Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 10 mai 2024

Russie : l’arrestation d’un soldat américain qui plonge Washington dans l’embarras

 

C’est une affaire dont le gouvernement et l’armée américaine se seraient bien passés. Un soldat américain, arrêté la semaine dernière en Extrême-Orient russe, a été placé en détention préventive jusqu’au 2 juillet dans une affaire de "vol", a annoncé ce mardi 7 mai un tribunal de Vladivostok. Il risque jusqu’à cinq ans de prison, selon le code pénal russe.

Le soldat en question, le sergent-chef Gordon Black, était à l’origine déployé en Corée du Sud, selon le média américain NBC News. A la fin de sa mission, alors qu’il devait rentrer aux Etats-Unis, il s’était rendu en Russie de son propre chef, et non dans le cadre d’une mission officielle, ont affirmé plusieurs responsables américains. Plus particulièrement, il s’est rendu dans la ville de Vladivostok afin de rendre visite à une femme rencontrée en Corée du Sud, et avec laquelle il entretenait une relation amoureuse, sans l’autorisation de ses supérieurs. Les officiels américains ont confirmé qu’il était actuellement bien en détention provisoire, accusé de "vol" à l’encontre d’une femme.

NBC News affirme qu’il n’est pour l’instant pas possible de déterminer que ces accusations proviennent de la même femme que celle à laquelle il rendait visite. De leur côté, plusieurs chaînes Telegram russes assurent que Gordon Black se serait bien disputé avec cette dernière, et qu’il serait accusé de l’avoir agressée et de lui avoir volé près de 200 000 roubles, soit environ 2 200 dollars.

Des précédents inquiétants d’arrestations

Cette affaire semble pour l’instant provoquer une certaine gêne du côté américain, avec une incapacité à pouvoir tirer le vrai du faux. Car si le soldat Gordon Black a bien voyagé en Russie hors de ses prérogatives militaires, pour une relation personnelle assez opaque, les cas d’arrestations et de condamnations très lourdes de citoyens américains par la justice russe pour des raisons factices et parfois absurdes sont légion ces dernières années. En premier lieu, on peut penser au journaliste Evan Gershkovich, travaillant pour le Wall Street Journal, qui a été arrêté en mars 2023 par les services de sécurité russes lors d’un reportage dans l’Oural. Il est accusé d’espionnage, un crime passible de 20 ans de prison ; des accusations qu’il rejette, tout comme sa famille, son journal et Washington.

Un autre exemple avait concerné Brittney Griner, une basketteuse américaine, quant à elle arrêtée en février 2022 à l’aéroport de Moscou, puis condamnée à neuf ans de prison pour possession d’une vapoteuse et de liquide contenant du cannabis. Elle avait fini par être libérée dix mois plus tard, dans un échange de prisonniers avec un marchand d’armes russes.

L’état-major américain semble cette fois-ci prendre un peu de temps avant d’accuser frontalement la Russie. Contrairement à plusieurs autres affaires, en premier lieu celle concernant Evan Gershkovich, Moscou affirme d’ailleurs que celle-ci "n’est pas liée à la politique ou à de l’espionnage", a assuré ce mardi la représentation du ministère russe des Affaires étrangères à Vladivostok. La porte-parole de l’armée américaine, Cynthia O. Smith, a déclaré que "la Fédération de Russie a informé le Département d’Etat des Etats-Unis de la détention du soldat conformément à la Convention de Vienne sur les relations consulaires. L’armée a informé la famille du soldat, et le département d’Etat américain lui apporte un soutien consulaire approprié en Russie". Avant d’ajouter que "compte tenu du caractère sensible de cette affaire, nous ne sommes pas en mesure de fournir d’autres détails pour l’instant."

Le président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine, Michael McCaul, s’est de son côté dit "profondément préoccupé" par l’annonce de la détention de ce soldat américain, dans un message partagé sur X (ex-Twitter). "Poutine a l’habitude de prendre en otage des citoyens américains. Un avertissement à tous les Américains : comme l’a dit le département d’Etat, il n’est pas prudent de se rendre en Russie", a-t-il ajouté. Une nouvelle histoire qui pourrait envenimer les relations Moscou-Washington, déjà infiniment tendues depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine.

Timothée Barnaud

lexpress.fr

Les forces russes trouvent un point d’appui dans le golfe de Guinée

 

Cela fait plusieurs année que la Chine cherche à établir une base navale sur la côte occidentale de l’Afrique. Ainsi, la Namibie avait été approchée à cette fin en 2015. Puis ce fut au tour de la Guinée équatoriale, puis, récemment, du Gabon. Selon le Wall Street Journal, Ali Bongo aurait donné son feu vert à un tel projet en août 2023, au grand dam des États-Unis. Seulement, le coup d’État survenu peu après mit ce dossier en suspens.

« Chaque fois que les Chinois commencent à mettre leur nez dans un pays côtier africain, nous sommes préoccupés », avait confié un haut responsable américain au quotidien économique. Et pour cause : l’océan Atlantique étant bien plus « étroit » que le Pacifique, une base navale sur la côte Ouest africaine permettrait à la marine chinoise de se rapprocher des États-Unis tout en ayant un œil sur le golfe de Guinée, une région stratégique étant donné qu’elle est une voie de transit pour le commerce maritime, l’approvisionnement pétrolier de l’Europe… et divers trafics, à commencer par celui de la drogue.

Seulement, ce n’est pas la Chine qui est parvenue à se ménager un point d’appui dans cette partie du monde… mais la Russie, qui vient de sceller un accord de coopération militaire avec Sao Tomé-et-Principe, pays insulaire membre de la Communauté des pays de langue portugaise [CPLP], depuis son indépendance obtenue du Portugal, en 1975.

Les capacités militaires de Sao Tomé-et-Principe sont très modestes, au point d’être les plus faibles du continent… Et, au moins depuis la fin de sa période marxiste [au cours de laquelle il fut proche de l’Union soviétique], ce pays compte surtout sur ses relations avec Lisbonne pour assurer sa sécurité, en particulier celle de sa zone économique exclusive [ZEE]. Les deux pays sont ainsi liés par un accord de coopération en matière de défense, lequel a été encore renouvelé en février dernier. En outre, dans le cadre de celui-ci, le Portugal déploie en permanence un patrouilleur dans la région, avec un équipage composé de marins portugais et santoméens.

Le contenu de cette coopération a-t-il été jugé insuffisant par Sao Tomé-et-Principe ? Toujours est-il que, le 24 avril dernier, à Saint-Pétersbourg, le gouvernement santoméen a signé un accord militaire autorisant la Russie à déployer des avions et des navires militaires dans l’archipel.

« L’accord stipule que les deux parties sont convenues de coopérer dans les domaines suivants : formation conjointe des troupes, recrutement des forces armées, utilisation d’armes et d’équipements militaires, logistique, échange d’expériences et d’informations dans le cadre de la lutte l’extrémisme et le terrorisme international, éducation et formation du personnel », a résumé la presse officielle russe.

Si les États-Unis n’ont pas encore réagi, le Portugal a fait part de sa « grande inquiétude » après avoir appris l’existence de cet accord.

« Dès que cet accord a été connu, nous avons entamé des consultations avec les autorités de Sao Tomé », a en effet déclaré Paulo Rangel, le ministre portugais des Affaires étrangères. « Le Portugal, puis d’autres pays européens, ont exprimé surprise, appréhension et perplexité face à cet accord », a-t-il ajouté. « Comme nous nous trouvons dans une situation internationale où la Russie est responsable d’une guerre d’agression qui, de surcroît, met en cause le continent européen, nous avons évidemment exprimé notre grande inquiétude », a-t-il conclu.

En attendant, la Russie continue de pousser ses pions en Afrique, après avoir pris pied en Libye, en Centrafrique et au Sahel. À noter qu’elle est également proche du Mozambique et de la Guinée Bissau, deux autres anciennes colonies portugaises.

opex360.com

Des mercenaires turcs se lancent à l’assaut du Sahel

 

Vous avez aimé Wagner ? Vous allez adorer la Sadat ! La Turquie était déjà très présente au Sahel, notamment avec la vente de ses célèbres drones Bayraktar, elle vient d’y faire un pas supplémentaire en négociant un contrat entre un pays de la région et la société militaire privée Sadat de triste réputation.

Selon le consultant en stratégie militaire, Jabir Touré, ce groupe paramilitaire turc « serait sur le point ou aurait déjà signé des contrats de protection » avec au moins un des pays du Sahel. Quel est donc cet Etat qui s’apprête à recevoir les mercenaires turcs ? Selon une source sécuritaire de Mondafrique dans la région, il s’agit du Mali. Pour autant, les hommes de Wagner ne devraient pas quitter Bamako, les deux milices cohabiteraient sur le même territoire. Etrange situation où le Président de la transition, Assimi Goïta choisirait donc de faire coexister deux sociétés militaires privées, l’une appartenant à un pays de l’OTAN, l’autre dépendante de la Russie.

Ce n’est, en outre, pas le seul paradoxe de cette nouvelle implantation. La Sadat, (International Defense Consulting Company ) société créée en 2012, dont la mission consiste à assister les pays musulmans, a été accusée de recruter des mercenaires au sein des groupes djihadistes syriens basés à Idlib pour les envoyer sur des zones de conflit, notamment en Libye. Or, ces mêmes djihadistes viennent parfois renforcer les rangs des groupes armés actifs au Sahel dans la région des Trois frontières ! De plus, la Sadat soutient le gouvernement de Tripoli alors que les nouvelles autorités du Niger, faisant partie de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), se sont, elles, rapprochées de son rival, le maréchal Haftar. Joli désordre en perspective !

Par ailleurs, cette société militaire privée islamiste est également suspectée d’activités occultes, comme celle de traquer les opposants du Président Erdogan à l’étranger. Les éléments de la Sadat sont aussi accusés de nombreuses exactions dans les pays où ils ont été déployés, en Syrie, en Libye comme au Haut-Karabakh. Cette nouvelle ne devrait pas réjouir les Maliens….  

mondafrique.com

Matteo Salvini recommande à Macron de "se faire soigner", après qu'il a évoqué la possibilité d'envoyer des soldats français en Ukraine

 

Une sortie que Marine Le Pen refuse de faire sienne, mais qu'elle ne condamne pas pour autant. La leader d'extrême droite a commenté ce jeudi 9 mai, en marge d'un déplacement dans l'Aube, les propos du vice-chef du gouvernement italien Matteo Salvini qui a appelé Emmanuel Macron à "se faire soigner" après avoir mentionné un possible envoi de troupes françaises en Ukraine.

"Bien entendu, je ne reprendrais pas ses mots", affirme-t-elle dans un premier temps au micro de LCI.

Si elle acquiesce lorsqu'elle est interrogée sur son alliance avec l'homme politique d'extrême droite, elle lâche: "je ne suis pas sa mère".

"Je pense que, spontanément, c'est ce à quoi des millions de Français ont pensé", nuance-t-elle dans la foulée.

"Ils ne l'ont pas dit et nous ne le disons pas non plus", affirme-t-elle ensuite. "Dire ça, de la part de Matteo Salvini, ce n'est pas pire que de la part de la macronie de nous (le Rassemblement national NDLR) traiter de nazis, c'est même largement moins pire", soutient ensuite Marine Le Pen.

"La politique italienne est connue pour être un peu vive et ils ont une manière d'exprimer les choses qui est parfois un peu vive, on est en période électorale", estime-t-elle encore.

Un habitué des sorties à contre-courant

Matteo Salvini a jugé mercredi 8 mai "dangereux" mercredi le président français Emmanuel Macron et a estimé qu'il devait "se faire soigner" après qu'il a de nouveau évoqué la possibilité d'envoyer des troupes occidentales en Ukraine pour combattre la Russie.

"S'ils ont tellement envie de se battre, alors qu'ils aillent en Ukraine, demain, ils les attendent", a-t-il ajouté.

Le chef de La Ligue, parti italien d'extrême droite, Matteo Salvini est un habitué des déclarations à contre-courant de la politique pro-Kiev de la Première ministre Giorgia Meloni. En mars, déjà, il avait accusé Emmanuel Macron de "représenter un danger pour son pays et notre continent".

Matteo Salvini a en revanche salué le discours du président russe Vladimir Poutine lors de son investiture mardi au Kremlin: "Hier, Poutine a, entre autres, invité au dialogue et j'espère que 2024 sera l'année de la paix, pas des soldats partis mourir en Ukraine".

bfmtv.com

Le Maroc, un pays aux profondes mutations migratoires

 

La migration est un enjeu crucial pour le Maroc. À la fois outil de négociation avec l’Union européenne (UE) et participation à un positionnement stratégique avec et dans le continent africain, le royaume doit gérer les milliers de migrants d’Afrique subsaharienne qui traversent le pays pour rejoindre le Vieux Continent. Et le Maroc a observé des changements importants dans son statut même de nouvelle terre d’immigration. Car longtemps et encore de nos jours, il est avant tout connu pour l’émigration avec une diaspora ancrée en Europe, en France en particuliers. 

Plus de cinq millions de Marocains vivent à l’étranger, dont la majorité se trouve en Europe (86,4 % en 2019). Trois pays attirent les trois quarts : la France (31,1 %), l’Espagne (23,4 %) et l’Italie (18,7 %). Après le continent européen, viennent l’Amérique du Nord (3,8 % pour le Canada et 3,6 % pour les États-Unis) et les États arabes (3,8 %). Pour la France, cela s’explique par l’histoire, le passé colonial du protectorat (1912-1956), qui se poursuit par un continuum migratoire. Différentes phases historiques se dessinent pour expliquer la migration internationale des Marocains. La première étape remonte aux deux guerres mondiales, avec des milliers de nords-africains parmi les soldats de la République.

Puis il y a la phase des Trente glorieuses : après le conflit et la décolonisation, la France a un besoin de main d’œuvre pour se reconstruire, ce qui entraîne un contexte de forte immigration de populations issues des pays appartenant à son ancien empire. Le « recruteur » le plus célèbre a été Félix Mora (1926-1995), qui a parcouru, pour le compte de la société Charbonnages de France, le sud marocain à la recherche de « gueules noires » pour grossir la force de travail des mines du Nord-Pas-de-Calais. Leur présence est essentielle dans ces années où le paysage économique de la France se modifie. Ils sont sur tous les fronts : mines, autoroutes, construction automobile, bâtiment, entretien des villes, etc. Cette séquence est suivie d’une politique de regroupement familial à partir de 1974, qui permet aux femmes et enfants de rejoindre des hommes partis seuls travailler. On estimait les Marocains à 10734 personnes en 1954, puis 84236 en 1968, pour atteindre 260025 en 1975. De nos jours, la diaspora marocaine en France est le deuxième groupe démographique le plus important après les Algériens avec 802000 immigrés et 964000 descendants en 2019, selon les statistiques officielles.

La communauté marocaine à l’étranger, tout en augmentant en nombre, évolue dans ses caractéristiques socio-démographiques, culturelles, économiques et politiques, mais reste attachée à son pays d’origine. La diaspora a changé. Le migrant homme, analphabète qui allait travailler dans des emplois peu qualifiés, a laissé la place à d’autres. On observe une mondialisation des flux migratoires et des destinations, des migrations plus clandestines parfois au péril de la vie des individus, une féminisation, à la fois un rajeunissement et un vieillissement de la population marocaine à l’étranger, des migrants plus qualifiés. On note également qu’à partir du Maroc, les foyers d’émigration historiques connus dans les années 1960 (Souss, Rif, moyen et anti Atlas) sont étendus à tout le territoire marocain.

En outre, le royaume développe depuis les années 1990 une politique dédiée aux Marocains résidents à l’étranger, plus communément nommés « MRE ». Il existe un ministère délégué chargé des MRE, sous la houlette des Affaires étrangères. Celui-ci met en œuvre la politique gouvernementale concernant les MRE et les migrants au Maroc, qui s’est aussi doté de deux institutions, la Fondation Hassan II pour les MRE, créée en 1990, et le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, qui a vu le jour en 2007.

Un pays frontière Europe et Afrique

La politique marocaine a vu des changements importants s’opérer au moment où des mutations migratoires se réalisaient sur son propre territoire. Alors que dans les années 2000, certains chercheurs évoquaient le Maroc comme un pays de transit, il est devenu ancrage, étape puis pays d’immigration et d’installation. Le royaume est à la fois aux portes de l’Europe et de l’Afrique, avec 13 kilomètres qui séparent ces deux continents, jonction de deux mondes qui s’opposent, passage pour des milliers de migrants.

La politique migratoire du Maroc répond à la construction de l’espace Schengen qui constitue une frontière extérieure commune à un certain nombre de pays de l’UE. La gestion de ces frontières est au cœur des politiques migratoires européennes avec la mise en place de nouveaux dispositifs : externalisation de la frontière de l’UE dans certains pays d’Afrique (Maroc, Tunisie et Lybie), accords de réadmission avec les pays d’Afrique, dispositifs techniques tel le « Système intégré de vigilance extérieure » en Espagne à partir de 2002. La coopération entre le Maroc et l’UE reste centrée sur les contrôles et la surveillance et permet des baisses drastiques du nombre de migrants au niveau du détroit de Gibraltar.

Par ailleurs, le 11 novembre 2003 est promulguée la loi 02/03 régissant l’entrée et le séjour des migrants au Maroc. Cette loi criminalise les migrants avec son article 42, qui punit d’une amende allant jusqu’à 2000 euros et d’un emprisonnement de 1 à 6 mois, tout étranger pénétrant ou tentant de pénétrer sur le territoire marocain ; et l’article 43 qui punit d’une amende allant jusqu’à 3000 euros et d’un emprisonnement d’un mois à un an si un étranger réside au Maroc sans titre de séjour.

De plus, pour poursuivre cette politique de coopération entre le Maroc et l’UE, le 7 juin 2013, a été signée à Luxembourg, entre le Maroc, l’UE et neuf États (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suède, Royaume-Uni), la « Déclaration conjointe établissant un Partenariat de mobilité entre le royaume du Maroc et l’Union européenne et ses États membres ». Ce partenariat de mobilité doit mettre en place un accord destiné à faciliter l’octroi des visas pour certaines catégories de personnes, notamment les étudiants, les chercheurs et les hommes d’affaires. Il prévoit également la reprise des négociations sur un accord de réadmission des migrants irréguliers. À partir de 2014, une vague de régularisation a été proposée, sous certaines conditions, aux étrangers résidant sur le territoire marocain depuis plusieurs années. Une seconde vague de régularisation en 2016 a été mise en place, permettant à près de 43000 migrants de régulariser leur situation et d’obtenir un certain nombre de droits tels qu’une couverture médicale et l’accès à la scolarisation pour leurs enfants.

Ainsi, un changement conséquent de la politique étrangère du pays est défini par l’ouverture sur l’Afrique comme un axe prioritaire, qui pousse le Maroc à mettre en place une politique d’accueil des migrants subsahariens.

Le retour à une politique sécuritaire

La situation géographique du Maroc et les relations privilégiées que le pays avait avec la France et l’Espagne en ont fait un acteur clé de la stratégie migratoire de l’Europe et de l’Afrique. Le Maroc négocie sa politique migratoire. L’Europe attribue la fonction de « zone tampon » et demande un double contrôle des frontières avec l’Europe et l’Afrique. Il peut s’agir alors d’une « coopération forcée » ou d’une négociation qui constitue une « rente géographique ». On peut y voir partiellement une instrumentalisation par le Maroc dans cette négociation qui constituerait alors une « contre-stratégie marocaine ».

Deux exemples peuvent être pris. D’abord, le rapport du Conseil national des Droits de l’homme (CNDH) de 2013 a dessiné les contours d’une politique migratoire plus accueillante tout en étant ambitieuse et pro-active. Parmi les mesures qui ont été recommandées par le CNDH, il y a l’amélioration des conditions de vie et la lutte contre toute forme de discrimination à l’égard des migrants. Ce rapport propose la reconnaissance du statut de réfugié, la délivrance de titres de séjours, le renforcement du principe de non-refoulement arbitraire et l’encadrement des procédures administratives par un dispositif juridique. Le CNDH a incité également à un traitement juste et équilibré des individus en présence non régulière sur le sol marocain, en fonction de la durée du séjour et de la situation matrimoniale.

Au même moment, le Maroc, de plus en plus tourné vers le continent africain, où le pays avance progressivement ces pions pour gagner des marchés économiques au sein de certains de ces pays, développe une stratégie humaniste dans son approche de la migration.

Le Maroc a été choisi au sein de l’Union africaine (UA) pour porter le dossier sur la migration. C’est en ce sens que le roi Mohamed VI (depuis 1999) a proposé la mise en place d’un Observatoire africain de la migration, qui sera hébergé à Rabat et qui a pour mission « de tendre à faire de la migration un levier de co-développement, un pilier de la Coopération Sud-Sud, et un vecteur de solidarité », selon les termes du souverain. Il propose également la création d’un poste d’envoyé spécial de l’UA chargé de la migration.

La « Stratégie nationale en matière d’immigration et d’asile » place le Maroc comme un leader en Afrique. Cette politique est le résultat de l’évolution substantielle du cadre de partenariat régissant les relations Maroc-Afrique. Depuis 2014, le Maroc s’est doté de textes de loi dans trois domaines étroitement liés à la question migratoire : l’asile, la migration et la traite humaine. Jusque-là, il ne se pliait qu’aux exigences fondamentales du statut de réfugié, en tant que membre ayant ratifié la convention de Genève.

Le Maroc joue sur plusieurs plans et travaille sa stratégie tant avec l’Afrique qu’avec l’Europe et se positionne même sur l’échiquier mondial. Il a accueilli en décembre 2018 à Marrakech deux évènements mondiaux sur la gouvernance mondiale des migrations : le Forum mondial sur la migration et le développement et le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.

Cette implication du Maroc dans l’organisation de ces évènements mondiaux montre l’intérêt que porte le pays à la thématique des migrations. Il tente de redorer son image avec l’accueil de ces rencontres. Il se présente tout à la fois comme modèle dans sa politique migratoire « humaine et d’accueil » en lien avec l’agenda africain, tout en rappelant ses engagements envers l’Europe sur la protection de ses frontières.

Mais malgré les efforts du Maroc, cette image de modèle migratoire s’est ternie. En effet, de nombreuses associations et journalistes ont constaté des retours en arrière dans l’approche migratoire du Maroc, dénonçant des aspects sécuritaires du pays. Le Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et des migrants (GADEM) a réalisé en 2018 un rapport détaillé de 65 pages pour décrire la violence utilisée à l’encontre des migrants subsahariens qui tentaient de partir vers l’Europe. Des opérations d’expulsions, d’éloignements, de refoulements, des injures racistes sont décrites. Plusieurs associations subsahariennes de défense des migrants ont vu le jour, s’impliquant davantage dans la nouvelle politique migratoire. En effet, une expression militante composée de migrants subsahariens, qui défendent leurs droits, tente de se constituer. Elle n’est pas autonome en ce qu’elle s’inscrit dans les structures locales institutionnelles (syndicats, notamment).

On observe à quel point le Maroc pratique un « triple jeu » sur les questions migratoires : il regarde et travaille avec sa diaspora pour maintenir des liens ; il négocie et joue une place stratégique avec l’Europe et avec l’Afrique ; il développe une politique migratoire d’accueil des migrants qui sont au Maroc (entre avancées et reculades). Sans oublier que la migration par le Maroc est réactivée ces dernières années, avec des passages par les deux enclaves espagnoles au Maroc que sont Ceuta et Melilla, mais aussi par le port de Tanger. Ces deux enclaves espagnoles ont connu deux évènements dramatiques : le 17 mai 2021, des milliers de migrants marocains et subsahariens tentent de traverser vers Ceuta, saisissant l’opportunité d’une ouverture temporaire du côté marocain ; le 24 juin 2022, plusieurs dizaines de migrants d’Afrique subsaharienne ont trouvé la mort en tentant de forcer les barrières grillagées séparant Nador au Maroc de Melilla.

Chadia Arab

areion24.news