Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 17 janvier 2025

De l’évolution du débat stratégique russe

 

L’un des problèmes de ce qui est improprement appelé « guerre hybride » est qu’il faut pouvoir exploiter l’avantage militaire acquis : tout ne s’obtient pas par la ruse. À quel point la culture stratégique russe a‑t‑elle été affectée par le « contournement de la lutte armée » et dans quelle mesure la culture stratégique est-elle à distinguer de la pratique stratégique ?

La pensée stratégique russe postsoviétique a été marquée par la théorisation du contournement de la lutte armée, qui s’est développée dès le début des années 1990 à partir d’une double idée : premièrement, la lutte armée (à savoir l’emploi ouvert et direct de la violence armée) passe au second plan dans l’essence et le contenu de la guerre ; deuxièmement, le poids et la puissance des moyens et méthodes non militaires (politiques, psychologico-­informationnels, techno-­informationnels, diplomatiques, économiques, etc.) et militaires indirects (force spéciales, forces irrégulières, compagnies militaires privées, services de renseignement, dissuasion stratégique, emploi dissimulé de la violence armée, etc.) ont tellement grandi qu’ils sont aujourd’hui capables d’atteindre des objectifs politiques décisifs. Cette double idée, partagée par une grande partie des élites militaires russes, y compris les chefs d’état-­major, au moins dès Samsonov (1996-1997), a provoqué de sérieux débats épistémologiques dans la science militaire russe : qu’est-ce que la guerre ? qu’est-ce que la violence ?, etc. Dans ces débats, trois arguments majeurs ont été avancés par les principaux « révisionnistes » : l’essence de la guerre n’est pas la violence armée ; la violence n’est pas seulement armée, mais aussi non armée, non militaire ; la violence armée peut être indirecte. Les idées des révisionnistes sur la guerre ont fini par imprégner toute la littérature militaire au sens large (revues, journaux, dictionnaires et encyclopédies militaires…), les discours d’officiels militaires et les documents de doctrine.

Il ressort de la théorisation du contournement deux façons de faire la guerre, avec, au centre, une révision (en fait, un élargissement) de l’interprétation traditionnelle du concept de guerre. Le premier volet du contournement s’appuie sur l’idée qu’une confrontation indirecte, faite de luttes non militaires et de moyens et méthodes militaires indirects, est devenue centrale et que la lutte armée interétatique, qui prend une forme nouvelle, limitée, brève et principalement à distance, termine le processus de confrontation (lequel peut durer des mois, voire des années). Le second volet, à privilégier autant que possible selon les théoriciens du contournement, est l’évitement de la lutte armée interétatique, qui n’exclut cependant pas une lutte armée indirecte limitée menée par des proxys. Cette approche est fondée sur l’idée que les moyens non militaires sont devenus si puissants qu’ils sont aujourd’hui violents et capables, en combinaison avec des moyens et méthodes militaires indirects, d’atteindre des objectifs politiques décisifs. La flexibilité et l’adaptation sont les linéaments de la théorisation du contournement : si une application du second volet échoue à atteindre les objectifs fixés, alors un coup armé direct et final n’est pas exclu – si le contexte et la nature de la cible le permettent.

Le contournement n’a pas produit de modèle de guerre qui serait unanimement reconnu et institutionnalisé ; il est à la fois bien plus et bien moins qu’une doctrine : il est un tropisme, qui a imprégné la théorie, les doctrines et la pratique. Il dépasse l’analyse théorico-­militaire rationnelle ou technique et s’enracine dans les profondeurs d’une culture stratégique russe ancienne et renouvelée. En effet, cette théorisation s’est appuyée sur une analyse pragmatique de la faiblesse des capacités militaires et économiques de la Russie, des façons de faire de la guerre à l’époque de la mondialisation et dans des territoires protégés par l’arme nucléaire ou des puissances majeures. Elle s’est aussi et surtout fondée sur un mode de pensée et des croyances qui ont tendance à déconnecter les élites militaires russes de la réalité, sur une mémoire spécifique de la guerre froide, sur l’observation tronquée des doctrines et des actions stratégiques occidentales (souvent au détriment de l’expérience pourtant riche de la Russie et de l’URSS en la matière), sur des études méthodologiquement et scientifiquement pauvres, parfois fondées sur des documents et des discours faux ou falsifiés, sur des théories du complot et des pseudosciences. Tout cela a mené les élites politiques et militaires à surestimer non seulement la capacité des moyens indirects à atteindre des buts politiques, mais aussi leur propre capacité à utiliser ces moyens rationnellement.

La théorisation du contournement de la lutte armée depuis la chute de l’URSS explique non seulement la nature de l’« opération militaire spéciale » (SVO) telle qu’elle a été conçue, mais aussi, en partie, l’échec de cette dernière.

Quel est l’état du débat stratégique russe ? Peut-on considérer qu’il est libre et dynamique ?

L’expérience perçue et parfois vécue de la SVO a déjà un impact sur la théorie militaire russe. Le débat stratégique dans l’armée russe est moins libre que vivant, même s’il ne s’exprime pas de la même manière selon les supports, y compris dans les sources publiées par le ministère de la Défense. C’est d’ailleurs ce qui rend très précieuses et même indispensables les sources de la littérature militaire russe – longtemps négligées – pour comprendre l’évolution de la pensée et de la culture stratégiques russes postsoviétiques et, de là, pour mieux éclairer les pratiques stratégiques russes et les relations entre la théorie, la doctrine et la pratique. Malheureusement, l’accès à ces sources est de plus en plus restreint.

Les critiques continuent d’être exprimées, y compris après les échecs de la SVO. Les critiques verticales, souvent exprimées de façon indirecte (allusions, comparaisons historiques, combinaisons de propos dithyrambiques et critiques, etc.), ne sont pas rares dans la littérature militaire russe, notamment celle publiée par le ministère de la Défense. Elle est aussi un large espace de débats et de critiques plus horizontales, à travers lequel les théoriciens discutent entre eux ou observent de façon assez directe et critique les expériences opérationnelles de la Russie sur des sujets spécifiques (lutte antidrone, guerre électronique, formes d’emploi des forces terrestres, aériennes et maritimes, soutien psychologico-­moral, guerre informationnelle, etc.). Cette relative liberté de ton rend la théorie militaire russe vivante et montre que l’armée et l’État russes ont un potentiel d’adaptation plus important que l’on a pu le supposer.

Avez-vous été surpris des performances opérationnelles de l’armée russe en Ukraine ? Quelle est votre vision de l’adaptation de Moscou à la guerre ?

J’ai été moins surpris par les (non-)performances opérationnelles de l’armée russe que par celles de l’armée ukrainienne. Moscou ne s’est pas préparé à mener cette guerre d’attrition, mais à conduire une opération armée brève, achevant une longue phase de confrontation indirecte contre un ennemi jugé isolé et affaibli, dont le Kremlin pensait que les alliés étaient suffisamment dissuadés et pusillanimes pour intervenir. La planification opérationnelle s’est appuyée sur une double base qui a empêché l’armée russe d’agir efficacement : la théorisation du contournement d’un côté, et le désir pressant du Kremlin de régler le « problème » ukrainien de l’autre, conforté par un renseignement défaillant. Les élites militaires ont clairement identifié les échecs de la SVO et en ont débattu. Sur la question du contournement, elles ont plutôt eu tendance à estimer qu’il avait été mal appliqué, tandis que l’échec de la prévision et du renseignement était souligné. Sur la guerre d’attrition qui découle de cette SVO ratée, trois principaux domaines ont retenu l’attention aussi bien dans la théorie, dès les mois d’avril-mai 2022, que dans les adaptations que l’on a pu observer sur le terrain et qui ont porté leurs fruits : un emploi massif de drones de petite taille (reconnaissance, frappe) et de la lutte antidrone (par le feu et la guerre électronique) ; une utilisation plus précise de l’artillerie ; et des changements d’approche dans l’emploi et la composition des formations tactiques. L’armée russe a aussi su s’adapter, dès 2023, à la saturation des défenses antiaériennes sur le territoire ukrainien, en employant mieux ses hélicoptères d’attaque et en utilisant des bombes planantes.

La Russie n’est certes pas parvenue à surclasser l’armée ukrainienne, malgré une nette asymétrie des potentiels, mais elle se trouve dans une période bien plus favorable qu’en 2022. La mobilisation partielle et les contrats juteux proposés aux volontaires lui ont permis de stabiliser le front et même de progresser, en compensant le taux élevé d’attrition. Le politique aussi s’est adapté et a su prendre des risques pour la stabilité du régime. Par ailleurs, les avancées dans le Donbass et l’élection présidentielle américaine offrent une fenêtre d’opportunité à Moscou, même si les sondages montrent que la grande majorité des Ukrainiens ne sont pas prêts à renoncer à l’intégrité territoriale ni à la souveraineté de l’Ukraine.

Le nucléaire reste central pour la puissance russe, comme pour la manière dont nous la considérons. Comment s’oriente le débat en la matière, notamment sur l’usage tactique ?

La SVO a remis en cause la pertinence de la dissuasion stratégique russe, à la fois comme concept et comme système. L’affaiblissement des forces conventionnelles de la Russie et de ses moyens non militaires en Occident, ainsi que le changement de perception des menaces (la crainte d’une guerre conventionnelle régionale ou générale avec l’OTAN) – deux paramètres essentiels à partir desquels Moscou a d’abord abaissé son seuil d’emploi (années 1990-2000) avant de le remonter (2010-2024) – et la démonétisation de ses mesures dissuasives nucléaires ont conduit dès 2022 des officiers importants de la dissuasion nucléaire russe à reposer la question de la prééminence du nucléaire.

La redéfinition récente des termes de la doctrine nucléaire annoncée par le président russe était donc prévisible, bien qu’encore incertaine puisque aucun document n’a été publié. Il est frappant qu’elle semble reprendre des idées et des formulations très proches de celles avancées par la théorie et les doctrines à l’époque de l’abaissement du seuil (années 1990-2000), lorsque la Russie se sentait vulnérable : similitudes entre les notions de « situations critiques » et de « menaces critiques » ; emploi de la notion de « souveraineté », l’une des notions que sous-­entendait à l’époque celle de « sécurité nationale », et qui remplacerait l’expression de « menace à l’existence même de l’État » adoptée en 2010 ; emploi possible face à l’agression d’un État non nucléaire avec la participation ou le soutien d’un État nucléaire, un critère présent dans les doctrines militaires de 1993 et de 2000, même si celles-ci évoquaient, à la place du « soutien », l’idée d’« engagements d’alliés » entre l’État agresseur non nucléaire et un État nucléaire.

Il ne faut bien sûr pas omettre le contexte et les objectifs de ces annonces, qui deviennent en soi une mesure de dissuasion visant à contraindre les Occidentaux à ne pas augmenter leur implication en Ukraine, voire à la baisser, et à isoler Kyiv. Dans le même temps, s’ils sont confirmés, ces changements peuvent être analysés comme un abaissement du seuil d’emploi, fruit d’une évolution beaucoup plus profonde, liée à l’évolution jugée défavorable à la Russie des deux paramètres cités plus haut, et qui a des implications à plus long terme, au-delà de l’Ukraine.

Les échecs essuyés par la Russie depuis le 24 février 2022 tendent à montrer que le seuil d’emploi reste relativement haut dans le cadre de la guerre en Ukraine. Les circonstances qui pousseraient Moscou à envisager réellement l’emploi de l’arme nucléaire seraient extrêmes et, à ce stade, peu probables : le Kremlin devrait percevoir ses capacités conventionnelles comme étant trop faibles face à des Ukrainiens plus forts, et juger la détermination et la solidarité occidentales fragiles ; parallèlement, l’Ukraine serait en passe de s’emparer de territoires symboliquement importants, comme la Crimée, ou bien ses incursions armées en territoire russe deviendraient incontrôlables pour Moscou. Avant de procéder à des frappes, la Russie qui, depuis 1993, a progressivement élargi la dissuasion nucléaire aux guerres conventionnelles et envisagé la possibilité d’un emploi en premier pour empêcher une telle guerre ou dissuader l’adversaire de la continuer (deèskalaciâ) – y compris dès le début du conflit – prendrait des mesures de dissuasion fortes. Sans effets, ces mesures se traduiraient probablement par une ou des frappes nucléaires limitées et progressives sur le théâtre (d’abord démonstratives puis visant un objectif opérationnel), y compris des frappes de « contre-­valeur » en Occident si ce dernier s’était directement, physiquement impliqué dans ces succès ukrainiens. L’armée russe n’a pas développé d’attitudes rigides à l’égard des armes tactiques et tactico-­opérationnelles (ou « non stratégiques »), et a plutôt pensé l’articulation et l’harmonie de tout l’arsenal nucléaire dans le cadre d’une « dissuasion nucléaire régionale ».

Joseph Henrotin

Dimitri Minic

areion24.news

L’UE a invité la Suisse à participer à son projet de mobilité militaire

 

Au début, il n’était pas question d’ouvrir les projets de défense retenus par la Commission de Bruxelles au titre de la Coopération structurée permanente [CSP ou PESCO] à des pays n’appartenant pas à l’Union européenne [UE]. En tout cas, la France s’y était fermement opposée. Seulement, certains États membres ayant contesté cette restriction, Paris dut accepter un compromis proposé par Berlin en novembre 2020.

Ainsi, un pays tiers peut prendre part à un projet de la CSP, sous réserves de remplir certains conditions politiques, matérielles et juridiques.

« Un pays souhaitant participer à un projet doit partager les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, ne doit pas porter atteinte aux intérêts de l’Union et de ses États membres en matière de sécurité et de défense et doit avoir conclu un accord pour échanger des informations classifiées avec l’UE, entre autres », explique le Conseil de l’Union européenne.

Le projet « mobilité militaire » [aussi appelé « Schengen militaire »], coordonné par les Pays-Bas, a été l’un des premiers à s’ouvrir à des États tiers, à savoir les États-Unis, la Norvège et le Canada. Pour rappel, il vise à simplifier et à normaliser les procédures en matière de transport militaire au sein de l’espace européen, que ce soit par voie ferroviaire, routière, aérienne ou maritime. Il s’agit de répondre à des préoccupations exprimées par l’Otan.

Actuellement, le projet « mobilité militaire » fédère vingt-huit pays, dont vingt-cinq sont membres de l’UE, dont la France. Et il pourrait en compter bientôt trente. En effet, après avoir invité le Royaume-Uni à le rejoindre, en 2022, le Conseil de l’UE a décidé d’en faire autant avec la… Suisse.

N’appartenant ni à l’UE, ni à l’Otan, la Suisse avait fait part de son souhait de participer au projet « mobilité militaire » en août 2024.

« Le projet ‘Military Mobility’ vise à faciliter la mobilité militaire sur le territoire européen et ce grâce à des processus administratifs standardisés. Les demandes de franchissement de frontières pourront ainsi être traitées et approuvées en quelques jour. […] La simplification des processus bénéficiera aux engagements de la Suisse à l’étranger, notamment dans le cadre de l’instruction ou de la promotion militaire de la paix. La participation au projet n’entraîne aucune obligation ni aucun automatisme. La Suisse continuera d’évaluer les demandes au cas par cas », avait alors expliqué le Conseil fédéral [gouvernement] suisse.

Via un communiqué diffusé le 13 janvier, le Conseil de l’UE a donc annoncé qu’il allait autoriser les Pays-Bas à « inviter officiellement la Suisse à participer à ce projet CSP », étant entendu que celle-ci « remplissait les conditions générales » pour y être admise et qu’elle y « apporterait une valeur substantielle ».

À noter que des convois militaires européens sont régulièrement autorisés à traverser la Suisse. Cela a ainsi été le cas en mars 2024, quand la France a renforcé la « Strategic Reserve Force » [SRF] de la mission européenne Althea, en Bosnie-Herzégovine.

« Ce convoi ferroviaire français ne nécessite pas d’autorisation pour le transit du matériel de guerre qu’il transporte, étant donné qu’il est destiné à un engagement international [la mission EUFOR ALTHEA] à laquelle la Suisse participe également », avait expliqué le gouvernement suisse, à l’époque.

Reste que le début de la guerre en Ukraine, la Suisse semble prendre de plus en plus de distance avec sa neutralité. Ce point avait d’ailleurs déjà été soulevé au moment de l’annonce concernant l’achat de trente-six chasseurs bombardiers F-35A auprès des États-Unis, certains y voyant un risque pour l’autonomie de la politique de sécurité du pays. Ce que le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports [DDPS] avait réfuté, en usant, peu ou prou, des mêmes arguments pour justifier la participation de la Confédération à l’initiative de bouclier aérien européen [ESSI – European Sky Shield Initiative], lancée par l’Allemagne dans le cadre de l’Otan.

Publié en août dernier, un rapport commandé par le DDPS à une commission d’experts a conforté cette approche, étant donné qu’il a recommandé une collaboration encore plus étroite avec l’Otan et l’UE.

« Si la Russie attaquait l’Allemagne, la Suisse pourrait-elle se dire en sécurité avec l’argument de la neutralité et attendre que l’ennemi arrive à ses portes pour agir ? Je ne le crois pas », avait alors justifié François Pointet [vert’libéral], l’un des membres de cette commission d’étude, auprès du site d’actualités suisse Watson.

opex360.com

jeudi 16 janvier 2025

L’état-major ukrainien puise dans les forces aériennes pour renforcer les unités d’infanterie

 

Au début des années 2010, l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] avait lancé une campagne de recrutement avec le slogan : « Pour faire voler nos avions, il faut toute une armée ». Il s’agissait d’insister sur le fait que tout ne reposait pas sur les pilotes et les mécaniciens… mais que, pour fonctionner, elle avait aussi besoin de spécialistes n’ayant pas forcément un rapport direct avec l’aéronautique [pompiers, informaticiens, fusiliers commandos, analystes du renseignement, etc.]. Et cela vaut évidemment aussi pour les autres forces aériennes.

Or, il en va autrement en Ukraine. En effet, dans une vidéo diffusée via les réseaux sociaux le 14 janvier, des techniciens aéronautiques de la 114e Brigade des forces aériennes ukrainiennes, qui met notamment en œuvre des MiG-29 « Fulcrum », ont affirmé que leur unité avait reçu un message pour lui demander de transférer une partie de ses aviateurs vers l’infanterie. Et cela à un moment où la situation est devenue critique dans le Donbass, où l’armée russe continue de progresser.

« Notre unité a reçu un télégramme concernant le transfert de presque tous les techniciens vers l’infanterie, ce qui signifie que nous nous retrouverons sans personnel technique pour entretenir nos avions. Déjà, 250 personnes ont été transférées. Maintenant ils prévoient d’en transférer 218 autres. Le personnel technique est en train d’être détruit et sans nous, l’aviation ne pourra pas fonctionner », ont affirmé ces aviateurs. Et cela n’a pu qu’engendrer une vive polémique.



Le transfert du personnel spécialisé des brigades aériennes vers les unités des forces terrestres a été confirmé par deux sources ukrainiennes à Forbes Ukraine. « La raison est évidente : l’offensive active de l’ennemi , dans le contexte de laquelle le chef des forces armées, le général Oleksandr Syrsky, doit stabiliser le front », a expliqué l’une d’elles. Et d’ajouter que, « en raison de l’échec de la mobilisation, il y a un déficit catastrophique de combattants sur les postes avancée ».

En effet, engagés à Koursk et dans le Donbass, l’armée ukrainienne doit compenser ses pertes au combat [tués, blessés, prisonniers] alors qu’elle fait face à des taux élevés de désertions et/ou d’abandons de postes. À cela s’ajoute les difficultés à recruter, l’âge minimal pour la mobilisation étant toujours de 27 ans.

Quoi qu’il en soit, les affirmations des aviateurs de 114e Brigade aérienne ont été confirmées par la députée Mariana Bezuhla, issue du même parti que Volodymyr Zelensky, le président ukrainien. « Conformément aux ordres du commandant en chef, des techniciens, mécaniciens et autres spécialistes des forces aériennes sont transférés de manière intensive vers l’infanterie », a-t-elle écrit, via Telegram.

En outre, complète Forbes Ukraine, autorisé par le général Sirsky, ce transfert à « grande échelle » concernerait non seulement les escadrons de chasse mais aussi les unités de défense aérienne, pourtant très sollicitées avec les attaques de grande ampleur lancées régulièrement par les forces russes.

Selon Forbes Ukraine, un pilote ukrainien, Ivan « Smereka » Smerechansky, a dénoncé cette pratique, via Instagram. « La formation d’un technicien prend au moins trois ans. Quand vous voyez nos oiseaux de fer voler, abattre les drones ennemis, détruire l’ennemi, c’est plus que le travail d’un pilote. C’est celui de tout un système », a-t-il fait valoir.

Face à la polémique, l’état-major général ukrainien a dû réagir, en esquissant un pas en arrière. Ainsi, via un communiqué, il a assuré qu’il n’y avait pas [ou plus ?] de plan « visant à transférer les spécialistes des forces aériennes qui entretiennent les avions vers des unités d’infanterie ». Cependant, « certaines catégories de personnel […], après une instruction préliminaire dans des centres de formation, renforcent les forces d’assaut terrestres, aéroportées, etc. », a-t-il admis.

« La situation au front n’est pas facile. Il y a une pénurie de fantassins dans de nombreuses régions. La décision de renforcer les brigades terrestres sur la ligne de front au détriment d’unités d’autres branches des forces armées est une mesure que les dirigeants militaires sont contraints de prendre pour renforcer notre défense », a expliqué l’état-major général.

Ce communiqué a été publié après que le président Zelinsky a indiqué qu’il avait demande aux responsables militaires de « tout clarifier » et de « ne pas réduire le nombre de spécialistes dont l’armée de l’air a besoin pour accomplir ses missions de combat ».

Cela étant, une telle pratique n’est pas propre aux forces urkainiennes. En septembre, il a été rapporté que des marins du porte-avions russe « Amiral Kouznetsov », immobilisé depuis plus de sept ans, avaient été affectés à un bataillon mécanisé appelé « Frégate », lequel a été envoyé combattre à Kharkiv et à Pokrovsk.

Vers la fin de la supériorité technologique américaine ?

 

Depuis plus de 70 ans, les États-Unis ont été sans équivoque le leader mondial des innovations scientifiques et technologiques. Comment expliquer cette domination ?

Il faudrait nuancer cette domination « sans équivoque ». Que l’on pense à la compétition avec l’URSS pendant la guerre froide ou avec le Japon dans les années 1980, à différentes reprises, les Américains ont craint de voir un rival assumer le statut de leader technologique. Ils ont donc mis en place des politiques publiques pour les contrer, comme les « offset strategies » (stratégies de compensation), notamment dans le domaine militaire. Mais effectivement, il y avait bien une domination, qui plonge ses racines dans la Seconde Guerre mondiale, avec une importante intégration des scientifiques aux programmes militaires. Un management de l’innovation centralisé via l’armée s’est mis en place, basé sur des contrats de défense à long terme avec les industriels — IBM en étant un exemple emblématique —, ainsi que sur le financement des laboratoires universitaires. En réalité, cette domination technologique repose sur une économie planifiée et sur un État interventionniste, avec de très grosses dépenses publiques et un contrôle resserré sur les voies empruntées par les entreprises et les universités pour innover.

Dans le discours officiel américain, la maitrise des technologies critiques et émergentes est toujours présentée comme le pilier de la puissance. Si l’État fédéral a longtemps joué un rôle dominant, le secteur privé a puissamment accru son implication. Comment expliquer cette évolution ? Assiste-t-on à l’émergence d’un « techno-nationalisme » ?

L’État fédéral américain a toujours joué un rôle central dans le développement technologique, y compris en collaboration avec des organisations privées, depuis la Seconde Guerre mondiale. Évidemment, les modalités d’intervention ont évolué au fil du temps. L’économiste américain d’Harvard, John Kenneth Galbraith, parlait en 1967 d’une économie planifiée pour les États-Unis, notamment dans le secteur des technologies avancées. Or, à partir des années 1970, on assiste à une transformation, à un redéploiement des formes d’intervention de l’État dans le management de l’innovation. L’historien français Christophe Lecuyer a très bien montré cette évolution, notamment à travers son travail sur l’industrie des semi-conducteurs dans la Silicon Valley. En effet, à partir des années 1970, l’État devient une sorte de coordinateur. Il est moins dirigiste et joue davantage sur l’incitation. Par exemple, il pousse les universités, par la législation, à vendre les produits de la recherche financée sur fonds publics à des entreprises et à favoriser l’éclosion de start-ups au sein du personnel enseignant et des étudiants des universités. C’est ce qu’il s’est passé avec les fondateurs de Yahoo et de Google, par exemple.

De la même manière, la politique technologique américaine a toujours été guidée par des motifs nationalistes. Même en pleine vague ultra-libérale, dans les années 1980, les politiques technologiques étaient centrées sur la contre-offensive à mener face à la montée en puissance technologique et économique du Japon. À cet égard, on peut parler du nationalisme technologique américain comme d’un invariant politique.

En 2023, l’Australian Strategic Policy Institute publiait une étude comparative sur la maitrise des technologies critiques par les grandes puissances et le constat est sans appel : la Chine arrive en tête dans une grande majorité des secteurs considérés comme stratégiques (1). Que penser de cette étude ?

Il faut prendre avec des pincettes les résultats de cette étude, car sa méthodologie n’est pas exempte de limites. Elle s’appuie en effet sur le nombre d’articles publiés par les institutions, certes pondéré par le nombre de citations que ces articles obtiennent. Cependant, cela n’atteste pas automatiquement de la qualité des papiers. Par exemple, si les laboratoires chinois semblent les plus prolifiques et leurs articles les plus cités, on ne sait pas par qui ils sont cités. Il pourrait s’agir principalement d’autres chercheurs chinois, ce qui pourrait créer une sorte de « bulle nationale ». Le grand nombre de chercheurs chinois donne un avantage automatique en termes de volume.

Ensuite, le nombre de publications ne dit rien de la qualité scientifique, et encore moins de l’applicabilité, de la pertinence et de l’intérêt (technologique, industriel, etc.) des recherches. La France, par exemple, est une grande pourvoyeuse de chercheurs en intelligence artificielle, mais cela ne fait pas nécessairement d’elle une puissance technologique majeure. Il faut donc nuancer les résultats de cette étude, car les données utilisées sont trop limitées et la méthodologie est sujette à caution.

La question des semi-conducteurs est aujourd’hui un enjeu incontournable qui cristallise notamment la compétition entre Pékin et Washington. Les États-Unis, qui dépendent de Taïwan dans ce domaine, ont notamment poussé pour une alliance « Chip 4 » avec le Japon, la Corée du Sud et Taïwan pour coordonner leur politique, mais ont également obtenu l’accord du Japon et des Pays-Bas pour limiter les exportations de puces vers la Chine. Quelle est concrètement la stratégie de Washington dans ce domaine ?

La stratégie américaine est classique et consiste à sécuriser les chaines d’approvisionnement, y compris par l’internalisation de compétences externes. On peut notamment penser à l’installation récente d’une usine de TSMC, le géant des semi-conducteurs taïwanais, au Texas. En parallèle, il y a des investissements importants pour recréer une capacité de production autonome, une capacité que les États-Unis avaient perdue en externalisant massivement la production à Taïwan.

Le deuxième point de cette stratégie est le blocus. L’accord de coopération avec le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et les Pays-Bas a pour but de limiter l’accès de la Chine à divers composants essentiels pour la fabrication des semi-conducteurs, notamment les plus performants avec un niveau de gravure très fin. L’objectif est de rendre difficile pour la Chine d’atteindre ce niveau technologique. Toutefois, l’efficacité du blocus semble limitée, car la Chine parait bien partie pour y parvenir malgré tout.

Les États-Unis, comme toutes les puissances occidentales, ont massivement sous-traité leurs processus industriels aux pays du Sud depuis les années 1970-1980, dans un grand mouvement de désindustrialisation entrainant une dépendance accrue, ce qui devient problématique dans des contextes géopolitiques tendus qui peuvent rompre les chaines d’approvisionnement. Au fil des années, les compétences initiales se perdent, rendant la production autonome plus difficile et il faut parfois repartir de zéro. Les États-Unis ne repartent pas complètement de zéro, justement parce qu’ils essayent d’installer chez eux les grands acteurs de la production de semi-conducteurs, en l’occurrence, le leader mondial qui était TSMC. Toutefois, il y a effectivement un retard à rattraper pour récupérer une capacité de production endogène (ou du moins autonome) sur l’ensemble des technologies dépendantes du système productif chinois. 

Alors que Pékin accuse un certain retard concernant l’IA générative, Washington s’inquiète pourtant des progrès chinois en intelligence artificielle. Pourquoi cette inquiétude ? Quels sont les enjeux ?

Le but de l’IA, quels que soient les domaines, consiste en la substitution la plus massive possible de machines au facteur travail humain, afin d’engranger des gains de productivité, c’est-à-dire des gains de performance, que ce soit en entreprise ou dans l’État, par exemple dans le domaine militaire. On devient ainsi plus compétitif et on élimine la concurrence. Sur un plan économique et géopolitique, c’est un enjeu extrêmement important. Un pays pourrait devenir compétitif au point d’écraser le système productif de ses concurrents.


Ce n’est pas qu’une question de compétition commerciale. Derrière cette bataille, il y a un enjeu de niveau de croissance et d’emploi dans tous les pays qui seraient impactés par l’émergence d’un pays dominant dans l’IA. Pour dire les choses autrement, si un pays comme la Chine parvenait à devenir l’acteur dominant d’une industrie de l’IA bien plus performante qu’aujourd’hui, c’est-à-dire en capacité de remplacer massivement les travailleurs humains par des machines avec des gains de productivité à l’appui, ses biens et services deviendraient les plus compétitifs sur la scène internationale. Comme l’IA peut théoriquement s’appliquer à la production de n’importe quel type de biens ou de services, ses conséquences sur l’activité économique et sur l’emploi pourraient s’étendre à tous les secteurs et à tous les pays. La Chine serait alors le seul pays en mesure de supporter le cout économique, social et donc politique de ce bouleversement, notamment en redistribuant les gains de productivité à sa population, qui serait libérée des emplois traditionnels. À l’inverse, les autres pays, comme les États-Unis dans notre exemple, seraient à la fois affectés par la puissance des acteurs dominants, donc la Chine, et incapables de rivaliser en termes de compétitivité. Ces pays ne pourraient pas dégager suffisamment de gains de productivité pour permettre à leur population de vivre dans des conditions décentes. Par conséquent, on comprend que pour ces deux hégémons que sont la Chine et les États-Unis, la course à l’IA est en fait une course à la survie des régimes eux-mêmes. Car nous connaissons la traduction politique d’une population qui n’a plus de moyens de subsistance : cela va des troubles socio-politiques, au mieux, à la guerre civile. La question est donc de savoir qui pourra continuer à stabiliser son régime et assurer des conditions de vie décentes à sa population.

Il est en effet très inquiétant de constater que, selon certaines études, le niveau d’automatisation des emplois pourrait entrainer des suppressions massives. En 2013, des chercheurs d’Oxford estimaient que 47 % des emplois aux États-Unis pourraient être supprimés d’ici 2050 à cause de l’IA. En 2019, la Banque mondiale a repris ces chiffres, les jugeant exacts, et a même annoncé que dans certains pays, cela pourrait aller encore plus loin : jusqu’à 66 % des emplois supprimés en Inde et 77 % en Chine. En janvier 2024, le FMI a produit un rapport estimant que 60 % des emplois dans les économies avancées pourraient être supprimés par l’intelligence artificielle, avec un chiffre de 60 % pour les États-Unis et 70 % pour le Royaume-Uni.

Dans ce contexte, seuls les pays à la tête de ce mouvement pourront s’en sortir. Encore faut-il que les États acceptent de redistribuer les gains de productivité à la population sans emploi.

Dans quels domaines les États-Unis bénéficient-ils, encore aujourd’hui, d’une avance technologique sur le reste du monde, et notamment la Chine ? Peut-on réellement parler de la fin de la suprématie technologique américaine ?

Pour le moment, les derniers chiffres à peu près sûrs remontent à 2019. Les États-Unis étaient toujours en tête, notamment en termes de brevets avec IBM et Microsoft qui avaient déposé le plus grand nombre de brevets en matière d’intelligence artificielle, mais qui n’étaient pas loin d’être rattrapés par les institutions publiques chinoises, notamment, les universités. En revanche, en ce qui concerne le nombre de publications scientifiques, la Chine est en tête depuis 2018 avec entre 200 000 et 300 000 publications par année, bien que la question de la qualité et de l’applicabilité se pose toujours.

Il est également crucial de prendre en compte la capacité de projection des acteurs technologiques et la diffusion des technologies chinoises en dehors de la Chine. Pour l’instant, ce sont les États-Unis qui demeurent en tête sur ce plan. Si l’on considère simplement les grandes entreprises du numérique, il n’y a pas d’acteurs chinois qui rivalisent avec les GAFAM en Europe ou aux États-Unis, à l’exception de TikTok, qui est toutefois en train de faire l’objet de mesures de marginalisation, voire de « nationalisation ». Il n’y a sans doute plus de suprématie technologique américaine, même s’il y a toujours une domination nette. Ce qui émerge depuis quelques années, c’est la Chine, qui est en train de construire une sphère d’influence numérique qui empiète sur l’espace de projection américain, notamment en Asie centrale et en Afrique, sur fond de critique postcoloniale.

Note

(1) Jamie Gaida, Jennifer Wong Leung, Stephen Robin et Danielle Cave, « ASPI’s Critical Technology Tracker », ASPI, 2 mars 2023 (https://​www​.aspi​.org​.au/​r​e​p​o​r​t​/​c​r​i​t​i​c​a​l​-​t​e​c​h​n​o​l​o​g​y​-​t​r​a​c​ker).

Charles Thibout

Thomas Delage

areion24.news

Derrière la trêve à Gaza, l'ombre de Trump

 

Il faut imaginer ce qui s’est passé au Qatar depuis l’élection de Donald Trump, le 5 novembre 2024. Impossible, pour l’Emirat gazier, d’apparaître comme un intermédiaire impuissant, incapable de faire entendre raison au Hamas, ce mouvement palestinien qu’il a tenu depuis des années à bout de bras financièrement. Impossible surtout, pour le royaume de l’Emir Tamim ben Hamad Al Thani, d’apparaître comme un acteur marginalisé dans la région du golfe Persique, alors que l’Iran n’a jamais été aussi faible et que l’Arabie saoudite entretient, de longue date, des relations très étroites avec le clan Trump.

Il fallait donc que les pourparlers entre le Hamas et Israël aboutissent. Mais comment y parvenir face à l’obstination guerrière de Benjamin Netanyahu? Le Premier ministre israélien, ivre de sa force militaire depuis la chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie, le 8 décembre, laissait entendre au contraire que les frappes contre Téhéran demeuraient d’actualité. Tous les Israéliens qui, depuis l’assaut terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, défilent chaque jour pour exiger la libération des 94 otages encore présumés retenus par le groupe palestinien, redoutaient le pire: à savoir une collusion au sommet entre leur chef du gouvernement et le futur locataire de la Maison-Blanche.

La vérité semble avoir été inverse. A l’approche de son investiture à Washington le 20 janvier, suivie une semaine plus tard par la commémoration du 80e anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz, Donald Trump a anticipé le danger en termes de communication: apparaître comme le protecteur d’un Etat d’Israël devenu synonyme d’oppression, de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité.

Imaginer que le rêve américain de 2025, qu’il prétend incarner avec sa nouvelle administration, soit d’emblée associée à un guerre épouvantable, était hors de question pour le 47e président. Le message est donc passé et Benjamin Netanyahu n’a pas eu d’autre choix que de s’exécuter. Il fallait la paix à Gaza, ce territoire que l’armée israélienne ne pourra de toute façon jamais contrôler complètement. Et il fallait que le Qatar puisse préparer le cessez-le-feu avant que le recueillement mondial ait lieu, sur le site d’Auschwitz où le Premier ministre israélien sera a priori représenté par son ministre de la Culture.

Mille prisonniers libérés

Les conditions de ce cessez-le-feu disent combien le bras de l’Etat hébreu a été tordu par Donald Trump, même si le plan d’origine avait été présenté, depuis plusieurs mois, par l’administration Biden. 33 otages (seulement) devraient sortir de leurs geôles, tandis que mille prisonniers palestiniens, dont 250 condamnés à la perpétuité, retrouveront la liberté. Tout aussi significatif: les Palestiniens de Gaza seront autorisés à réintégrer leurs quartiers détruits, avant un retrait complet de l’armée israélienne. Difficile de camoufler l’évidence: l’écrasante supériorité militaire israélienne est en train d’accoucher d’une défaite politique. Rappelons que tous les cadres tués du Hamas, à commencer par leur chef Yahya Sinouar éliminé le 17 octobre 2024, étaient passés par les prisons de l’Etat hébreu.

Benjamin Netanyahu est incontestablement l’homme fort de la région. Son arsenal est incomparablement supérieur à celui de ses voisins. Ses régiments sont imbattables. Son dôme de fer n’a jamais été aussi efficace. Et après? La preuve a été apportée, par la guerre à Gaza, que la réputation d’Israël est en lambeaux. La cause palestinienne est redevenue mondiale. La justice internationale a lancé des mandats d’arrêts qui entravent déjà l’action du chef de gouvernement israélien le plus détesté de l’histoire. Joe Biden, incapable d’obtenir plus tôt un cessez-le-feu, restera dans l’histoire comme le complice d’une effroyable tragédie. Donald Trump aura, lui, la tâche de rebâtir un espoir sur ces ruines et ces dizaines de milliers de cadavres.

Richard Werly

blick.ch