Le nombre de jihadistes de Suisse explose: 55 départs ont été recensés entre 2001 et aujourd'hui, contre une vingtaine jusqu'en mai 2013. Six personnes sont mortes, indique mercredi à l'ats le Service de renseignement de la Confédération (SRC).
Trente-et-un voyages concernent la Syrie et l'Irak. Les 24 autres sont liés à l'Afghanistan, au Pakistan, au Yémen et à la Somalie. «Certains de ces voyageurs motivés par le jihad sont encore sur place, certains font la navette dans ces régions et d'autres sont de retour en Suisse», détaille Isabelle Graber, porte-parole du SRC.
L'année 2014 est marquée par une nette augmentation du phénomène. Une quarantaine de cas avaient été évoqués lors du dernier bilan présenté en mai dernier. Un chiffre passé à environ 50 le mois passé.
23 départs confirmés
Vingt-trois départs ont été confirmés sur les 55 dénombrés jusqu'à aujourd'hui. Là aussi, une progression se dessine: 14 cas avaient été attestés en mai dernier, et sept en mai 2013.
Sur les 23 voyages confirmés, la Syrie et l'Irak constituent les destinations les plus courantes. Dix-sept cas sont liés à ces deux zones de conflit.
18 de retour en Suisse
Trente-et-une personnes sont en ce moment au front dans les pays concernés, dont 17 attestées. En revanche, 18 jihadistes sont rentrés en Suisse, soupçonne fortement le SRC. Mais sur ce nombre, seule la présence d'une personne a été confirmée dans une zone de conflit.
Le Service de renseignement refuse de fournir d'autres indications sur l'identité, l'âge, le sexe, la nationalité ou le domicile de ces résidents. Et de préciser que «les motifs poussant des jeunes à partir dans ces régions sont souvent très personnels. Chaque cas est individuel et la prévention joue ici un rôle capital.»
Incitation sur Internet
L'organe fédéral pointe toutefois «les propos incitant à la violence et au jihad sur les sites Internet». Mis en ligne «par des personnes apparemment domiciliées en Suisse, ils posent un problème toujours plus inquiétant», souligne Isabelle Graber.
Le phénomène prenant de l'importance, le SRC annonce qu'il publiera désormais chaque mois «le nombre des voyageurs motivés par le jihad qui, partis de Suisse, ont été ou sont actuellement dans des zones de conflits». Et ce afin d'informer le public, ajoute Mme Graber, qui précise qu'une collaboration «étroite» avec les autorités fédérales et cantonales se poursuit.
Nouvelle loi en jeu
Dans la foulée, le SRC appelle de ses voeux l'introduction de «la nouvelle loi actuellement en discussion» au Parlement. Si ce texte est accepté, il donnera à l'organe fédéral des possibilités supplémentaires «telle que par exemple, la surveillance de lieux privés et d'ordinateurs.» Cette loi a ses opposants.
Pour mémoire, l'Etat islamique (EI) et les organisations apparentées sont interdites en Suisse depuis la semaine passée. Le Conseil fédéral a approuvé à cette fin une ordonnance d'une validité de six mois. Toutes les actions destinées à leur apporter un soutien financier, en matériel ou en personnel en Suisse ou à l'étranger, ou le recrutement de nouveaux membres, sont proscrites.
Les infractions sont passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. En outre, le Ministère public de la Confédération enquête actuellement sur une vingtaine de cas en lien avec le jihad.
Loi plus dure demandée
L'UDC et le PDC appellent mercredi à un durcissement de la législation afin d'endiguer l'augmentation significative du nombre des jihadistes de Suisse.
A l'opposé, la Division sécurité humaine du Département fédéral des affaires étrangères temporise.
Pour l'UDC, «il faut retirer la nationalité suisse aux voyageurs du jihad qui rentrent en Suisse: on pourra ainsi leur en interdire l'entrée», assène Martin Baltisser, secrétaire général. «Et nous devons donner, dans le cadre de la loi en révision au Parlement, les outils permettant au Service de renseignement de la Confédération» d'élargir sa surveillance.
Le PDC rejoint l'UDC sur ces deux positions. Les démocrates-chrétiens exigent en outre une «interdiction de sortie du territoire pour les potentiels touristes du jihad». Une base légale pourrait être créée à cette fin «en complétant la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure».
Du côté du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), on se fait moins de soucis. «La situation ne devrait pas s'aggraver en Suisse», estime Claude Wild, chef de la division sécurité humaine, dans un entretien publié sur le site du quotidien «20 minutes».
«Nous n'avons pas de ghettos, contrairement à certains pays voisins. Et notre politique d'intégration fonctionne bien.» Mais il s'agit quand même de renforcer certaines dispositions: de l'avis du haut fonctionnaire, les stratégies d'aide au développement doivent s'axer davantage sur les jeunes dépourvus de perspectives, et qui souvent se montrent sensibles au discours des groupes terroristes.