Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 17 novembre 2025

Les sécuritaires français, Laurent Nunez en tète, ont pesé pour libérer Boualem Sansal

 

Arrêté à Alger le 12 novembre 2024, Boualem Sansal vient enfin d’être libéré par le Président algérien alors qu’il avait été condamné à cinq ans de prison pour atteinte à l’intégrité du territoire de l’Algérie pour avoir mis en cause le tracé des frontières du pays avec le Maroc. En France et naturellement à Mondafrique, la détention d’un citoyen, écrivain ou pas,  pour délit d’opinion est jugée inacceptable. Nous serons toujours là pour nous battre sur ce terrain là. Pour autant, il faut pourtant comprendre qu’en Algérie, beaucoup ne sont pas choqués outre mesure par une loi qui interdit, sous peine de prison, toute remise en cause du tracé des frontières nationales dans un pays qui a payé si cher son indépendance face au colonialisme.

Nous nous penchons dans cette chronique sur les raisons qui ont permis que l’écrivain malade et âgé soit enfin libéré.

Rappelons d’emblée que l’auteur franco-algérien du « serment des barbares », Boualem Sansal, dont nous redisons combien nous saluons la libération, n’est pas un perdreau de l’année, loin de là. Cet ancien et haut responsable du ministère de l’industrie algérien qui jouissait d’une très grande estime de l’ancien Président Bouteflika et de son clan qui lui ont confié longtemps de discrètes missions notamment avec les Israéliens, connaissait parfaitement la loi algérienne sur les remises en cause des frontières du pays et les risques qu’il encourait en se rendant à Alger. Pourquoi a-t-il agi ainsi? Comment cet homme informé a eu l’étrange idée de se rendre en novembre 2024 en Algérie dont il connaissait parfaitement la législation relative à l’atteinte à l’intégrité nationale du pays? D’autant plus que la France et l’Algérie traversaient alors la plus grave crise diplomatique de leur histoire tumultueuse qui n’incitait pas les tribunaux à Alger à manifester la moindre indulgence.

Autre obstacle à toute amnistie, les relations coupables de l’écrivain avec la droite extrême et ses liens avec d’anciens diplomates en poste à Alger convertis à une croisade contre l’immigration en faisaient de plus une cible désignée pour tous les dirigeants algériens soucieux du sort de leurs ressortissants en France. 

Arrêté en novembre dernier pour être condamné à cinq années de prison, l’écrivain ne purgera qu’une année de détention avant d’être gracié par le président algérien le 12 Octobre, un an jour pour jour après la date de son arrestation. Durant toute cette période, Boualem Sansal aura suscité des engagements passionnés du milieu politique et littéraire parisien et des critiques sans fin du pouvoir algérien. Seul souci de ces interventions contre productives, les vraies raisons de son maintien en détention ont été passées sous silence alors que les deux présidents Tebboune et Macron souhaitaient trouver vite une issue et relancer la coopération entre Paris et Alger.

Le primat de la politique interne 

Bruno Retailleau, l’ex ministre français de l’Intérieur qui avait fait de sa répulsion pour l’Algérie un fonds de commerce électoral en vue de sa candidature à la Présidentielle et le général Abdelkader Heddad, surnommé « El Ginn », l’ancien patron du contre espionnage algérien fut l’instigateur, cet hiver, d’opérations de commandos sur le sol français contre des opposants ainsi que de la campagne anti française de pseudos lanceurs d’alerte mi délinquants et mi barbouzes. Paris demandait son départ depuis longtemps. Ce haut gradé a été chassé de son poste l’hiver dernier avant d’être traduit en justice, pplacé en résidence surveillée, avant de s’enfuir en Espagne. Il sera récupéré finalement par les services algériens après un détour pour l’Espagne .(2) 

Ces deux personnages toxiques ont attisé le contentieux entre les deux pays en maintenant des positions inflexibles pour des raisons qui répondent pà des exigences des politiques intérieures des deux pays. Un ministre de l’intérieur aspirant à jouer un rôle politique de premier plan au sein de son parti et, pourquoi pas, s’assurer une place candidat à la présidentielle de 2027. A Alger, un système, toujours en quête de stabilité au sein de ses services de sécurité, soucieux de garder une posture intransigeante vis à vis de l’ancienne puissance coloniale pour renforcer le front intérieur après la débâcle diplomatique à l’ONU concernant le dossier du Sahara Occidental.

La mise à l’écart de ces deux personnalités toxiques  a redonné un nouveau souffle aux négociations entamées depuis l’arrestation de l’écrivain.

Des multiples passerelles

L’historien et  spécialiste de l’Algérie, Benjamin Stora, proche de l’Élysée, évoque les nombreuses médiations qui ont été tentées entre Tebboune et Macron, longtemps impuissants hélas. « Les négociations se sont faites dans la discrétion, loin des vacarmes et du bruit » insiste l’historien. Les négociations étaient multiples, les Italiens au début, un canal constant avec le Vatican via l’archevêque franco algérien, Jean Paul Vesco présent à Alger, la diplomatie allemande  Dans ces liens souterrains entre Paris et Alger, un homme de l’ombre insubmersible et influent, proche d’Emmanuel Macron, aura joué un rôle décisif. Il s’agit de l’industriel et millionnaire franco algérien Prosper Amouyal.

Prosper Amouyal et Emmanuel Macron

Le clan Amouyal d’origine sépharade a joué un rôle historique essentiel dans l’import-export de blé et de semoule entre les deux pays avant l’indépendance de l’Algérie, mais également après 1962 en bonne intelligence avec les militaires algériens. Au mieux avec feu l’ex Président français Jacques Chirac ainsi qu’avec Abdelaziz Bouteflika,  avec la monarchie marocaine ou encore avec la communauté juive française, cet industriel talentueux et fin diplomate qui vit avenue Montaigne et collectionne les peintures orientalistes sait jouer, même à un âge avancé, les intermédiaires efficaces.

À Alger, le principal interlocuteur de Prosper Amouyal aura été longtemps le général-major Mansour Benamara, appelé communément Hadj Redouane, revenu précipitamment aux affaires après la mort de Gaïd Salah, après avoir été l’ancien chef de cabinet pendant dix-neuf ans du tout puissant patron du DRS (ex services secrets) et maitre du pays pendant un quart de siècle, le général Toufik. Ce haut gradé sans états d’âme est très impliqué dans les relations sécuritaires avec la France, y compris dans le contrôle politique de la diaspora algérienne. 

L’ascension de Laurent Nunez

À Paris, un des contacts privilégiés de Prosper Amouyal n’est autre que l’ancien coordinateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme d’Emmanuel  Macron devenu ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez, dont la famille est également originaire d’Oran en Algérie. Son arrivée place Beauvau  aura certainement constitué un signe d’apaisement très fort pour les autorités algériennes. Ce protégé d’Emmanuel Macron a toujours cultivé des relations outre Méditerranée. 

Outre cet héritage familial, l’ancien responsable de la DGSI (contre espionnage français) est très attaché comme la plupart des patrons des services français aux liens entretenus traditionnellement avec leurs homologues algériens. Sans parler de l’aide pathétique que Charles Pasqua a apporté durant son passage au ministère de l’Intérieur zn 1987 à l’assassin de l’opposant historique d’Alger, Ali Mecili, qui a pu regagner son pays sans être arrêté, la coopération sécuritaire entre Paris et Alger a atteint son apogée au début du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron. Passé inaperçu, un accord sécuritaire  avait été conclu en 2022 entre Paris et Alger lors de la visite d’État du président franças et dix de ses ministres en Algérie. Cette coopération concernait notamment le terrorisme au Mali, le grand banditisme international et la situation des djihadistes franco-maghrébins qui sévissent encore en Irak et en Syrie. Le 11 mai dernier, Alger expulsait douze agents consulaires, dont deux appartenaient à la DGSI et en charge de veiller au bon fonctionnement de cet accord devenu depuis sans objet.

Ainsi avec l’affaire Sansal qui s’ajoutait à la reconnaissance de la marocanité du Sahara par la France, on assistait à l’enterrement de la coopération sécuritaire relancée avec force alors que les relations entre Paris et Alger étaient au beau fixe. Dés sa prise de fonction, Laurent Nunez  annonce d’emblée « être favorable à un compromis ». Le ministre est déjà annoncé au début décembre à Alger. « Nos relations sur le plan sécuritaire, notamment en matière de terrorisme, ont été réduites à leur plus simple expression, une situation que je regrette ». estimait cet été sur France Info Cécile Berthon, qui a succédé à Laurent Nunez comme patronne du contre espionnage français. Les expulsions à répétition de deux agents de la DGSI en poste à Alger dans le cadre de cette coopération témoignent de la gravité de la crise entre les deux pays et des dommages causés en matière de lutte contre le terrorisme.

Ces derniers jours, les sécuritaires français avaient été chargés de préparer les esprits à la nouvelle donne « Aujourd’hui, nous avons des signaux qui viennent de la partie algérienne sur la volonté de la reprise du dialogue», déclarait la semaine dernière, Nicolas Lerner, le patron de la DGSE, sur les ondes de France-Inter.  

Des retrouvailles désormais possibles

Plus généralement, la France, écartée d’un grand nombre de projets économiques et commerciaux, voit sa place en Algérie se réduire en peau de chagrin. On parle de 18 milliards de pertes pour l’Héxagone, aussi bien dans le secteur agricole que pour l’annulation de projets, du métro d’Alger à la gestion de l’eau par le groupe Suez. D’autres projets en étude voyaient la Chine, la Turquie, l’Italie se positionner au détriment de Paris.

Encore fallait-il « habiller » l’amnistie concédée par le président Tebboune à Boualem Sansal sous une forme acceptable qui ne laisse pas se développer le sentiment d’une reddition face à Paris. Dans le role de médiateur, le partenaire allemand dispose de nombreux atouts. Coté algérien, il est apprécié pour une position équilibrée sur le dossier du Sahara occidental et une discrétion exemplaire sur les soins prodigués au président Tebboune atteint du covid. Plus récemment, l’ambassadeur d’Allemagne à Alger avait intercédé auprès des autorités algériennes pour assouplir les conditions des visites des familles de Boualem Sansal et du journaliste Christophe Gleize.

L’intervention du président allemand, Frank-walter Steinmeier, pour des raisons humanitaires, des éléments de langage qui ne trompent personne, permet à Alger de sauver la face et à Paris de retrouver un interlocuteur valable sur les dossiers du Mali et du Sahel. 

Notes

(1) L’écrivain avait remis en cause les frontières occidentales de son pays, lors d’une interview accordée au média « Frontières », un magazine très à droite et avait défendu l’appartenance de certaines zones tribales au Royaume du Maroc durant la colonisation et que la France avait finalement attribué à l’Algérie..La loi 87 bis en Algérie prévoit que quiconque reproduit ou diffuse sciemment des documents, imprimés ou renseignements faisant l’apologie des actes visés, est puni d’une peine de réclusion 

(2) Il semble, d’après nos sources, que parvenu effectivement en Espagne grâce à ses nombreux réseaux, le général El Djinn ait été renvoyé en Algérie par le gouvernement socialiste espagnol, dont certains ministres ont bénéficié des largesses marocaines et qui est acquis aux thèses du Maroc sur le Sahara occidental. Les Espagnols étaient apparemment soucieux de rétablir de meilleures relations avec leurs anciens amis algériens pour des raisons de fourniture de gaz.

Nicolas Beau

mondafrique.com

Les sociétés militaires privées : vers une privatisation de la guerre ?

 

Comme vous l’expliquez dans votre ouvrage Guerres privées, les sociétés militaires privées (SMP) sont aujourd’hui devenues des acteurs internationaux incontournables. Mais qu’entend-on exactement par « société militaire privée » ? Quelle est la différence  s’il y en a une  avec des mercenaires ?

Une société militaire privée, ou SMP, est définie, selon le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de 2008, comme une entreprise civile qui fournit des services de soutien, de conseil ou d’appui, traditionnellement assurés par les forces armées régulières. Autrement dit, ce sont des sociétés commerciales intervenant dans des domaines qui sont habituellement réservés aux forces armées nationales.

La grande différence avec les mercenaires réside justement dans cette dimension institutionnalisée. Là où les mercenaires sont, par essence, des combattants engagés au service du plus offrant, dans une logique individuelle, opportuniste et souvent illégale, les SMP, elles, sont des structures enregistrées, encadrées juridiquement, qui proposent des prestations à des clients, souvent étatiques ou parapublics, dans une logique contractuelle et commerciale.

La frontière peut sembler floue entre SMP et mercenariat, mais cette ambiguïté fait tout l’intérêt du fonctionnement de ces structures. D’ailleurs, selon les pays, la terminologie elle-même varie. En France, on préfère parler d’ESSD, pour « entreprises de services de sécurité et de défense ». D’autres préfèrent ESP, pour « entreprises de sécurité privée », ou encore EMSP, pour « entreprises militaires et de sécurité privée ». Proches, ces termes décrivent une même réalité.

Depuis quand existe ce type de société ?

Le mercenariat a toujours existé ; c’est l’un des métiers les plus vieux du monde. Mais les SMP, en tant qu’entités commerciales structurées, apparaissent bien plus récemment. L’une des premières incarnations de ce modèle remonte à la seconde guerre sino-japonaise, juste avant la Seconde Guerre mondiale. C’est à cette période que les États-Unis créent une organisation connue sous le nom de Flying Tigers. Officiellement civile, cette société regroupait en réalité des pilotes de l’armée de l’air américaine envoyés pour soutenir la Chine contre l’envahisseur japonais, à un moment où Washington n’était pas encore entré en guerre contre le Japon. Il s’agissait donc d’un contournement habile de la neutralité officielle par le biais d’une structure privée. Bien que les Américains aient été les premiers à initier ce modèle des SMP, ce sont les Britanniques qui l’exploitent véritablement après 1945, grâce à une figure centrale : David Stirling, le fondateur du Special Air Service (SAS) britannique. Pendant la guerre froide, le gouvernement britannique fait appel à ses compétences en guerre asymétrique pour mener des opérations dans des zones où Londres ne peut pas intervenir officiellement. C’est donc Stirling qui a jeté les bases des SMP telles qu’on les connait aujourd’hui. Elles commencent d’abord à être actives en Afrique, puis au Moyen-Orient, notamment au Yémen.

Mais c’est véritablement dans les années 1990, après la chute du mur de Berlin, que le phénomène prend de l’ampleur. La première SMP à vraiment faire parler d’elle est la société sud-africaine Executive Outcomes, qui marque un tournant. À partir de là, le marché explose : les Américains suivent le modèle britannique et commencent à développer leurs propres sociétés. Celles-ci se développent discrètement entre la chute du Mur et les guerres d’Afghanistan (2001) et d’Irak (2003), avant d’apparaitre en pleine lumière avec le groupe Blackwater lors du massacre de la place Nisour, en 2007 à Bagdad. Ce scandale provoque une onde de choc internationale en révélant au grand public le rôle tentaculaire de ces sociétés dans les zones de conflit.

C’est à partir de ce moment que des efforts sont engagés pour encadrer juridiquement ces acteurs. Le droit international étant contraignant, seuls les droits nationaux régulent ce type de société. En parallèle, de nombreux pays, séduits par les avantages de ces entités, notamment leur flexibilité et le flou juridique, commencent à développer leurs propres SMP, à l’image de la Russie, de la Turquie ou encore de la Chine. Aujourd’hui, on trouve ces sociétés sur tous les continents.

Dans votre ouvrage, vous dites que si ces sociétés existent, c’est avant tout parce qu’elles répondent à une demande toujours croissante sur l’ensemble des continents. Quelles sont les principales vocations de ces sociétés ?

Les missions de ces SMP sont multiples et leur spectre d’intervention ne cesse de s’élargir. Certaines sont très spécialisées, concentrées sur un seul domaine d’expertise, tandis que d’autres couvrent de vastes champs d’activités et occupent des parts de marché considérables dans l’industrie globale de la sécurité et de la défense privée. On retrouve donc des SMP dans des fonctions variées telles que le gardiennage de sites ou d’emprises militaires, la protection de personnalités ou d’infrastructures sensibles, la formation de troupes locales, le soutien logistique, la médecine de guerre, le pilotage de drones, ou encore le renseignement. Elles agissent souvent en appui des armées régulières ou d’organisations internationales, notamment dans des zones à haut risque où les États rechignent à envoyer leurs propres forces.

Mais certaines SMP vont plus loin et interviennent directement dans des combats. Dès lors qu’une société prend part à des opérations armées offensives, elle franchit la ligne rouge juridique du mercenariat et tombe dans l’illégalité.

Si les États-Unis, et plus largement le monde anglo-saxon, concentraient l’essentiel des activités de ce secteur dans les années 1990, celui-ci est aujourd’hui très lucratif — avec un marché estimé à 338 milliards de dollars d’ici 2030 — et s’est internationalisé. Quels sont les principaux acteurs actuels sur ce marché ? Dans quels pays ou régions les SMP opèrent-elles le plus ?

Le marché des SMP est très segmenté. Presque chaque grande puissance dispose désormais de ses propres sociétés, avec des stratégies bien distinctes. La Chine, par exemple, s’est dotée d’un nombre croissant d’entreprises avec un objectif très clair : protéger les intérêts stratégiques de Pékin, notamment dans le cadre du programme des nouvelles routes de la soie. Ainsi, dès qu’un projet chinois est implanté dans une zone instable — en Afrique, en Asie centrale ou au Moyen-Orient —, ces SMP sont mobilisées pour sécuriser les infrastructures, le personnel et les investissements.

Les sociétés anglo-saxonnes, ainsi que les ESSD françaises, continuent de dominer en termes de qualité de service. Cependant, leurs couts sont beaucoup plus élevés que d’autres entreprises, notamment chinoises.

Il existe aussi une forme de « répartition géopolitique » du marché : les sociétés russes, à l’image de Wagner, opèrent principalement dans les zones où Moscou cherche à accroitre son influence, notamment en Afrique centrale, au Sahel, en Syrie ou en Libye. Elles combinent missions militaires, sécurité rapprochée et contrôle de ressources stratégiques.

De manière générale, le plus grand marché pour les SMP reste l’Afrique, le Moyen-Orient et la région pakistano-afghane.

Quelles sont les évolutions récentes du secteur des SMP et comment s’inscrivent-elles dans la reconfiguration géopolitique mondiale actuelle, face aux nouveaux rapports de force ?

Ce qu’on observe aujourd’hui, c’est la création d’oligopoles dans le secteur des SMP. Le marché, très mouvant à l’origine, tend désormais vers une plus grande pérennité, avec de grands groupes émergents qui absorbent des structures plus petites aux champs d’activité variés. En France, par exemple, dans le secteur des ESSD, le groupe ADIT possède désormais des acteurs comme DCI ou GEOS. De manière générale, la privatisation des fonctions régaliennes dans le domaine de la sécurité et de la défense continue de s’accélérer, ce qui s’inscrit dans une dynamique plus large de transformation géopolitique. L’exemple de Wagner est à ce titre révélateur : cette SMP russe a remis en lumière le rôle stratégique que ces structures peuvent jouer sur la scène internationale. L’offre et la demande explosent, et, surtout, on assiste à une forme de normalisation de leur existence.

Cette banalisation est d’ailleurs visible dans l’imaginaire collectif. Jusque dans les années 2010, les SMP étaient très souvent présentées comme les « méchants » dans la fiction. Après 2010, leur image s’est peu à peu « normalisée ». Un exemple récent illustre bien cette évolution : The Mozart Group, une SMP américaine qui opérait en Ukraine en se présentant comme une ONG. En réalité, il s’agissait d’une structure commerciale montée par des Américains, avec un mode de communication très assumé : la levée de fonds par crowdfunding et une image moderne sur les réseaux sociaux — le tout sans chercher à masquer leurs activités.

Quid de la France dans ce secteur ? Quels pourraient être ses intérêts à le développer davantage ?

En France, on préfère l’appellation d’ESSD. Sur le plan officiel, seule une société s’est revendiquée comme SMP : Secopex, dont le fondateur a été assassiné en Libye pendant la guerre civile en mai 2011.

Pour autant, la France compte plusieurs entreprises qui opèrent dans ce secteur, dans le strict respect du cadre légal, et qui rendent des services reconnus et nécessaires, notamment auprès des institutions. Sur le plan réglementaire, la France est souvent présentée comme l’un des meilleurs élèves. Dès 2003, l’adoption d’une loi contre le mercenariat a permis d’encadrer très tôt les activités privées dans le domaine de la défense et de limiter les dérives.

Mais cette rigueur a eu un contrecoup. Si, d’un point de vue éthique, on peut s’en féliciter, elle a aussi brimé les capacités d’exportation des sociétés françaises sur un marché international plus souple et concurrentiel. De ce fait, plusieurs entrepreneurs français ont choisi de créer leurs sociétés à l’étranger, notamment au Royaume-Uni ou aux États-Unis, afin de contourner le droit français et de bénéficier d’un environnement juridique plus favorable. C’est le cas, par exemple, d’Alexandre Benalla, dont la société est enregistrée au Royaume-Uni. Ce choix n’est pas anodin, car il permet de fonctionner en dehors du cadre juridique français, tout en opérant dans un secteur en pleine expansion.

La Turquie est-elle également un acteur présent dans ce secteur ?

En Turquie, plusieurs SMP existent, même si la plus connue reste Sadat. C’est celle qui communique le plus et qui se présente comme la seule SMP turque. En réalité, ce n’est pas exact. D’autres structures actives, comme Ekol Security, opèrent dans des domaines similaires. La Turquie s’est clairement inspirée du modèle anglo-saxon pour les développer. Des personnalités issues des milieux militaires, du renseignement et de l’appareil gouvernemental ont participé à leur création. Ces SMP turques sont avant tout des outils d’influence, directement alignés sur les objectifs stratégiques du gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan. Sadat en est l’exemple le plus emblématique. On les retrouve sur plusieurs théâtres d’opérations : au Haut-Karabagh, en Ukraine, en Libye. Leur mode opératoire inclut notamment le recours à des combattants djihadistes syriens, envoyés en première ligne de front pour appuyer les intérêts d’Ankara. Ces sociétés agissent donc comme des extensions non officielles de la politique extérieure turque, permettant à l’État d’intervenir sans apparaitre officiellement.

Les SMP sont-elles avant tout au service des gouvernements ? Existe-t-il des cas particuliers ou des différences selon les États ?

De manière générale, une SMP n’est jamais totalement indépendante d’un État. Il existe toujours un lien plus ou moins direct, car les profils qui composent ces structures sont le plus souvent d’anciens militaires, ex-membres des forces spéciales, des services de renseignement ou de la police, issus des appareils sécuritaires nationaux. Autrement dit, ils ne peuvent pas opérer sans, au minimum, l’aval tacite de leur gouvernement d’origine.

Certes, il existe des cas marginaux où certaines SMP ont semblé s’éloigner de leur tutelle étatique, à l’instar de Secopex, précédemment mentionnée. Plusieurs hypothèses entourant l’assassinat de son fondateur en Libye reposent sur la possible divulgation d’informations sensibles, potentiellement compromettantes pour la France. Ce cas alimente l’idée qu’une SMP agissant à contre-courant des intérêts stratégiques de son État risque non seulement l’isolement, mais aussi un démantèlement rapide.

Un autre cas extrême et atypique est celui du groupe Malhama Tactical, une SMP djihadiste. Actif au Moyen-Orient, dans le Caucase et en Syrie, ce groupe ne s’aligne sur aucun État, mais sur des idéologies et des allégeances proches d’Al-Qaïda ou de l’État islamique. On est ici face à une dérive radicale du modèle des SMP : une structure privée créée pour former des djihadistes tout en poursuivant un objectif lucratif. C’est, d’une certaine manière, le pire scénario en matière de privatisation de la violence.

Cela dit, ces cas restent exceptionnels. Dans l’immense majorité des situations, les SMP sont l’émanation directe des intérêts étatiques. Et lorsque certaines prennent trop de distance, elles sont généralement ramenées dans le rang. Leur autonomie reste donc toujours relative, conditionnée par les équilibres politiques nationaux.

Vous expliquez que le groupe Wagner en Ukraine avait une structure correspondant davantage à la définition d’une milice qu’à celle d’une SMP. Pourquoi ? Quid des autres entreprises russes du secteur comme Afrika Corps ?

Wagner, en réalité, n’est pas une entité unique. C’est un nom générique qui regroupe plusieurs structures opérant sous la même bannière. Sous cette appellation coexistait plusieurs composantes, certaines liées au renseignement, d’autres à l’influence, chacune avec des fonctions bien distinctes. On trouve également des sociétés minières et des entreprises actives dans différentes régions du monde pour protéger des infrastructures ou mener des opérations armées. À l’origine, la mission principale de Wagner était claire : défendre les intérêts stratégiques de la Russie à l’étranger.

Mais la guerre en Ukraine a marqué un tournant. Le groupe s’est vu confier une autre mission : devenir un véritable supplétif de l’armée russe sur le front ukrainien. À partir de là, on a assisté à une rupture. Wagner a commencé à recruter massivement, notamment dans les prisons, et à engager un grand nombre de combattants. En Ukraine, Wagner est devenu une force combattante à part entière, intégrée à l’effort de guerre russe, ce qui l’éloigne du fonctionnement traditionnel d’une SMP telle qu’on l’entend. Elle est devenue une unité paramilitaire, avec un rôle stratégique majeur, mais toujours au service direct des objectifs militaires du Kremlin.

La tentative de rébellion du groupe Wagner contre l’État russe, menée par Evgueni Prigojine jusqu’à sa mort en 2023, reste entourée de zones d’ombre. Officiellement, l’une des explications avancées est la volonté du ministère russe de la Défense d’imposer des contrats aux membres de Wagner afin de mieux les contrôler. Mais il est probable que d’autres facteurs aient contribué à cette rupture. À la question : « Qui a tué Prigojine ? », il serait peut-être plus pertinent de se demander : « Qui ne voulait pas sa mort ? »

Aujourd’hui, on estime qu’il existe entre 30 et 40 structures associées à des SMP russes, du moins par la nationalité de leurs fondateurs, de leurs cadres ou de leurs combattants. Mais Wagner reste un cas à part. Ce qui subsiste désormais du groupe est tenu d’une main de fer et cohabite avec l’Africa Corps.

De manière générale, il est très difficile de dresser une cartographie précise de l’ensemble des SMP russes. Dans certains cas, on ignore même s’il s’agit de véritables SMP ou simplement d’unités de sécurité créées par des entreprises privées comme Gazprom.

Alors que le secteur demeure très opaque, quelles sont les principales sources de financement de ces entreprises ? Existe-t-il des passerelles avec l’économie criminelle ? Que représente réellement l’exploitation des ressources naturelles dans l’économie des SMP ?

Tout dépend du type d’activité de la société concernée. La majorité des SMP tirent leurs revenus de contrats formels passés avec des États, des ONG ou des organisations internationales comme les Nations Unies. Ces prestations peuvent aller de la formation à la sécurité de sites sensibles, en passant par la protection de personnels ou d’infrastructures.

Mais d’autres sociétés, notamment dans les zones instables, opèrent dans des environnements où les ressources naturelles sont au cœur des enjeux économiques. C’est le cas par exemple d’Executive Outcomes, une SMP sud-africaine très active dans les années 1990, notamment en Angola et en Sierra Leone. Elle est intervenue dans des zones diamantifères et aurait perçu jusqu’à 40 millions de dollars pour sa participation au conflit angolais, en grande partie financés par les sociétés minières qu’elle était chargée de sécuriser.

Le modèle s’est renforcé avec des groupes plus récents comme Wagner, qui a développé une stratégie étroitement liée à l’exploitation des ressources naturelles. En République centrafricaine, au Soudan ou encore au Mali, Wagner n’exploitait pas directement les mines d’or, de diamant ou de lithium, mais assurait la protection des infrastructures minières, en échange de concessions ou d’un accès privilégié à certains gisements. Cette logique leur aurait permis de générer, entre février 2022 et décembre 2023, environ 2,5 milliards de dollars de revenus liés à leurs opérations.

Il est toutefois difficile d’évaluer précisément la part que représente ce type de financement dans l’économie globale des SMP, car la frontière entre opérations commerciales, soutien d’État et opportunisme géopolitique est souvent floue.

Quelles sont, selon vous, les principales évolutions possibles à court et moyen terme dans ce secteur ?

Aujourd’hui, nous observons déjà des cas où certaines SMP se retrouvent face à face sur un même théâtre d’opérations. L’exemple le plus emblématique est celui de l’Ukraine, où des SMP russes « affrontent » des SMP occidentales. Ce type de configuration pourrait se reproduire dans d’autres conflits à venir.

Le cas de Taïwan est souvent cité comme un scénario plausible. Certes, Taïwan n’utilise pas directement de SMP au sens strict, mais le territoire accueille déjà de nombreuses sociétés étrangères spécialisées dans la sécurité. Si Pékin décide un jour de reprendre le contrôle de l’ile, il est tout à fait envisageable que des SMP chinoises soient mobilisées en soutien à l’Armée populaire de libération (APL), par exemple pour assurer un blocus maritime.

Le secteur maritime, justement, constitue une zone de développement dynamique pour les SMP chinoises. Des sociétés telles que China Security Technology Group, China Overseas Security Group, Hua Xin Zhong An (Beijing) Security Service Co. Ltd., VSS Security Services, ou encore Zhongjun Junhong Security Service Co. Ltd., y sont de plus en plus actives. Le modèle des SMP, loin de reculer, s’ancre durablement dans les dynamiques sécuritaires contemporaines. Et les chiffres le confirment : le marché mondial de la sécurité privée est en pleine expansion. Les projections économiques tablent sur 338,3 milliards de dollars en 2030, et jusqu’à 385,35 milliards d’ici 2032.

Le recours à ces sociétés répond à un besoin croissant de spécialisation. Les institutions sécuritaires peinent à couvrir certains domaines très techniques. C’est là que les SMP trouvent leur place.

Un acteur à surveiller de près dans les années à venir est l’Ukraine. À l’issue du conflit, on verra émerger une nouvelle génération d’anciens combattants dotés de compétences avancées, aussi bien dans le maniement de matériels d’origine soviétique et occidentale que dans l’usage des drones. Ces profils, formés au combat dans des conditions extrêmes, seront hautement qualifiés pour intégrer ou fonder de nouvelles SMP. Des deux côtés du conflit, Russes comme Ukrainiens alimenteront ainsi le marché mondial de la privatisation de la sécurité et de la défense.

Quant à la question de savoir si le maintien de la paix peut être un marché pour les SMP, il ne s’agit en réalité pas d’un terrain inédit pour elles. Dès 2010, les Nations Unies avaient déjà dépensé 72 millions de dollars pour des prestations fournies par des sociétés privées. Dans ce contexte, il n’est pas tant question de morale que d’efficacité : lorsqu’il s’agit, par exemple, de former du personnel humanitaire à évoluer dans un champ de mines, les institutions internationales font tout simplement appel à des professionnels. Et souvent, ce sont les SMP qui détiennent ces savoir-faire.

Valère Llobet

areion24.news

dimanche 16 novembre 2025

L'Ukraine, un terrain de jeu pour les cartels de drogue

 

Philippe Marques Pinto ressemble à de nombreux mercenaires en Ukraine: crâne rasé, tenue de combat, une expression sérieuse. Mais son cas est particulier. Dans la vidéo de recrutement du ministère ukrainien de la Défense, le Brésilien se tient devant un mur de briques, un regard grave en direction de la caméra, et raconte ses missions de soldat de défense aérienne sur le front. Chez lui à Rio de Janeiro, il travaillait comme «spécialiste de la sécurité» avant de partir combattre en Ukraine en 2023.

Mais la vidéo ne montre qu'une demi-vérité. Dans les favelas de la métropole brésilienne, Philippe Marques Pinto s'est fait un nom en tant que chef du gang «Comando Vermelho» (traduit par «Commando rouge»): une bande brutale de trafiquants de drogue et d'extorqueurs. Le mercenaire ne s'est pas rendu en Ukraine par conviction, mais avec un plan très précis. Au Brésil, les premières victimes sont déjà tombées. 

Nouvelles techniques de guerre

Le Brésilien serait venu en Ukraine pour y apprendre de nouvelles techniques de guerre telles que l'utilisation des drones: des compétences qu'il souhaiterait utiliser chez lui, à Rio, pour lutter contre les forces de l'ordre, selon les déclarations de la police brésilienne à la plateforme d'information ukrainienne «Kyiv Independent».

L'un des collègues mercenaires de Philippe Marques Pinto a confirmé à la télévision brésilienne que ce dernier était revenu plusieurs fois au Brésil depuis 2023. Et ce, pour transmettre les méthodes de combat qu'il avait apprises en Ukraine à ses collègues du cartel «Commando rouge».

Guerre des drones dans les favelas

Philippe Marques Pinto n'est pas un cas isolé. Les cartels latino-américains utilisent depuis un certain temps la guerre en Ukraine pour former leurs propres membres, comme l'a révélé le portail français «Intelligence Online». Les cartels les envoient comme mercenaires sur des fronts étrangers, où ils sont formés à l'utilisation d'équipements militaires parfois ultramodernes. Des connaissances qui leur sont utiles dans leurs «guerres» sanglantes contre la loi et l'ordre, dans leur propre pays d'origine.

Une opération policière brutale menée fin octobre contre le «Commando rouge» dans une favela de Rio de Janeiro – qui a fait plus de 100 morts – montre à quel point le transfert de connaissances du front ukrainien vers les favelas peut être meurtrier. Au cours des combats entre les membres du cartel et la police, des drones auraient été utilisés pour larguer des mini-bombes artisanales sur les forces de l'ordre. Une tactique sur laquelle les forces spéciales ukrainiennes et russes misent depuis des années. On estime que 70% des soldats tués sur le front ukrainien meurent lors d'attaques de drones.

L'armée ukrainienne, qui compte dans ses rangs des milliers de Colombiens, de Brésiliens et de Mexicains, fait désormais preuve de prudence lorsqu'il s'agit d'autoriser des soldats étrangers à suivre une formation sur l'utilisation des drones, confirme le mercenaire brésilien Everson Neves au «Kyiv Independent». Selon lui, l'armée aurait compris ce que certains mercenaires latino-américains recherchent réellement. 

Comment la Suisse pourrait en profiter

Les cartels de drogue ne sont pas les seuls à faire former leurs hommes au maniement des drones par les spécialistes ukrainiens. Le Danemark, par exemple, a déjà invité des officiers ukrainiens à venir montrer aux Danois ce qu'ils ont appris en près de quatre ans de guerre sur la technologie des drones et les moyens de défense contre ceux-ci. 

Les survols de drones qui ont forcé la fermeture de plusieurs aéroports en Europe cet automne rappellent l’ampleur du défi. En Suisse aussi, l’armée aurait tout intérêt à renforcer ses connaissances et ses capacités dans ce domaine.

Samuel Schumacher

blick.ch

Swiss Raid Commando devient le concours d'armée

 

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Il s'agira de "s’aguerrir, d’éprouver son endurance physique et mentale ainsi que ses savoir-faire", détaille l'armée dans un communiqué. Le concours réunira 320 militaires volontaires issus de toutes les formations, qui s'activeront en groupes de quatre.

Avant de chercher la victoire dans la "phase de mission", les patrouilles devront passer par les étapes de l'entraînement et de l'instruction. Toutes deux entendent renforcer les connaissances et compétences militaires.

La compétition se déroulera en conditions réelles, dans la rigueur du climat de novembre. Il s'appuiera sur le terrain, les infrastructures et les environnements réels de plus de quinze communes vaudoises et valaisannes. Les espaces reflètent ainsi ceux "dans lesquels l'armée devrait intervenir en cas de menace".

Premier concours en 1986

L'exercice s'inspire de l'ancien Swiss Raid Commando. La 18e édition de la compétition sportive s'était déroulée en 2009 dans le Chablais suisse et français, avant d'être interrompue par le Chef de l'Armée pour des raisons financières. À l'époque, l'exercice avait convié 640 participants de 19 pays.

Le Concours d'armée 2025 n'est, lui, accessible qu'aux militaires astreints au service dans l’Armée suisse. Organisé par la division territoriale 1, l'événement a nécessité plus de deux ans de préparation et d'organisation.

À noter que des restrictions de circulation et des nuisances sonores sont à prévoir dans la région concernée. Des mouvements de troupes, de véhicules lourds ainsi que des survols d'hélicoptères sont possibles.

ATS

Epstein fait allusion à une fellation de Trump dans un mail

 

Malgré la fin du shutdown, la tempête politique ne retombe pas aux Etats-Unis: environ 20'000 e-mails, SMS et autres documents liés au délinquant sexuel condamné Jeffrey Epstein font la une des médias américains, depuis ce mercredi 12 novembre. Le nom de l'actuel président américain Donald Trump y est régulièrement mentionné, accentuant la pression à son encontre.

Dans un mail adressé à l'ancien secrétaire au Trésor Larry Summers, Jeffrey Epstein, qui a abusé de jeunes filles pendant des années, décrit Trump comme la pire personne qu'il ait jamais rencontrée. «J'ai rencontré de très mauvaises personnes, mais aucune n'est aussi mauvaise que Trump. Pas une seule cellule décente dans son corps… alors oui – dangereux.»

«Ils essaient de faire tomber Trump»

Dans un SMS, Jeffrey Epstein déclare même qu'il est le seul à pouvoir renverser Trump. On ne sait pas exactement à qui le message a été adressé en décembre 2018. Le nom est caviardé dans les documents. «Tout cela va s'arranger! Vous essayez juste de faire tomber Trump et vous faites tout pour cela... !», a écrit la personne, dont l'identité est inconnue. Jeffrey Epstein répond: «Oui, merci. De la folie! Car je suis le seul à pouvoir le renverser.»

Les deux hommes étaient pourtant considérés comme des amis. Il existe plusieurs photos d'eux ensemble. Ils auraient longtemps entretenu des liens étroits.

«Des photos de Trump en train de sucer Bubba»

Certains e-mails entre Jeffrey et son frère Mark Epstein attirent particulièrement l'attention. En mars 2018, pendant le premier mandat de Trump, l'homme de 71 ans a écrit au prédateur sexuel: «Comment vas-tu?» Epstein lui répond que tout va bien, que Bannon est avec lui. Il s'agit probablement du conseiller de Trump de l'époque, Steve Bannon.

Mark Epstein répond alors: «Demande-lui si Poutine a les photos de Trump en train de sucer Bubba.» Son frère répond: «Et moi qui croyais avoir des tsuris.»

En yiddish, tsuris signifie «ennuis» ou «difficultés». L'identité de Bubba reste floue. Sur internet, certains ont supposé qu'il s'agissait de l'ancien président Bill Clinton, connu sous ce surnom. Mais Mark Epstein a déjà précisé au magazine américain Newsweek qu'il ne parlait pas de Clinton, sans pour autant donner d'autres noms. Aux Etats-Unis, «Bubba» peut aussi être employé comme petit nom pour désigner un garçon.

Les républicains veulent, eux aussi, la publication de tous les documents

L'influent multimillionnaire américain Jeffrey Epstein a dirigé pendant de nombreuses années un réseau d'abus dont ont été victimes des dizaines de jeunes femmes et de mineures. Il s'en prenait également à ses propres victimes. Le financier new-yorkais est mort en 2019 dans sa cellule de prison. La cause officielle de son décès est le suicide.

Depuis, les Etats-Unis font pression pour que les fichiers Epstein soient publiés afin de découvrir qui était impliqué dans ce réseau d'abus. Trump s'oppose depuis toujours à la publication de ces documents.

Mais la semaine prochaine, un vote à la Chambre des représentants pourrait permettre une percée, certains républicains souhaitant aussi se prononcer en faveur de la publication.

Natalie Zumkeller

blick.ch