En décembre 2024, le Canada a dévoilé ses orientations diplomatiques en Arctique. Visant à une meilleure implication dans le Grand Nord, la stratégie canadienne s’inscrit dans un contexte de mutations environnementales et géopolitiques en région polaire, entre réchauffement climatique et avancées russes et chinoises.
Alors que les États-Unis ont jeté leur dévolu sur le Groenland (territoire autonome du Danemark), le Canada souhaite renforcer sa souveraineté au pôle Nord. Bien que soumise à de fortes contraintes climatiques, et malgré une faible démographie ainsi que des ressources riches mais difficilement exploitables, la région occupe une place centrale dans les intérêts nationaux : 40 % du territoire canadien et 70 % de son littoral se situent en Arctique. Les conditions géographiques rendent néanmoins délicat le contrôle d’immenses étendues sous-peuplées. Le Canada peine alors à y affirmer son rôle de puissance régionale. Il s’appuie sur 300 militaires et sur des groupes de rangers comptant 1 700 membres, majoritairement autochtones, fins connaisseurs du terrain.
L’attitude agressive de la Russie, la force commerciale de la Chine et la perspective d’une plus grande ouverture de la route maritime du passage du Nord-Ouest (dont le statut est discuté) accélèrent le repositionnement du Canada en Arctique. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, la marine américaine a repéré à plusieurs reprises des patrouilles conjointes sino-russes : le rapprochement entre Pékin et Moscou, à la fois commercial et militaire, inquiète Ottawa et Washington. Aussi les États-Unis souhaitent-ils moderniser le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), en raison de son rôle dans la surveillance de l’espace nord-américain. Les autorités canadiennes ont accru leur contribution à ce programme, à hauteur de 25 milliards d’euros.
La « Politique étrangère du Canada pour l’Arctique », lancée en décembre 2024, vise à répondre à ces enjeux. Elle prône une attitude pragmatique : l’utilisation de la diplomatie – avec l’ouverture de nouveaux consulats en Alaska (Anchorage) et au Groenland (Nuuk), et la nomination d’un ambassadeur aux Affaires nordiques –, l’appui sur les alliés (les États-Unis et les pays européens nordiques), et une approche multilatérale et inclusive pour promouvoir le développement durable et la protection de l’environnement, comme celle que le Canada défend au sein du Conseil de l’Arctique (dont il est membre aux côtés des Américains et des Russes, les Chinois y étant observateurs). Cet élan met aussi l’accent sur la défense, notamment par le renforcement de la garde côtière, qui assure la surveillance des eaux canadiennes, la sécurité des missions de recherche scientifique et celle du ravitaillement annuel de la base américaine de Pituffik (Groenland). Les États-Unis avaient également révisé leur stratégie arctique en 2024, avant le retour à la Maison Blanche de Donald Trump en janvier 2025, dont les ambitions expansionnistes rappellent la valeur géopolitique de l’espace arctique. Le président américain a même déclaré vouloir intégrer le Canada à son pays…
Stratégie canadienne au pôle Nord
Clara Loïzzo
Laura Margueritte
