Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 21 novembre 2015

Mali: une prise d’otages brouillée


La prise d’otages du 20 novembre 2015 à l’hôtel Radisson Blu à Bamako comporte des zones d’ombre qu’il ne sera pas facile à éclairer.

Selon les médias, ce serait le groupe Al-Mourabitoun (المرابطون en référence à l’idée des moines-soldats gardant les marches durant le Moyen-Âge ou à la dynastie ibérico-Africaine des Almoravides) qui aurait revendiqué cet acte sur un compte Twitter. Ce groupe de formation relativement récente serait lié à Al-Qaïda au Maghreb Islamique et dispose de liens avec des groupes en Libye. Sa tentative de s’allier avec Boko Haram via la médiation de Mokhtar Belmokhtar est demeurée sans suite connue. Bien peu d’analystes, les plus informés inclus,  oseront prétendre avoir des informations crédibles ou vérifiables à ce sujet.

Concernant le mode opératoire, il semble que ce groupe ait choisi d’utiliser une tactique rôdée, notamment au Pakistan et en Afghanistan, où des attaques similaires contre des points fortifiés ou hyper-sécurisés ont été rendues possible par l’usage de plaques diplomatiques ou de laissez-passers sécuritaires.

Le véhicule dont se sont servis les deux assaillants pour pénétrer dans cet hôtel ultra-sécurisé serait un 4X4 Toyota Landcruiser datant de l’année 2003, portant des plaques d’immatriculation diplomatique d’un pays voisin (l’Algérie)

Selon nos informations, ce vehicule aurait été volé lors de l’assaut contre le consulat d’Algérie de Gao (Nord-Est du Mali) mené par le MUJAO (Mouvement pour l’Unité et le Jihad en Afrique Occidentale) en avril 2012.

Le Mujao fut une sorte de phénomène éphémère. Infiltré par plusieurs services de renseignement (Maroc, Mauritanie entre autres) bien avant sa création par des caïds locaux contrôlant le trafic de drogues dures (dont celui reliant la Colombie à l’Afrique Occidentale). On lui attribuait des relations en dents de scie avec le groupe de Belmokhtar, un dissident d’Al-Qaïda mais que la guerre en Libye allait propulser en tant que véritable seigneur de guerre au Sahel. Après une brève tentative avec Daech qui faillit lui coûter la vie (incidents armés de Derna, Libye), Belmokhtar prit ses distances avec tous les groupes rivaux et parvenant à survivre à deux frappes de drones US au Nord Niger et au Tchad, revint réitérer son allégeance à Al-Qaïda tout en pestant contre Daech. Dans cette perspective, on voit mal comment un groupe comme celui des Mourabitoune, disposant un agenda fédérateur pouvait avoir des relations cordiales avec un épiphénomène crée pour une durée limitée comme le Mujao. A moins que le véhicule n’ait été revendu à plusieurs reprises à divers groupuscules rivaux. Chose courante au Sahel. Cependant, la question qui se pose est celle relative aux motivations réelles de ce groupe déclaré ennemi de Daech, écartant par là toute vélléité de venger la mort de membres de cellules de Daech à Saint-Denis. Etait-ce un message destiné à un ou plusieurs acteurs régionaux plus ou moins impliqués dans le processus de réconciliation malienne?

Les forces spéciales US sont présentes de façon sporadique au Mali depuis 2003. Elles se sont renforcées dans ce pays depuis 2012 et des membres d’une unité d’élite US guidait les forces d’assaut dans l’hôtel tout en s’efforçant de demeurer le plus loin possible de toute caméra, professionnelle ou pas. Le GIGN français et des soldats d’élite de la MINUSMA ont également été de la partie. Malgré l’opération Berkhane, le Mali est loin d’être à l’abri d’actes terroristes. Ces derniers ne se sont jamais interrompus depuis 2 ans.