'exercice s'inspire de l'ancien Swiss Raid Commando. La 18e édition de la compétition sportive s'était déroulée en 2009 dans le Chablais suisse et français, avant d'être interrompue par le Chef de l'Armée pour des raisons financières. À l'époque, l'exercice avait convié 640 participants de 19 pays.

Le Concours d'armée 2025 n'est, lui, accessible qu'aux militaires astreints au service dans l’Armée suisse. Organisé par la division territoriale 1, l'événement a nécessité plus de deux ans de préparation et d'organisation.

À noter que des restrictions de circulation et des nuisances sonores sont à prévoir dans la région concernée. Des mouvements de troupes, de véhicules lourds ainsi que des survols d'hélicoptères sont possibles.

ATS

Epstein fait allusion à une fellation de Trump dans un mail

 

Malgré la fin du shutdown, la tempête politique ne retombe pas aux Etats-Unis: environ 20'000 e-mails, SMS et autres documents liés au délinquant sexuel condamné Jeffrey Epstein font la une des médias américains, depuis ce mercredi 12 novembre. Le nom de l'actuel président américain Donald Trump y est régulièrement mentionné, accentuant la pression à son encontre.

Dans un mail adressé à l'ancien secrétaire au Trésor Larry Summers, Jeffrey Epstein, qui a abusé de jeunes filles pendant des années, décrit Trump comme la pire personne qu'il ait jamais rencontrée. «J'ai rencontré de très mauvaises personnes, mais aucune n'est aussi mauvaise que Trump. Pas une seule cellule décente dans son corps… alors oui – dangereux.»

«Ils essaient de faire tomber Trump»

Dans un SMS, Jeffrey Epstein déclare même qu'il est le seul à pouvoir renverser Trump. On ne sait pas exactement à qui le message a été adressé en décembre 2018. Le nom est caviardé dans les documents. «Tout cela va s'arranger! Vous essayez juste de faire tomber Trump et vous faites tout pour cela... !», a écrit la personne, dont l'identité est inconnue. Jeffrey Epstein répond: «Oui, merci. De la folie! Car je suis le seul à pouvoir le renverser.»

Les deux hommes étaient pourtant considérés comme des amis. Il existe plusieurs photos d'eux ensemble. Ils auraient longtemps entretenu des liens étroits.

«Des photos de Trump en train de sucer Bubba»

Certains e-mails entre Jeffrey et son frère Mark Epstein attirent particulièrement l'attention. En mars 2018, pendant le premier mandat de Trump, l'homme de 71 ans a écrit au prédateur sexuel: «Comment vas-tu?» Epstein lui répond que tout va bien, que Bannon est avec lui. Il s'agit probablement du conseiller de Trump de l'époque, Steve Bannon.

Mark Epstein répond alors: «Demande-lui si Poutine a les photos de Trump en train de sucer Bubba.» Son frère répond: «Et moi qui croyais avoir des tsuris.»

En yiddish, tsuris signifie «ennuis» ou «difficultés». L'identité de Bubba reste floue. Sur internet, certains ont supposé qu'il s'agissait de l'ancien président Bill Clinton, connu sous ce surnom. Mais Mark Epstein a déjà précisé au magazine américain Newsweek qu'il ne parlait pas de Clinton, sans pour autant donner d'autres noms. Aux Etats-Unis, «Bubba» peut aussi être employé comme petit nom pour désigner un garçon.

Les républicains veulent, eux aussi, la publication de tous les documents

L'influent multimillionnaire américain Jeffrey Epstein a dirigé pendant de nombreuses années un réseau d'abus dont ont été victimes des dizaines de jeunes femmes et de mineures. Il s'en prenait également à ses propres victimes. Le financier new-yorkais est mort en 2019 dans sa cellule de prison. La cause officielle de son décès est le suicide.

Depuis, les Etats-Unis font pression pour que les fichiers Epstein soient publiés afin de découvrir qui était impliqué dans ce réseau d'abus. Trump s'oppose depuis toujours à la publication de ces documents.

Mais la semaine prochaine, un vote à la Chambre des représentants pourrait permettre une percée, certains républicains souhaitant aussi se prononcer en faveur de la publication.

Natalie Zumkeller

blick.ch

Les passions se déchaînent à nouveau entre Pékin et Tokyo

 

Moins d’un mois après son arrivée à la tête du gouvernement japonais, la nationaliste Sanae Takaichi a déclenché une tempête annonciatrice d’un bras-de-fer peut être inédit entre le Japon et la Chine, en laissant entendre que son pays pourrait intervenir militairement en cas d’attaque chinoise contre Taïwan, suscitant les foudres de Pékin et des déclarations peu diplomatiques relevant de l’insulte.

Connue pour être une fervente critique de Pékin, Sanae Takaichi a déclaré le 7 novembre devant la Diète (le parlement japonais) que des attaques armées contre Taïwan pourraient justifier l’envoi de troupes japonaises pour défendre l’île, au titre de la « légitime défense collective » prévue par une loi japonaise adoptée en 2015. Interrogée par un député de l’opposition sur la réaction du Japon face à une situation d’urgence à Taïwan, la très conservatrice première ministre japonaise, arrivée au pouvoir le 21 octobre, a répondu : « S’il y a des navires de guerre et un recours à la force, quelle que soit la manière dont on envisage la situation, cela pourrait constituer une menace pour la survie du Japon. »

Or précisément ce texte de loi, adopté sous le gouvernement de Shinzô Abe, un ancien Premier ministre lui aussi nationaliste et mentor politique de Sanae Takaichi, autorise les « forces d’autodéfense » japonaises (armée) à soutenir un pays tiers si la survie du Japon est directement menacée. Cette loi tranche avec la Constitution pacifique adoptée par le Japon après la guerre, largement dictée par les Américains, dont l’article 9 stipule que le Japon renonce à la guerre en dehors de ses frontières. Le même Shinzô Abe, assassiné en juillet 2022, avait à l’époque été le premier chef de gouvernement japonais à déclarer qu’une invasion chinoise de Taïwan pourrait constituer un risque « existentiel » pour le Japon.

De fait, la franchise de la déclaration de Takaichi va plus loin que tout ce ne qu’avait jamais dit auparavant un Premier ministre japonais en exercice sur ce sujet depuis la fin de la Seconde guerre mondiale en 1945, en laissant entendre, sans le dire explicitement, que le Japon pourrait mener une action militaire en dehors de ses frontières sans avoir été attaqué lui-même.

En esquissant un scénario militaire concret avec l’utilisation possible de navires de guerre et un blocus naval, la Première ministre a donc franchi un seuil inédit. « Elle ne change pas la doctrine, mais la rend tangible, » analyse Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique. Pour l’experte, qui s’exprimait le 10 novembre sur Radio France International (RFI), Takaichi « réaffirme un fondement officiel de la politique de défense japonaise […] avec une précision qui a heurté Pékin. »

Un diplomate chinois menace de « couper la tête » de la première ministre

Il n’en fallait pas plus pour déclencher des réactions outrées et ouvertement hostiles de Pékin. Le consul général de la Chine à Osaka, Xue Jian, allait jusqu’à appeler samedi sur la plateforme X à « couper cette sale tête sans la moindre hésitation, » sans préciser qui il visait exactement. Dans ce message désormais supprimé où il ajoutait « Êtes-vous prêts pour cela ? », il n’avait pas mentionné nommément la première ministre japonaise, mais l’allusion était transparente.

Tandis que Pékin s’est abstenu de désavouer les propos de son diplomate, le porte-parole du gouvernement japonais Minoru Kihara les a jugés « extrêmement inappropriés. » Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là, tant s’en faut car si la Première ministre a ensuite expliqué qu’elle s’abstiendrait à l’avenir de faire explicitement référence à des scénarios précis sur ce sujet ultra-sensible, elle a catégoriquement refusé la demande de Pékin de les retirer, jugeant ses propos « conformes à la position traditionnelle du gouvernement. »

A partir de là, le ton est rapidement monté entre Pékin et Tokyo. Jeudi, le ministère chinois des Affaires étrangères a publié un message en japonais et en anglais d’une fermeté exceptionnelle sur son compte X, avertissant le Japon de « cesser de jouer avec le feu » et ajoutant que ce serait un « acte d’agression » si le Japon « osait s’immiscer dans la situation entre les deux rives du détroit, » mettant en garde Tokyo contre « de lourdes pertes » et de « payer un prix amer face au mur de fer de l’Armée populaire de libération chinoise. »

Vendredi, le gouvernement chinois annonçait avoir convoqué l’ambassadeur du Japon. « Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Sun Weidong, a convoqué jeudi l’ambassadeur du Japon en Chine, Kenji Kanasugi, afin de protester fermement contre les propos et les agissements erronés de la Première ministre japonaise, » soulignait un communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères. « La nature et l’impact de ces déclarations sont extrêmement graves, » a souligné Sun Weidong, exigeant que le Japon les retire « sinon, toutes les conséquences devraient être assumées par le Japon. »

« Aujourd’hui, 80 ans plus tard, quiconque osera entraver la grande cause de l’unification de la Chine, sous quelque forme que ce soit, se heurtera à une riposte cinglante de la part de la Chine ! », a précisé le vice-ministre à l’ambassadeur japonais, ce dernier répondant que la politique japonaise à l’égard de Taïwan n’avait pas changé, ajoutant que le Japon « exhortait vivement la Chine à prendre les mesures appropriées » concernant les propos de son diplomate à Osaka.

Les deux pays entretiennent de longue date des liens tumultueux qui ont souvent pris une tournure de franche animosité, avec en toile de fond les atrocités commises par l’armée impériale japonaise durant l’occupation de la Chine (1931-1945) pendant la guerre sino-japonaise qui fit des millions de morts en Chine. L’arrivée à la tête du gouvernement japonais de Sanae Takaichi, première femme à diriger un gouvernement au Japon, avait de plus été considérée comme une mauvaise nouvelle à Pékin du fait de ses convictions nationalistes et ses liens avec des personnalités politiques de premier plan à Taïwan.

C’est ainsi que rompant avec les usages diplomatiques entre Pékin et Tokyo, le président chinois s’était abstenu de tout message de félicitations après son élection. Prenant note de l’affront, Tokyo avait néanmoins insisté auprès de Pékin pour que Sanae Takaichi puisse rencontrer le président chinois Xi Jinping lors de la Conférence économique Asie-Pacifique en Corée du Sud, selon des sources japonaises.

Sanae Takaichi met en scène ses liens avec Taïwan, colère de Pékin

La rencontre du 31 octobre s’était déroulée dans une atmosphère cordiale. Mais le lendemain même, Takaichi avait rencontré le représentant de Taïwan au forum de l’APEC, Lin Hsin-I (林信義), un ancien vice-Premier ministre, qu’elle présente sur X (ex-Twitter) dans une photo en sa compagnie comme « un conseiller principal du bureau présidentiel de Taïwan, » deux actions qui suscitèrent immédiatement la colère de Pékin.

« La dirigeante japonaise a délibérément rencontré des représentants des autorités de la région chinoise de Taïwan en marge des réunions de l’APEC et en a fait grand cas sur les réseaux sociaux, » déclarait le ministère Chinois des Affaires étrangères pour qui « Ces actions […] ont envoyé un signal gravement erroné aux forces indépendantistes taïwanaises. »

Pour le quotidien japonais Nikkei Asia, la réaction de la Chine est « difficile à comprendre » puisque le prédécesseur de Sanae Takaichi, Shigeru Ishiba, avait rencontré le même Lin pendant environ 50 minutes en marge du précédent sommet de l’APEC à Lima, sans que Pékin ne proteste.

Mais tandis que les insultes se sont mises à pulluler sur les réseaux sociaux chinois où Sanae Takaichi était traitée de « sorcière démoniaque, » d’autres gestes à Tokyo avaient contribué à irriter Pékin. Le 6 novembre, le ministère chinois des Affaires étrangères exprimait son mécontentement face à la décision du gouvernement japonais de décerner le Grand Cordon de l’Ordre du Soleil levant, l’une de ses plus prestigieuses décorations japonaises, à Hsieh Chang-ting (謝長廷), ancien chef entre 2016 et 2024 du Bureau économique et culturel de Taipei au Japon, de facto l’ambassade de Taïwan au Japon en l’absence de relations diplomatiques officielles.

Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, avait alors déclaré : « Que cherche le Japon en décernant des décorations à ceux qui propagent le discours de l’indépendance de Taïwan ? S’agit-il d’une manœuvre délibérée pour encourager les séparatistes indépendantistes taïwanais ? »

Vendredi, dans un premier signe d’escalade qui s’apparente clairement à des représailles, le gouvernement chinois a exhorté « solennellement » ses citoyens à éviter de se rendre au Japon, destination très prisée des touristes chinois. De son côté, dans un message publié vendredi sur Internet, l’ambassade de Chine au Japon a elle aussi mis en garde ses ressortissants contre tout voyage dans ce pays. La situation présente entre Tokyo et Pékin présente « des risques importants pour la sécurité personnelle et la vie des citoyens chinois au Japon, » peut-on lire dans le message publié sur WeChat. Le gouvernement japonais a fait part samedi de ses objections face à cette mesure et déposé une protestation officielle. Le porte-parole en chef, Minoru Kihara, a invité la Chine à prendre « les mesures appropriées. » Cette mesure est loin d’être anodine puisque près de 7,5 millions de voyageurs chinois ont visité le Japon entre janvier et septembre cette année, ce qui représente de loin le nombre le plus élevé parmi tous les pays et régions, selon les données officielles citées par la chaîne publique japonaise NHK.

L’inquiétude à l’égard de la Chine croît à l’intérieur du gouvernement japonais

De fait, les déclarations de la Première ministre japonaise reflètent l’opinion de nombreux membres des ministères japonais de la Défense et de la Sécurité économique, selon des personnes proches de son cabinet, citées par le Financial Times. Pour Margarita Estevez-Abe, politologue à la Maxwell School de l’université de Syracuse, la visite de Trump dans la région en octobre a vraisemblablement encouragé Pékin et Tokyo à durcir leur position sur cette question.

« Takaichi estime qu’elle peut s’exprimer plus fermement [tandis que] la Chine aurait été plus prudente si elle n’était pas parvenue à un accord avec les États-Unis sur les droits de douane […] L’échiquier a beaucoup changé au cours des dix derniers jours. Les deux parties se sont enhardies, » a-t-elle jugé, citée le 12 novembre par le quotidien des affaires britannique.

Pour Stephen Nagy, expert en relations internationales à l’Université chrétienne internationale de Tokyo, l’expérience de Takaichi en tant que ministre de la Sécurité économique, contrairement à ses prédécesseurs Shigeru Ishiba et Fumio Kishida, lui a permis de comprendre les vulnérabilités croissantes du Japon, ce qui serait au cœur de son approche envers la Chine. « Takaichi a beaucoup plus réfléchi à la sécurité économique que les Premiers ministres japonais Ishiba et Kishida. Elle réfléchit à la résilience et elle va en faire sa marque diplomatique, » estime-t-il, cité par le Financial Times.

Pour Hotaka Machida, ancien diplomate japonais aujourd’hui membre du groupe de réflexion Institute of Geoeconomics, l’accent mis par Sanae Takaichi sur l’économie nationale met clairement en évidence la forte dépendance du Japon à l’égard de l’industrie manufacturière chinoise et du marché chinois en tant que moteur de sa propre puissance économique, tout ceci sur fond du risque sécuritaire croissant que représente Pékin et la dépendance de Tokyo vis-à-vis des États-Unis qui constituent sa « seule option » en matière de garantie de défense.

« La situation actuelle entre le Japon et la Chine est grave, car la Chine est à la fois un concurrent et un challenger, » relève Hotaka Machida. « Le Japon est très préoccupé par la puissance croissante de la Chine sur le plan militaire. »

A cela s’ajoute le facteur déstabilisateur additionnel pour le Japon que représente l’imprévisibilité et les inconséquences de Donald Trump qui ont terni l’image des États-Unis en tant que soutien militaire et économique fiable, estime de son côté Robert Dujarric, directeur de l’Institut d’études asiatiques contemporaines de l’université Temple à Tokyo.

« Une crainte nouvelle » s’est installée au sein de l’administration japonaise quant au préjudice que Trump pourrait causer aux relations entre les États-Unis et le Japon. « Takaichi a peut-être les mêmes politiques que ses prédécesseurs et [la Chine] a le même dirigeant, mais les cartes que Takaichi et Xi ont en main aujourd’hui sont très différentes, » a-t-il déclaré dans les colonnes du Financial Times.

La question de Taïwan est d’autant plus sensible pour Pékin que le Japon avait pris le contrôle de l’île en 1895 au détriment de l’Empire chinois finissant de la dernière dynastie des Qing (1644-1911) rongée par la corruption, avant de la rétrocéder en 1945 au gouvernement chinois nationaliste de l’époque avant l’arrivée du Parti communiste chinois au pouvoir à Pékin en 1949.

Mais cette période de colonisation japonaise n’a pas laissé à Taïwan les mauvais souvenirs qui subsistent en Chine ou en Corée car elle n’avait pas donné lieu à des exactions comparables et avait, au contraire, jeté les bases d’une nouvelle modernité dans l’île dans les domaines de l’enseignement, de l’industrie et de l’agriculture. De ce fait, même si le Japon a été l’un des premiers à reconnaître la Chine communiste en 1972, les liens entre le Japon et Taïwan sont restés forts dans bien des domaines, y compris politiques et stratégiques.

Tokyo militarise ses îles méridionales face aux incursions chinoises

Il reste que cet épisode intervient alors que Tokyo intensifie la militarisation de ses îles méridionales, notamment les Senkaku (Diaoyu en chinois, 釣魚島), situées à moins de 200 km de Taïwan dont les deux pays revendiquent la souveraineté. Ces dernières années, les incursions chinoises dans la zone ont augmenté, renforçant la perception au Japon que le statu quo régional est de plus en plus fragile. « La situation autour de Taïwan est devenue si grave que nous devons envisager le pire, » avait d’ailleurs insisté Takaichi au Parlement, liant ainsi pour la première fois explicitement la sécurité japonaise à celle de ces îles dont certaines ne sont qu’à une centaine de kilomètres des rives de Taïwan.

Cet épisode devenu explosif s’inscrit néanmoins dans la continuité du réalisme stratégique hérité de Shinzo Abe, que la nouvelle Première ministre revendique ouvertement. Dès son arrivée au pouvoir, Takaichi avait fait sienne le renforcement des capacités militaires japonaises et promis de respecter l’engagement de son prédécesseur Fumio Kishida de porter le budget de la Défense nippon à 2 % du PIB, un seuil inédit depuis 1945 dont le Japon se rapproche désormais.

De plus, s’ajoute également la fermeté du ton employé dans ses déclarations à l’égard qui tranche singulièrement avec celui le plus souvent ampoulé des responsables politiques japonais lorsqu’ils abordent les sujets liés à la Chine, un domaine où le Japon est pendant des décennies resté d’une prudence extrême en raison de son passé militariste, un handicap dont la diplomatie chinoise s’est abondamment servie contre son voisin nippon.

Cette controverse autour des propos de Sanae Takaichi cristallise aussi les fractures béantes d’une Asie de l’Est en recomposition. Le Japon, longtemps contraint par sa Constitution pacifiste, entend aujourd’hui assumer un rôle plus affirmé dans la sécurité régionale. Pour Tokyo, qui affiche sa détermination, cette posture se veut dissuasive et préventive. Pour Pékin, elle s’oppose frontalement à son ambition de devenir la première puissance régionale incontestée, à la faveur de l’influence américaine qui s’effrite dans cette zone depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche le 20 janvier dernier. Dans ce bras-de-fer, les mots ont pris une valeur stratégique.

En abordant la question de Taïwan sous l’angle de la sécurité nationale, Sanae Takaichi confirme un basculement doctrinal dans les rangs conservateurs nippons, celui d’un Japon qui ne se définit plus comme simple puissance économique pacifiste, mais comme acteur de la sécurité régionale en Asie de l’Est, une posture qui ne fait cependant pas l’unanimité au Japon. Plusieurs députés de l’opposition ont mis en garde contre « une dérive dangereuse vers la guerre. »

Il reste néanmoins que sur le fond tout comme sur la forme, cet incident met en lumière une tension croissante entre deux puissances aux trajectoires devenues peut-être irréconciliables : celle d’un côté d’un Japon redevenu nationaliste en quête de souveraineté stratégique en Asie de l’Est et de l’autre une Chine consciente de sa puissance montante et plus que jamais inflexible sur la question de Taïwan.

Sébastien Raineri

asialyst.com

samedi 15 novembre 2025

Siège de Sarajevo années 90: des touristes auraient payé des fortunes pour tuer des Bosniaques

 

Des «safaris de tireurs d’élite»: c’est ainsi que des témoins décrivent la chasse à l’homme morbide à laquelle auraient participé des touristes fortunés durant le siège de Sarajevo, dans les années 1990. Ils auraient déboursé entre 74'000 et 92'000 francs actuels pour tuer, depuis les collines serbes, des enfants, des femmes et des hommes pris au piège dans la ville assiégée, rapporte le «Telegraph» ce mercredi 12 novembre.

L’équivalent de 100.000 euros TTC pour un voyage "de chasse" organisé à Sarajevo

Le parquet de Milan a ouvert une enquête après la plainte du journaliste et romancier italien Ezio Gavazzeni. Celui-ci décrit des «personnes très riches», passionnées d’armes, qui auraient payé une fortune à des forces serbes pour «abattre des civils sans défense». Il évoque «une centaine» de participants. La Serbie dément formellement ces accusations.

Le siège de Sarajevo, le plus long de l’histoire moderne (1992–1996), a coûté la vie à plus de 11'000 civils. La Yougoslavie était déchirée par la guerre, la capitale de la Bosnie-Herzégovine était encerclée par les forces serbes et vivait sous les tirs constants de snipers et de mortiers.

Des prix selon la «cible»

Les témoignages recueillis par Ezio Gavazzeni et des enquêteurs italiens décrivent une réalité encore plus glaçante: il aurait existé une grille de prix pour ces assassinats. «Les enfants coûtaient plus cher, puis les hommes, surtout s’ils portaient un uniforme, les femmes ensuite. Les personnes âgées pouvaient être tuées gratuitement», affirme l’écrivain. 

Les allégations évoquent des touristes d’extrême droite, originaire notamment d’Italie, des Etats-Unis et de Russie, venus avec leurs fusils de précision pour tirer sur des Bosniaques terrifiés, «pour le plaisir». Ils auraient été motivés par leur sympathie à la cause serbe ou la soif de faire couler du sang ou une combinaison des deux. 

«Cruauté et motifs abjects»

Des récits similaires avaient filtré au fil des ans, sans jamais aboutir à des poursuites. Cette fois, les éléments apportés par Ezio Gavazzeni pourraient changer la donne. Il a notamment récolté des informations d’un officier bosnien du renseignement militaire, qui lui-même les aurait obtenues d’un soldat serbe capturé.

Le dossier est désormais entre les mains du procureur italien antiterroriste Alessandro Gobbis, qui cherche à identifier les Italiens impliqués. Ils pourraient être poursuivis pour «homicide volontaire aggravé par la cruauté et des motivations abjectes».

«Comme si de rien n'était»

En 2007, l’ancien marine américain John Jordan avait témoigné devant le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie que des «snipers touristes» venaient à Sarajevo pour tirer sur des civils, racontant avoir vu un homme équipé «d’une arme plus adaptée à la chasse au sanglier qu’au combat urbain». Il avait ajouté que l'individu maniait l'arme comme «un novice».

Selon l’officier bosnien cité par Ezio Gavazzeni, ses services auraient alerté, fin 1993, le renseignement militaire italien (Sismi). Début 1994, ils auraient reçu une réponse: les Italiens auraient découvert que des touristes partaient de Trieste avant de rejoindre les collines au-dessus de Sarajevo. 

«Nous avons mis fin aux safaris», auraient alors assuré les services italiens. Les expéditions auraient cessé quelques mois plus tard. Gavazzeni se dit horrifié: «Ils ont quitté Trieste pour une chasse à l’homme, puis sont rentrés chez eux comme si de rien n’était. Respectés par leur entourage.»

Un cas russe filmé

Un épisode est documenté: en 1992, l’écrivain et politicien nationaliste russe Eduard Limonov a été filmé tirant à la mitrailleuse lourde depuis les hauteurs de Sarajevo. Mais il ne s’agissait pas d’un «safari payant»: il était l’invité de Radovan Karadzic, chef serbe de Bosnie, plus tard condamné pour génocide et crimes contre l’humanité. Le politicien nationaliste russe était là en admirateur, lâchant: «Nous, les Russes, devrions prendre exemple sur vous.»

Si les faits venaient à être confirmés, ils dévoileraient l’un des volets les plus sinistres du siège de Sarajevo: celui d’hommes venus de l’étranger pour transformer une guerre en terrain de jeu meurtrier. Trente ans plus tard, l’enquête italienne pourrait être la première à tenter de rendre justice à ces victimes invisibles, celles dont la mort avait été monnayée comme une attraction.

Solène Monney

blick.ch