Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 15 novembre 2025

Siège de Sarajevo années 90: des touristes auraient payé des fortunes pour tuer des Bosniaques

 

Des «safaris de tireurs d’élite»: c’est ainsi que des témoins décrivent la chasse à l’homme morbide à laquelle auraient participé des touristes fortunés durant le siège de Sarajevo, dans les années 1990. Ils auraient déboursé entre 74'000 et 92'000 francs actuels pour tuer, depuis les collines serbes, des enfants, des femmes et des hommes pris au piège dans la ville assiégée, rapporte le «Telegraph» ce mercredi 12 novembre.

L’équivalent de 100.000 euros TTC pour un voyage "de chasse" organisé à Sarajevo

Le parquet de Milan a ouvert une enquête après la plainte du journaliste et romancier italien Ezio Gavazzeni. Celui-ci décrit des «personnes très riches», passionnées d’armes, qui auraient payé une fortune à des forces serbes pour «abattre des civils sans défense». Il évoque «une centaine» de participants. La Serbie dément formellement ces accusations.

Le siège de Sarajevo, le plus long de l’histoire moderne (1992–1996), a coûté la vie à plus de 11'000 civils. La Yougoslavie était déchirée par la guerre, la capitale de la Bosnie-Herzégovine était encerclée par les forces serbes et vivait sous les tirs constants de snipers et de mortiers.

Des prix selon la «cible»

Les témoignages recueillis par Ezio Gavazzeni et des enquêteurs italiens décrivent une réalité encore plus glaçante: il aurait existé une grille de prix pour ces assassinats. «Les enfants coûtaient plus cher, puis les hommes, surtout s’ils portaient un uniforme, les femmes ensuite. Les personnes âgées pouvaient être tuées gratuitement», affirme l’écrivain. 

Les allégations évoquent des touristes d’extrême droite, originaire notamment d’Italie, des Etats-Unis et de Russie, venus avec leurs fusils de précision pour tirer sur des Bosniaques terrifiés, «pour le plaisir». Ils auraient été motivés par leur sympathie à la cause serbe ou la soif de faire couler du sang ou une combinaison des deux. 

«Cruauté et motifs abjects»

Des récits similaires avaient filtré au fil des ans, sans jamais aboutir à des poursuites. Cette fois, les éléments apportés par Ezio Gavazzeni pourraient changer la donne. Il a notamment récolté des informations d’un officier bosnien du renseignement militaire, qui lui-même les aurait obtenues d’un soldat serbe capturé.

Le dossier est désormais entre les mains du procureur italien antiterroriste Alessandro Gobbis, qui cherche à identifier les Italiens impliqués. Ils pourraient être poursuivis pour «homicide volontaire aggravé par la cruauté et des motivations abjectes».

«Comme si de rien n'était»

En 2007, l’ancien marine américain John Jordan avait témoigné devant le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie que des «snipers touristes» venaient à Sarajevo pour tirer sur des civils, racontant avoir vu un homme équipé «d’une arme plus adaptée à la chasse au sanglier qu’au combat urbain». Il avait ajouté que l'individu maniait l'arme comme «un novice».

Selon l’officier bosnien cité par Ezio Gavazzeni, ses services auraient alerté, fin 1993, le renseignement militaire italien (Sismi). Début 1994, ils auraient reçu une réponse: les Italiens auraient découvert que des touristes partaient de Trieste avant de rejoindre les collines au-dessus de Sarajevo. 

«Nous avons mis fin aux safaris», auraient alors assuré les services italiens. Les expéditions auraient cessé quelques mois plus tard. Gavazzeni se dit horrifié: «Ils ont quitté Trieste pour une chasse à l’homme, puis sont rentrés chez eux comme si de rien n’était. Respectés par leur entourage.»

Un cas russe filmé

Un épisode est documenté: en 1992, l’écrivain et politicien nationaliste russe Eduard Limonov a été filmé tirant à la mitrailleuse lourde depuis les hauteurs de Sarajevo. Mais il ne s’agissait pas d’un «safari payant»: il était l’invité de Radovan Karadzic, chef serbe de Bosnie, plus tard condamné pour génocide et crimes contre l’humanité. Le politicien nationaliste russe était là en admirateur, lâchant: «Nous, les Russes, devrions prendre exemple sur vous.»

Si les faits venaient à être confirmés, ils dévoileraient l’un des volets les plus sinistres du siège de Sarajevo: celui d’hommes venus de l’étranger pour transformer une guerre en terrain de jeu meurtrier. Trente ans plus tard, l’enquête italienne pourrait être la première à tenter de rendre justice à ces victimes invisibles, celles dont la mort avait été monnayée comme une attraction.

Solène Monney

blick.ch

vendredi 14 novembre 2025

Donald Trump réduit les droits de douane pour la Suisse à 15%

 

- Le Conseil fédéral a annoncé vendredi une réduction des droits de douane américains sur les produits suisses de 39% actuellement à 15%. Une conférence de presse est annoncée pour 16h00.

- Le représentant américain au Commerce, Jamieson Greer, avait indiqué un peu plus tôt, dans une interview à CNBC, que la Suisse avait conclu un accord sur les taxes douanières Washington, dont les détails sont attendus dans la journée sur le site web de la Maison Blanche.

- Guy Parmelin avait rencontré jeudi l'administration américaine à Washington pour des entretiens. A sa sortie, le ministre de l'Economie avait assuré que "quasiment tout" avait été clarifié, indiquant que le Conseil fédéral communiquera "dès que tout sera définitivement clair".

- La semaine dernière cinq chefs d'entreprises suisses avaient rencontré Donald Trump à Washington. Après la rencontre, le président américain s'était réjoui d'avoir parlé de "commerce et de déséquilibre commercial" avec "des représentants de haut niveau de la Suisse".

Egger Ph.

Le retour du terrorisme d’État ?

 

À l’exception de quelques commentateurs dont on ne sait s’ils sont aveugles ou stipendiés, personne ne nie plus dans le débat public, au sommet de l’État, dans les forces armées ou au sein des services de renseignement, la possibilité d’un affrontement militaire direct avec la Russie dans les prochaines années. Cette lucidité tardive (1), qui succède à des décennies de romantisme à son égard, s’ajoute aux inquiétudes des Européens de l’Est, instruits par des siècles de guerres, de partages de territoires et d’occupation par ce si entreprenant voisin. Au mois de mars 2024, le Premier ministre polonais et ancien président du Conseil européen Donald Tusk déclarait même que la guerre n’était plus « un concept du passé (2) ».

À défaut d’être indirect – le pire n’est jamais certain même s’il peut être parfois plus que probable –, l’affrontement entre Moscou et les Occidentaux ne date pas d’hier. Depuis au moins 2004 et le spectaculaire empoisonnement de Viktor Iouchtchenko (3), alors candidat à l’élection présidentielle ukrainienne, la Russie n’a cessé de mener en Europe des actions violentes clandestines, avec plus ou moins d’habileté, mais toujours en étant certaine qu’elles resteraient sans conséquence. Assassinat d’Alexandre Litvinenko à Londres en 2006 (4) (encore un empoisonnement), sabotage d’un dépôt d’armes en République tchèque en 2014 (5), attaques contre des diplomates américains et canadiens à Cuba (6) la même année, tentatives d’assassinat d’Emilian Gebrev à Sofia en 2015 (7) (toujours un empoisonnement) et de Sergueï Skripal et de sa fille à Salisbury en 2018 (8) (sans surprise, un empoisonnement), les actions des services russes contre les intérêts occidentaux n’ont cessé de prendre de l’ampleur et de gagner en audace. Elles ont confirmé le dédain ancien et sans complexe du régime russe pour les règles de la vie internationale.

Des fleurets de moins en moins mouchetés

À ces opérations, somme toute assez classiques, se sont en effet ajoutées de nombreuses actions d’ingérence, plus ou moins subtiles ou visibles, réalisées afin de peser sur la vie des démocraties occidentales : attaques incessantes dans le cyberespace (9), campagnes sur les réseaux sociaux (10), fuite de données piratées puis modifiées (« Macron Leaks »), provocations multiples afin d’attiser les tensions (11), et même projets de sabotage des Jeux olympiques de Paris (12).

La combinaison d’opérations clandestines violentes et d’actions d’influence, toutes imputables à la Russie, a contribué à révéler l’ampleur de la stratégie hybride (13) mise en œuvre par Moscou contre les États européens, typique de sa volonté de « contournement de la lutte armée », selon la formule de Dimitri Minic (14). Cette stratégie, cependant, gagne en intensité depuis des mois et contribue à alimenter – sciemment, par inertie, ou par hubris – le sentiment de plus en plus répandu que la guerre aurait déjà commencé.

De fait, alors que certains observateurs ont pu se perdre dans des débats stériles au sujet de la supposée cobelligérance des alliés de l’Ukraine, il n’aurait pas été inutile de s’attarder sur les actions « sous le seuil » que les services et les forces russes réalisent et qui, en réalité, semblent de moins sous ce fameux seuil (15). De plus en plus agressives, les opérations russes ont atteint une intensité qui rappelle les années les plus tendues des deux guerres froides (16) et qui font écrire à raison qu’une « guerre de l’ombre » serait en cours (17), au risque de devenir une guerre au grand jour.

Penser l’impensable, encore et toujours

L’indispensable mobilisation des services contre la menace djihadiste a conduit dans les années 2010 à des décisions étonnantes prises au détriment de la non moins vitale lutte contre la Russie. Pourtant, la guerre contre la Géorgie, l’invasion puis l’annexion de la Crimée et le soutien accordé à la Syrie sous la forme d’un engagement militaire à la violence sans limite auraient dû conduire au maintien de réelles capacités défensives et offensives (18). La France, comme d’autres puissances, devrait être capable ne serait-ce que de concevoir une lutte sur deux fronts.

La montée en intensité des opérations russes, alors même que la guerre avec les États européens n’a pas encore éclaté, est déjà alarmante. Les services polonais ont mis en garde il y a quelques semaines contre d’éventuels « sabotages aériens » (19) – une formule élégante pour qualifier des attentas – ; les services américains et allemands ont affirmé avoir déjoué un projet d’assassinat du PDG de Rheinmetall, Armin Papperger (20) ; ces mêmes services allemands s’interrogent désormais sur le rôle qu’aurait pu jouer Moscou dans les récentes attaques au couteau commises par des demandeurs d’asile, qui auraient pu être manipulés (21).

La Russie ne cherche manifestement ni la paix ni même l’apaisement, alors même que son armée a subi en Ukraine des pertes considérables. Il faut, dans ces conditions, non seulement s’interroger sur la rationalité de ses actions, mais bien anticiper les formes de l’affrontement direct qu’elle semble attendre, et même vouloir provoquer. À la lumière des opérations qu’elle a déjà menées en Europe et de la guerre qu’elle conduit en Ukraine, la perspective d’attentats de masse ne doit ainsi pas être écartée.

Réalisées par de petites équipes d’opérateurs infiltrés – peut-être de longue date –, par des sympathisants recrutés dans certaines franges radicalisées de nos sociétés et même par des djihadistes manipulés, notamment au sein de la mouvance caucasienne, ces attaques pourraient compenser l’impossibilité d’une campagne aérienne comparable à ce que subissent régulièrement les villes ukrainiennes (22). Le recours à un terrorisme de très haute intensité permettrait également de prolonger à une autre échelle la stratégie de destruction des régimes démocratiques menée depuis longtemps par Moscou (23) en tentant de casser les liens entre les États et leurs citoyens.

Alors que des djihadistes correctement entraînés et modestement équipés ont parfois pu tuer des dizaines, voire des centaines, de personnes, il faut craindre que les attaques des services russes sur notre territoire dans le cadre d’une véritable guerre soient dévastatrices. Tous les scénarios envisagés par les services de sécurité, les unités d’intervention et les services de secours pourraient ainsi se réaliser, dans leurs versions les plus catastrophiques. Associant la qualité du ciblage à la puissance d’unités clandestines, ces attaques pourraient être la combinaison des attentats du 11 Septembre (hyperterrorisme), de Bombay (attentat dynamique) et de Beslan (« attentat tabou »), marqués par une soif éperdue de destruction et la volonté de créer des béances politiques et sociales.

L’invasion de l’Ukraine ainsi que les revirements stratégiques américains sont là pour rappeler que toutes les options doivent toujours être envisagées et étudiées. Elles conduisent à poser des questions vertigineuses, dont celles-ci : quelles sont les capacités des services de sécurité à contrer une campagne terroriste menée par des professionnels de l’action clandestine soutenus par un État ? Quelle serait notre riposte si de telles attaques se produisaient ? Les services de renseignement et les forces armées sont-ils capables de réaliser en retour des actions ciblées de représailles ? Dans ce cadre, le risque d’escalade inhérent à tout affrontement avec une puissance comme la Russie, que l’on sent parfois tentée par une montée aux extrêmes, a‑t‑il été évalué ? Pour faire simple, les suites à donner à une possible campagne terroriste russe sur notre sol ont-elles été pensées par le pouvoir politique et par la communauté du renseignement ?

Il faut ajouter ici une dernière interrogation, pas moins vertigineuse que les précédentes : en cas d’affrontement direct avec la Russie, que faire de ceux qui, en France, sans ne plus jamais se cacher, relaient la propagande de Moscou, justifient ses crimes quand ils ne les nient pas et, surtout, sont parfois d’authentiques agents d’influence dûment rémunérés et traités ? Passer d’une attitude de retenue, qui n’a guère porté de fruits, à la neutralisation légale des agents de l’adversaire – certains dossiers montés par les services de contre – espionnage sont accablants – serait une bonne façon d’envoyer à notre tour des messages.

Notes

(1) Jean-Pierre Stroobants, « Le chef de l’armée des Pays-Bas surprend en appelant son personnel à se préparer aussi vite que possible », Le Monde, 11 avril 2025.

(2) « “L’Europe est entrée dans l’ère de l’avant-guerre” alerte Donald Tusk », Le Figaro, 30 mars 2024.

(3) René Kremer, « Handicapés célèbres. Viktor Iouchtchenko (1954) : Une enquête en montagnes russes », Ama contacts, no 80, mai-juin 2013 (https://​sites​.uclouvain​.be/​a​m​a​-​u​c​l​/​i​o​u​c​h​t​c​h​e​n​k​o​8​0​.​h​tml).

(4) Philippe Bernard, « Affaire Litvinenk : la justice britannique accuse Vladimir Poutine », Le Monde, 21 janvier 2016.

(5) Jean-Baptiste Chastand, « La République tchèque accuse le renseignement militaire russe d’être à l’origine de l’explosion d’un dépôt de munitions en 2014 », Le Monde, 19 avril 2021.

(6) Michael Weiss, Christo Grozev et Roman Dobrokhotov, « Unraveling Havana Syndrome: New evidence links the GRU’s assassination Unit 29155 to mysterious attacks on U.S. officials and their families », The Insider, 1er avril 2024 (https://​theins​.ru/​e​n​/​p​o​l​i​t​i​c​s​/​2​7​0​425).

(7) Jacques Follorou, « La Haute-Savoie, camp de base d’espions russes spécialisés dans les assassinats ciblés », Le Monde, 4 décembre 2019.

(8) Luke Harding, « The Skripal poisonings: the bungled assassination with the Kremlin’s fingerprints all over it », The Guardian, 26 décembre 2018.

(9) Damien Licata Caruso, « Cyberattaques, ingérences et sabotage : la France face à la guerre hybride russe », Le Parisien, 17 mars 2025.

(10) Matthieu Suc, « Opération “Mains rouges” : les bots du Kremlin pris les mains dans le Net », Mediapart, 4 janvier 2025 (https://​www​.mediapart​.fr/​j​o​u​r​n​a​l​/​i​n​t​e​r​n​a​t​i​o​n​a​l​/​0​4​0​1​2​5​/​o​p​e​r​a​t​i​o​n​-​m​a​i​n​s​-​r​o​u​g​e​s​-​l​e​s​-​b​o​t​s​-​d​u​-​k​r​e​m​l​i​n​-​p​r​i​s​-​l​e​s​-​m​a​i​n​s​-​d​a​n​s​-​l​e​-​net).

(11) Jacques Follorou, « Une opération de déstabilisation russe a visé plusieurs pays européens », Le Monde, 22 février 2024.

(12) Lucas Minisini, Thomas Eydoux, Charles-Henry Groult, Der Spiegel et The Insider, « La vie secrète de l’agent Griaznov, l’espion russe du FSB soupçonné d’avoir voulu déstabiliser les JO », Le Monde, 25 juillet 2024.

(13) Arsalan Bilal, « Guerre hybride : nouvelles menaces, complexité, et la confiance comme antidote », Revue de l’OTAN, 30 novembre 2021 (https://​www​.nato​.int/​d​o​c​u​/​r​e​v​i​e​w​/​f​r​/​a​r​t​i​c​l​e​s​/​2​0​2​1​/​1​1​/​3​0​/​g​u​e​r​r​e​-​h​y​b​r​i​d​e​-​n​o​u​v​e​l​l​e​s​-​m​e​n​a​c​e​s​-​c​o​m​p​l​e​x​i​t​e​-​e​t​-​l​a​-​c​o​n​f​i​a​n​c​e​-​c​o​m​m​e​-​a​n​t​i​d​o​t​e​/​i​n​d​e​x​.​h​tml).

(14) Dimitri Minic, Pensée et culture stratégiques russes. Du contournement de la lutte armée à la guerre en Ukraine, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 2023.

(15) Stéphane Dossé,« Les opérations sous le seuil, outil primordial de la compétition stratégique », Cahiers de la RDN, juillet 2020 (https://​www​.defnat​.com/​e​-​R​D​N​/​v​u​e​-​a​r​t​i​c​l​e​-​c​a​h​i​e​r​.​p​h​p​?​c​a​r​t​i​c​l​e​=​236).

(16) Harry Yorke, « Revealed: Russia’s secret war in UK waters », The Sunday Times, 5 avril 2025.

(17) Seth G. Jones, « Russia’s Shadow War Against the West », CSIS Briefs, mars 2025 (https://​www​.csis​.org/​a​n​a​l​y​s​i​s​/​r​u​s​s​i​a​s​-​s​h​a​d​o​w​-​w​a​r​-​a​g​a​i​n​s​t​-​w​est).

(18) Nicolas Tenzer, Notre Guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, Éditions de l’Observatoire, Paris, 2024.

(19) « La Pologne accuse la Russie d’actes de sabotage aérien dans le monde entier », Euronews, 15 janvier 2025 (https://​fr​.euronews​.com/​m​y​-​e​u​r​o​p​e​/​2​0​2​5​/​0​1​/​1​5​/​l​a​-​p​o​l​o​g​n​e​-​a​c​c​u​s​e​-​l​a​-​r​u​s​s​i​e​-​d​a​c​t​e​s​-​d​e​-​s​a​b​o​t​a​g​e​-​a​e​r​i​e​n​-​d​a​n​s​-​l​e​-​m​o​n​d​e​-​e​n​t​ier).

(20) Katie Bo Lillis, Natasha Bertrand et Frederik Pleitgen, « Exclusive: US and Germany foiled Russian plot to assassinate CEO of arms manufacturer sending weapons to Ukraine », CNN, 11 juillet 2024 (https://​edition​.cnn​.com/​2​0​2​4​/​0​7​/​1​1​/​p​o​l​i​t​i​c​s​/​u​s​-​g​e​r​m​a​n​y​-​f​o​i​l​e​d​-​r​u​s​s​i​a​n​-​a​s​s​a​s​s​i​n​a​t​i​o​n​-​p​l​o​t​/​i​n​d​e​x​.​h​tml).

(21) James Rothwell, « Russia could be behind migrant terror attacks, German investigators fear », The Telegraph, 23 mars 2025.

(22) Solène Agnès, « Guerre en Ukraine : pourquoi la frappe russe sur Soumy est un nouveau choc », Ouest-France, 13 avril 2025.

(23) Valentine Faure, « Françoise Thom, historienne : “La liste des services rendus par Trump à Moscou s’allonge chaque jour” », Le Monde, 27 mars 2025.

Roger Noël

areion24.news

L’Afrique « centre mondial du terrorisme » pour la DGSE

 

Nicolas Lerner, directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en France, a salué la qualité du partenariat et l’efficacité de la coopération avec les services de sécurité marocains dans la lutte contre les menaces terroristes sur le continent africain, « le centre mondial du terrorisme ».

Il a notamment mis en avant la coordination étroite dans le suivi des mouvements de certains jihadistes francophones en Afrique du Nord, cherchant à rejoindre des organisations terroristes actives sur le continent, particulièrement en Somalie, où des dizaines de combattants maghrébins opèrent aux côtés du mouvement « Al-Shabab« (Jeunesse), affilié à Al-Qaïda. Ce phénomène, a-t-il souligné, fait l’objet d’une attention soutenue de la part des services de renseignement extérieurs français.

Dans un entretien exclusif accordé au journal Le Figaro, le haut responsable français a indiqué que « le continent africain demeure le centre mondial du jihadisme pour plusieurs raisons : la majorité des attaques jihadistes y sont perpétrées, notamment dans la région du Sahel, autour du lac Tchad, au Nigeria, dans la région des Grands Lacs et dans la Corne de l’Afrique. S’ajoute à cela la propagande d’Al-Qaïda et de l’État islamique, qui valorise les opérations menées sur le sol africain ». Il a observé que, ces dernières années, « les jihadistes africains ont commencé à assumer des responsabilités plus importantes au sein des structures centrales restantes, longtemps dominées par des combattants originaires de Syrie, d’Irak ou des pays du Golfe ».

Selon Lerner, « la situation est préoccupante à différents niveaux et dans plusieurs zones du continent africain, le Sahel demeurant la plus sensible ». Il a rappelé que « lorsque la France est intervenue dans la région, avec ses partenaires africains et à la demande des pays concernés, l’objectif était d’empêcher l’établissement d’un califat régional. Au moment de notre retrait, cet objectif avait été atteint, même si la lutte contre les groupes terroristes se poursuivait ».

mondafrique.com

Inde/Pakistan : l’eau au cœur de conflits futurs ?

 

L’Inde et le Pakistan sont entrés dans une zone de turbulences hydro-politiques, qui ne semble malheureusement pas près de s’estomper.

En 1960 était signé le traité de l’Indus, soutenu par le président des États-Unis de l’époque, Dwight Eisenhower, et placé sous la médiation de la Banque mondiale, afin de calmer les tensions qui ne cessaient de croitre entre l’Inde et le Pakistan ; deux États nouvellement indépendants de la puissance tutélaire de la péninsule indienne qu’était l’Empire britannique. 

Ce traité reste considéré à ce jour comme un modèle d’hydro-diplomatie, répartissant, avec science et conscience, le potentiel des six grands fleuves du bassin de l’Indus entre les deux grands pays rivaux. À l’Inde revenaient celles que l’on appelle les « rivières orientales » : Ravi, Beas et Sutlej. Au Pakistan, les rivières occidentales — Indus, Jhelum et Chenab —, bien que leur flux provienne d’Inde : l’Indus prend sa source au Tibet en territoire chinois, traverse ensuite le Cachemire indien avant d’arriver au Pakistan ; les rivières Jhelum et Chenab prennent leur source directement en territoire indien. 

L’Inde dispose sur le Pakistan d’une capacité d’hydro-domination avérée, mais que ce traité encadre, puisqu’il prévoit que l’Inde n’utilise les rivières occidentales qu’avec un usage restreint. L’Inde peut se servir du débit à des fins d’irrigation, d’hydroélectricité, également pour un usage domestique, mais ne peut en aucun cas en altérer le flux, détourner ou stocker de l’eau de manière significative. 

L’eau : une ressource convoitée et un besoin croissant

Le Premier ministre Modi apparait bien désireux d’exercer un contrôle plus strict sur ces rivières, qui sont pourtant autant de sources vitales d’alimentation en eau de son voisin de l’aval. Si le Pakistan et ses 241 millions d’habitants jouissent du plus vaste système de canaux du monde, avec 200 000 kilomètres cumulés, l’alimentation en eau du pays reste dépendante à 90 % des eaux de l’Indus et de ses affluents. Le bassin de l’Indus recouvre à lui seul 65 % de sa superficie et, en particulier, la totalité de la province agricole du Pendjab. 

Mais en parallèle, et sans vouloir justifier la politique de Narendra Modi, ce qui pousse le Premier ministre indien à agir ainsi est l’absolue nécessité pour l’Inde de mobiliser de nouvelles masses d’eau. En effet, il n’en a guère le choix, car il est désormais confronté aux conséquences du manque de vision stratégique et de l’absence d’investissement de ses prédécesseurs dans le secteur de l’eau : à l’hydro-domination chinoise qui se profile en amont du Brahmapoutre — artère fémorale de l’alimentation en eau de l’Inde — ; à la modification des régimes pluviométriques et à la fonte du volume des glaciers induites par le changement climatique ; à des décennies d›une exploitation « minière » des nappes phréatiques indiennes, dont les réserves en eaux souterraines ont considérablement baissé ; ainsi qu’à l’explosion de la demande en eau.

L’Inde compte désormais 1,43 milliard d’habitants et a dépassé la Chine comme pays le plus peuplé du monde. Cette explosion démographique démultiplie les usages de l’eau : l’eau à vocation domestique naturellement, ainsi que l’eau à vocation agricole ; l’eau à vocation énergétique, ce qui explique notamment les projets de barrages indiens notamment sur la Jhelum, venant renforcer les inquiétudes du Pakistan ; l’eau à vocation industrielle, et enfin — on ne le dit pas assez souvent — l’eau à vocation numérique. 

L’enjeu du numérique indien

L’Inde est en effet devenue une puissance mondiale de l’informatique, essentiellement dans le domaine de l’externalisation et des services IT, avec de très grandes entreprises (comme Tata Consulting Services, Infosys ou encore Wipro) qui fournissent des services à des multinationales du monde entier. Le pays s’est imposé comme un véritable centre de support technique, de maintenance des systèmes, de gestion d’infrastructures cloud, etc. 

De fait, la consommation d’électricité des data centers en Inde est en très forte augmentation, portée par la numérisation rapide, le cloud computing, l’intelligence artificielle, le streaming, les services financiers et les plateformes gouvernementales. En 2023, il est estimé que la consommation des data centers indiens était entre 3 et 4 TWh, ce qui correspond à la production d’énergie d’un réacteur nucléaire de 900 MW pendant 6 mois, ou l’équivalent de la consommation d’électricité annuelle de la ville de Lyon. En 2030, ce chiffre devrait atteindre 20 TWh par an, soit une multiplication par 6 à 7. 

Or, pour faire fonctionner tous ces systèmes, il faut de l’eau, beaucoup d’eau, et ce à double titre : de l’eau pour l’énergie afin de soutenir les capacités de génération hydroélectrique, ainsi que rendre possible le refroidissement des centrales nucléaires ; mais également de l’eau pour la climatisation des centres serveurs. C’est ainsi à une demande en eau exponentielle que l’Inde doit faire face. D’où son intérêt sécuritaire pour les ressources en eau du bassin de l’Indus.



Le Pakistan, dos au mur ?

Dans ce contexte, que peut faire Islamabad si l’Inde persiste dans sa volonté de restreindre le débit des fleuves entrant en territoire pakistanais, visant à mettre un terme au traité de 1960 ?

Protester bien sûr, comme le Pakistan sera amené à le faire auprès du Conseil de sécurité, en mettant en avant la violation de l’article 35 de la Charte des Nations Unies invoquant une menace pour la paix et la sécurité internationale. Saisir dans le même temps une instance régionale de dialogue stratégique comme l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS) qui se penche de manière croissante sur les problématiques de gestion transfrontalière des eaux ; ce depuis le sommet de Bishkek au Kirghizstan qui a eu lieu en juillet 2019. Négocier enfin, en acceptant une réduction des flux en fonction des saisons, au travers d’une politique de gestion concertée des ouvrages hydrauliques avec l’Inde, en échange d’un investissement massif dans les ressources en eau alternatives, permettant de compenser cette baisse de débit consentie, et de commencer pour le Pakistan à disposer d’un peu d’autonomie.

Le dessalement est ici perçu comme un axe stratégique de développement. Depuis 2023, le port en eau profonde de Gwadar donnant sur l’océan Indien dispose ainsi d’une première station de 5000 m3/j financée par la Chine, et un projet plus ambitieux triplant ces capacités a été approuvé dans le cadre du China-Pakistan Economic Corridor (CPEC), visant au transport de marchandises et d’énergie entre Kashgar, dans le Xinjiang chinois, et Gwadar. De son côté, la ville de Karachi développe également plusieurs projets de dessalement visant à couvrir à la fois ses usages domestiques et industriels.

Mais au Pakistan comme ailleurs, si l’on veut mieux gérer l’eau, il faut également jouer sur la demande, et non pas simplement sur l’offre.

À ce titre, ce sont de véritables mafias de l’eau qu’il va falloir mettre au pas en raison du caractère sécuritaire que présente cette ressource essentielle à l’avenir du pays. À Karachi, ville la plus importante du pays dont la superficie équivaut à 33 fois celle de Paris intra-muros, des groupes mafieux creusent par exemple des tunnels et siphonnent les conduites afin de revendre le précieux liquide aux particuliers et aux entreprises. 

Face à de véritables situations de racket financier, où l’eau vendue atteint 15 dollars par mois, soit 10 % du salaire moyen, certains particuliers finissent eux-mêmes par acquérir des moyens de pompage pour siphonner à leur tour l’eau du réseau municipal ou de leurs voisins, amplifiant un peu plus la pression sur les ressources disponibles, et accentuant les pertes en eau sur les réseaux de distribution publics, déjà à un niveau très élevé. 

Ces situations vont bien devoir être traitées sérieusement par les autorités pakistanaises en raison de l’impératif de sécurité collective que présente la préservation de la ressource face aux volontés affichées par l’Inde de mobiliser de nouvelles masses d’eau à son profit au détriment du Pakistan.

areion24.news